La sagesse du jardinier : savourer les fruits et semer les graines
Nous aimons les fruits pour la beauté de leurs formes, pour l’arôme qu’ils dégagent, et surtout pour l’éventail de saveurs de leur chair et pour le jus sucré que rendent certains.
Toutefois, du point de vue de l’arbre, la vocation première de ses fruits est de lui permettre de se reproduire, grâce aux pépins, noyaux ou graines qu’ils contiennent. C’est dans ces semences que se condense toute l’information, c’est-à-dire la sagesse, qui permettra à d’autres arbres de croître à leur tour.
Parce que la nature les a faits délicieux, nous cueillons les fruits et les emportons chez nous, contribuant ainsi à disséminer au loin les précieuses semences de l’arbre. De manière analogue, depuis toujours, les sages et prophètes de l’humanité ont enveloppé leurs connaissances dans des contes passionnants, des paraboles inspirées, des mythes et allégories qui nous émerveillent : nous nous régalons à les entendre et à les répéter, nous savourons l’histoire qu’ils véhiculent et la partageons à la ronde. Mais le plus important, pourtant, ce sont les graines de sagesse qui sont habilement dissimulées en eux et que nous contribuons à faire circuler en les racontant, fût-ce à notre insu.
Certaines personnes se contentent de manger les fruits, tandis que d’autres en extraient aussi patiemment les graines pour les semer dans leur jardin. De manière analogue, on peut juste apprécier une histoire, comme on peut aussi prendre le temps – derrière sa forme plaisante – de découvrir les richesses vivantes qu’elle nous réserve. Si vous cherchez ces semences de sagesse pour les planter dans votre vie, elles feront croître en vous les mêmes qualités qu’on admire chez ces maîtres de sagesse.
Continuez de vous délecter de mythes et allégories, mais n’oubliez pas de cultiver aussi votre jardin !
Rester en santé : bien se nourrir sur tous les plans
Chaque jour, pour vivre et vous épanouir, vous prenez plusieurs repas : vous vous nourrissez. Comme beaucoup d’entre nous, vous choisissez peut-être des aliments bio. Dans la mesure du possible, vous veillez à ce qu’ils soient sains et savoureux, afin d’offrir à votre corps physique toute l’énergie et les éléments essentiels dont il a besoin pour fonctionner et rester en bonne santé : vitamines, protéines, glucides, sels minéraux, oligoéléments, etc.
Et votre cœur, maintenant : de quels sentiments, de quelles émotions le nourrissez-vous ? Et votre intellect également : de quelles pensées, de quelles informations et réflexions l’alimentez-vous
Eh oui, on ne mange pas qu’avec sa bouche et son estomac ! On ne nourrit pas seulement son corps physique. La nutrition concerne aussi les plans affectif et mental, même si l’on n’y pense pas forcément en ces termes.
Chaque sentiment, chaque pensée qui pénètre en nous produit des effets en rapport avec leur nature. Certaines émotions nous dilatent, nous font du bien, d’autres nous perturbent : nous n’arrivons pas à les « digérer ». Certaines informations nous éclairent, nous font grandir et avancer, alors que d’autres nous empoisonnent, nous intoxiquent et nous détraquent.
Nous sommes généralement beaucoup moins attentifs à ces aliments-là, alors qu’ils déterminent notre état intérieur. On exige du bio pour son estomac, mais on laisse des ordures pénétrer dans son cœur ou son intellect. À quoi cela rime-t-il ?
Et si vous décidiez désormais d’être aussi exigeant dans ce que vous donnez à manger à votre cœur et à votre tête ? Ne laissez plus inconsciemment pénétrer en vous des sentiments toxiques, des pensées empoisonnées. Choisissez les meilleurs, sélectionnez en conscience ceux qui vous aident à vous épanouir et à réaliser tout ce que vous voulez entreprendre de grand, de bien et de beau, et rejetez les autres.
Radio mentale : se brancher sur les meilleures fréquences
Quand vous allumez la radio ou la télévision, vous choisissez la chaîne que vous voulez écouter ou regarder, parmi tout l’éventail proposé, en fonction de la musique, des films ou des émissions qui correspondent à vos goûts. Certains sont fans de France Musique, d’autres de Fun Radio ou de Skyrock. Certains aiment les chaînes d’infos, d’autres les séries TV ou les vieux films français. Ainsi, parmi l’infinie variété de fréquences qui saturent l’atmosphère à chaque instant, vous ne sélectionnez sur votre récepteur (radio, télé, ordi, iPod, etc.) que le canal qui vous convient.
Le cerveau humain fonctionne d’une manière assez similaire à ces multiples appareils récepteurs. D’ailleurs, ne dit-on pas qu’il réfléchit, donc qu’il renvoie quelque chose qu’il a reçu ? Réfléchir, comme regarder, c’est savoir orienter l’œil de son intelligence vers tel ou tel sujet pour en capter la nature, les contours et les couleurs ; c’est projeter son regard vers l’objet que l’on souhaite étudier.
Par la pensée, vous pouvez délibérément choisir sur quelle source vous voulez vous brancher, quelles sont les fréquences psychiques que vous souhaitez capter, quels dialogues et quelle musique vous désirez entendre intérieurement. Votre monologue intérieur ne vous plaît pas ? Vous ressassez toujours les mêmes rengaines ? Eh bien changez de chaîne !
Le matin, à votre réveil, réglez-vous sur une chaîne FM (fréquences mentales) qui émet des ondes dynamiques, lumineuses, positives ou bienveillantes. Comment ? En braquant votre attention (votre parabole intérieure) sur la beauté de la nature, sur des œuvres d’art inspirées, sur des êtres exceptionnels, sur des sujets de réflexion qui vous dilatent et vous élèvent. Fixez-vous sur le bon, le bien, le beau.
Imaginez que, comme des millions d’autres personnes, vous restez branché durant cette journée sur des émissions qui éveillent, stimulent et renforcent ce qu’il y a de meilleur en vous. Vous vous sentirez relié à toute une communauté de personnes qui partagent les mêmes idéaux que vous et qui œuvrent à leur échelle à la construction d’un monde meilleur.
L’attention aux micro-changements : affûter sa conscience
Dans
La grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite, la première des sept métaphores de ce recueil est celle de cette fameuse grenouille qu’on plonge dans une marmite d’eau froide posée sur un feu doux : la température de l’eau grimpe si lentement que la grenouille s’y habitue, se laisse engourdir et fi nit par mourir cuite. Par contraste, le même batracien plongé soudainement dans une eau à 50 degrés donnerait aussitôt un coup de patte salutaire et sauverait sa peau.
De nombreux changements dans nos vies et dans la société s’opèrent eux aussi d’une manière si lente qu’ils échappent facilement à notre conscience : nous risquons de ne pas les percevoir… sinon trop tard, quand leurs effets sont déjà irréversibles. Qu’il s’agisse d’une relation de couple ou de la dégradation de l’environnement, de la malbouffe ou de la vie démocratique, la plupart des évolutions importantes ne se font pas du jour au lendemain, mais sur des mois, des années, voire des décennies. Apprendre à les détecter exige de développer et d’entretenir constamment sa conscience, son attention, en la concentrant régulièrement sur des domaines différents pour les réévaluer.
Aujourd’hui, par exemple, fixez votre attention sur votre santé : comment a-t-elle évolué depuis six mois, un an, voire cinq ans ? Est-ce qu’elle se maintient, s’améliore ? Ou cet examen révèle-t-il plutôt l’apparition passée inaperçue de divers inconforts, de maux et symptômes qui signalent une augmentation de la température de votre « marmite santé » ? Ne serait-il pas temps de faire quelques ajustements (meilleure alimentation, davantage d’activité physique, plus de sommeil) pour retrouver un état optimal ?
Affûtez constamment votre conscience – tant de choses concourent chaque jour à nous abrutir et nous anesthésier ! – jusqu’à atteindre un jour la pleine conscience. Vous préserverez ainsi dans tous les domaines de la vie la qualité à laquelle vous aspirez.
Une vie bâtie sur mesure : c’est vous l’architecte !
Pour construire une maison, il vous faut des pierres, du ciment pour les assembler et un plan pour en déterminer l’agencement. Pour bâtir l’édifice de sa vie, c’est pareil.
Les pierres, ce sont les événements de votre vie, aussi bien ceux heureux que vous avez choisis que ceux plus douloureux que la vie parfois nous impose (accidents, épreuves, etc.). C’est le côté physique. Le ciment qui soude ces pierres, ce sont vos sentiments. C’est le cœur, la dimension affective qui relie les choses et les gens entre eux, qui crée des liens, tantôt souples et légers, tantôt sombres et rigides, selon l’émotion positive ou négative qui vous habite. Enfin, le plan qui en détermine l’agencement, c’est le sens que vous donnez à votre vie. C’est l’histoire, la construction mentale que vous échafaudez à partir des matériaux dont vous disposez.
Dans votre construction personnelle, vous ne choisissez pas toujours les pierres : parfois la vie en jette soudain de grosses ou biscornues dans votre jardin, que vous n’aviez pas prévues. Il vous faudra alors les tailler et leur trouver une place dans votre bâtiment. Par contre, vous pouvez toujours choisir entre le ciment de la peur, de la méfiance et la haine, et celui de l’amour, de la joie et l’enthousiasme. Et surtout, c’est vous l’architecte : c’est vous qui décidez quels plans vous souhaitez dessiner. Qu’allez-vous construire avec ces pierres : une prison ? un beau palais ? une petite villa ?
On peut démolir un bâtiment et, avec les mêmes pierres, en refaire un autre différent. D’un donjon peut naître une jolie maison. De manière analogue, vous pouvez déconstruire l’histoire de votre vie – si elle ne vous convient pas – et, en en conservant les mêmes événements, mais en les agençant autrement, décider d’en écrire une nouvelle, plus adaptée, plus inspirante.
Les faits ne parlent jamais d’eux-mêmes : c’est vous qui leur donnez le sens que vous voulez. C’est là votre plus grande liberté !
Olivier Clerc,
Graines de sens. 52 métaphores pour cultiver votre jardin intérieur, éditons La Martinière, 2016.