Ce n’est pas seulement l’histoire d’un trauma, mais celle d’un combat pour réintégrer un corps marqué par une mémoire de violence. Dans son récit, intime et courageux, Jérôme Guillement met en lumière le rôle du corps dans le processus de résilience.
Santé corps-esprit
Jaromir Chalabala / Shutterstock
« Témoigner est une ambition que je porte depuis plus de deux ans maintenant. Longtemps, les mots m’ont manqué, laissant alors le corps s’exprimer avec douleur. » Dans En mon corps meurtri, Jérôme Guillement livre un témoignage bouleversant sur les séquelles invisibles des abus sexuels subis à l’adolescence. L’auteur décrit comment, pendant des années, il a vécu avec des symptômes inexpliqués : crises d’angoisse, douleurs diffuses, troubles digestifs. Ce que l’esprit tente d’oublier, le corps, lui, refuse de le taire. « Le mental a cette capacité à cadenasser certaines informations ou situations, mais le corps, lui, garde trace de tout. Rien ne lui échappe, tout est inscrit dans ses cellules », écrit-il. Les manifestations physiques du trauma deviennent des signaux d’alarme, des appels à comprendre et à affronter ce qui a été refoulé. « Mon ventre s’exprime avec violence. Mais que dit-il ? Ce qui émerge me paraît étranger, désordonné et confus ; je me sens bien incapable d’en accompagner le jaillissement », se souvient-il.
Pour l’auteur, le premier pas vers la guérison est de rompre le mutisme. Jérôme Guillement a été abusé par un prêtre. Adolescent, il est organiste, profondément impliqué dans les offices religieux, et voit dans la musique sacrée un « espace de connexion intérieure ». Il poursuit ce lien malgré son traumatisme, cherchant une autre forme de spiritualité qui ne soit pas entachée par la violence subie. La révélation à ses parents est un moment clé, un saut dans l’inconnu. « L’impact sera immense ; j’en paierai le prix un peu plus tard dans mon corps. Mais, pour la première fois, j’ai l’impression d’avoir touché terre, comme si cette révélation avait amorcé un ancrage, comme si elle avait scellé mon acceptation de vivre malgré ce fardeau », raconte-t-il. Mais parler ne suffit pas. Après l’aveu vient la confrontation aux émotions enfouies, aux souvenirs fragmentés, aux conséquences invisibles sur toute une vie. Pour cela, Jérôme Guillement fait face à cet adolescent meurtri : « J’avais nié ses besoins en n’accueillant pas ce qu’il avait vécu. Réparer l’adulte que je suis, c’était d’abord envelopper cet enfant, l’entourer de chaleur et d’amour, lui expliquer que tout était fini et que j’étais là pour lui, que nous avions survécu. »
Il raconte aussi comment, lors d’une retraite dans un monastère bénédictin, il vit un moment décisif. C’est dans ce cadre de silence et de recueillement qu’il parle pour la première fois de son passé à un moine.
À plusieurs reprises, il évoque une quête de sens face à l’épreuve. Sa conception de la spiritualité s’élargit aussi au fil du temps. Il s’éloigne d’une vision traditionnelle du divin pour rejoindre une spiritualité plus intérieure, influencée par Jung, la synchronicité et la symbolique du corps. Il voit la vie comme un processus initiatique où les épreuves, aussi douloureuses soient-elles, peuvent être transmutées en une force nouvelle.
Au fil des années, l’auteur explore différentes approches pour se réconcilier avec son corps et apaiser les douleurs qu’il porte. Thérapies, méditation, chant, écriture... Il comprend que la guérison passe par une reconnexion à soi. « Ces événements de vie ne sont pas dictés par un Dieu extérieur, ils font partie intégrante de notre parcours d’homme incarné, de notre cheminement intérieur comme de notre contribution au monde », conclut-il. Ce livre dépasse le simple témoignage personnel. C’est un texte engagé qui interroge sur la mémoire du corps, la responsabilité des institutions et la nécessité d’accompagner les victimes.
Journaliste et rédactrice en chef adjointe d'Inexploré magazine
Melanie Chereau est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages. Ses thèmes de prédilection sont la spiritualité, la naturopathie et les médecines douces.
Elle pratique le bouddhisme depuis plus de 17 ans, est formée en Reiki et en aromathérapie. ...
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