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À
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L’hypersensibilité est souvent perçue comme un défaut dans cette société de performance et de contrôle. Or, acceptée et « chevauchée », elle offre une précieuse porosité à même de nous ouvrir à d’autres dimensions et de se transformer en don.
À fleur de peau
Santé corps-esprit
Trop. Trop émotif, trop sensible, trop impliqué, trop gentil, trop décalé, trop enthousiaste, trop perfectionniste... Tout hypersensible vous dira qu’il a entendu ces remarques des centaines de fois. Dans cette société blindée, cynique et dans l’hypercontrôle, la sensibilité élevée passe mal. Nombre d’hypersensibles finissent donc par se sentir de trop et font tout pour rentrer dans le moule. « “Je suis hypersensible” est une expression que je pouvais utiliser comme ça, en l’air, comme une chose gênante, dont je voulais me débarrasser. C’est plus tard que j’ai découvert qu’hypersensible était aussi un mot qui a un sens profond, une caractéristique de la personnalité, avec ses prédispositions, ses troubles et ses origines. J’avais toujours cherché à la neutraliser par adaptation à mon environnement... Ce que je n’avais pas compris, c’est que cela fait partie de moi, de chaque cellule de mon corps, de mon cerveau, et que l’on ne s’en départ pas comme cela », témoigne Charlotte Wils, dans Itinéraire d’une ultrasensible.

Coach, elle accompagne les personnes à haute sensibilité – qui découvrent souvent sur le tard la raison de ce sentiment de décalage qui les suit depuis l’enfance. Et si, au final, nous enlevions le qualificatif « trop » ? Cela donne « émotif », « sensible », « impliqué ». Car une fois connectée aux dons de cette sensibilité élevée, la vulnérabilité devient une force. Une extraordinaire manne d’empathie, d’intuition, de créativité, pour passer de l’intensité de vivre à une vie intense.

Jung, homme sensible s’il en est, parlait déjà d’hypersensibilité dans ses écrits.


La sensibilité avantageuse


Jung, homme sensible s’il en est, parlait déjà d’hypersensibilité dans ses écrits, caractère qu’il trouvait « enrichissant ». Mais c’est la psychologue et chercheuse américaine Elaine Aron (elle-même ultrasensible) qui a été la première à réellement parler de « sensibilité élevée », à la fin des années 1990. Selon elle, l’hypersensibilité serait en partie déterminée par la génétique. Elle y associe quatre caractéristiques : le traitement en profondeur des informations ; la tendance à la surstimulation, donc à la fatigue ; la vivacité des réactions émotionnelles et la puissance de l’empathie ; la perception des nuances et des subtilités. Elaine Aron parle de Highly Sensitive Person, dont la traduction courante en français d’hypersensible est controversée, car elle sous-entend un défaut, un excès.

Saverio Tomasella, docteur en psychologie, psychanalyste et fondateur de l’Observatoire de l’ultrasensibilité, préfère utiliser le terme « ultrasensible ». Il considère que cette sensibilité élevée est la conjugaison de plusieurs dispositions personnelles et découle de l’histoire singulière de chaque personne depuis sa vie intra-utérine ainsi que de son environnement. Ultrasensible et auteur d’ouvrages sur le sujet, il revient sur les quatre piliers de la haute sensibilité : « Le traitement en profondeur des informations fait que, pour une question existentielle ou une prise de décision, l’ultrasensible va intensément peser le pour et le contre. » La surstimulation, elle, va de pair avec la saturation. « La réceptivité est telle, que l’on est vite débordé et épuisé. Nous avons donc besoin de plus de pauses et de repos. » D’où l’idée d’aménager des espaces de repos dédiés dans les entreprises, car cinq à dix minutes de calme suffisent pour se sentir mieux. Le troisième pilier, la réceptivité émotionnelle, qui se traduit par des émotions plus fortes et plus variées que la moyenne, sous-tend deux phénomènes. Premièrement, l’amplification des émotions, avec l’impression d’être une caisse de résonance. Deuxièmement, une contagion émotionnelle intense. « Nous sommes perméables aux émotions des autres. D’où la difficulté à travailler en open space ou prendre les transports en commun. » Enfin, la perception fine des nuances signifie qu’une intonation de voix, un regard seront aussitôt scannés. « Nous développons une attention soutenue au monde, extérieur et intérieur », relève Saverio Tomasella.

Enthousiaste, ce dernier souligne qu’à la lumière de récentes recherches, une cinquième caractéristique a émergé. Elle est encourageante dans le chaos du monde, où une étude américaine pointe une baisse de 40 % de l’empathie, qui se manifeste dans le harcèlement scolaire et le bashing sur les réseaux sociaux. « Les jeunes baignent dans un monde sans foi ni loi. Ils sont très peu sensibles, mais cette dureté est une façon de se blinder », analyse Saverio Tomasella. Or, la cinquième caractéristique, la sensibilité avantageuse, montre que les ultrasensibles ne sont pas blindés, mais plus réceptifs à ce qui va bien. « Ils sont plus enthousiastes et ont une créativité spontanée et intuitive exacerbée. Certes, on va tout ressentir plus fort, la souffrance, la critique, mais nous serons aussi plus sensibles à un beau paysage ou une relation harmonieuse. » De quoi faire taire les cyniques qui accusent les personnes hautement sensibles d’être des ravis de la crèche ! « Cette haute réceptivité à l’émerveillement, à la joie et au lien retentit sur la sphère spirituelle, car une autre étude a pointé l’an dernier qu’il y a de nombreux Light Workers (travailleurs de lumière) parmi les ultrasensibles, impliqués dans la transition actuelle. Cette empathie donne envie de s’engager dans des causes qui font sens. » Autre point positif, des études récentes ont montré que, dans le monde francophone, 50 % des personnes vivent bien leur sensibilité élevée... même si ce n’est pas facile. Alors pour mieux (le) vivre, Saverio Tomasella conseille de réserver du temps à la méditation, au jardinage, aux thérapies ou encore à l’activité physique.

Les ultrasensibles ne sont pas blindés, mais plus réceptifs à ce qui va bien.


Haut potentiel et hypersensibilité


Il n’existe pas une seule définition du haut potentiel (HP) ou de la douance, mais des tonalités variées. Ces termes ont remplacé celui de « surdoué », à la consonance lourde à porter pour ceux qui, par nature, se sentent déjà en décalage. Ici, le cœur du sujet n’est pas le haut potentiel, mais impossible de le passer sous silence lorsqu’on parle d’hypersensibilité... En effet, la sensibilité exacerbée fait généralement partie du bagage pluriel des « zèbres », autre appellation de la surefficience mentale. Est-ce à dire que tous les HP sont hypersensibles et que les hypersensibles sont tous « surdoués » ? « Ces questions me sont souvent posées, et les deux peuvent être confondus », souligne Nathalie Alsteen, coach et thérapeute spécialisée dans l’accompagnement des adultes à haut potentiel, auteure du livre, Émotifs talentueux.

« En fait, une personne hypersensible n’est pas forcément haut potentiel, et si l’on se base sur les travaux d’Elaine Aron, on les estime entre 15 et 25 % de la population. Les personnes à haut potentiel, elles, représentent environ 2 à 3 % de la population et sont assez souvent concernées par la haute sensibilité, bien que toutes les études ne s’accordent pas sur cet aspect. » Lorsqu’on évoque ce lien entre haute sensibilité et douance, il est intéressant d’épingler les travaux du psychiatre polonais Kazimierz Dabrowski. Ses études mettent en lumière la notion d’hyperexcitabilité (traduction de overexcitability, en anglais), qui se traduit par une surstimulation permanente que connaissent bien les HP et ultrasensibles. Pour Dabrowski, il s’agit d’« une réponse plus intense que la moyenne aux stimuli et qui se manifeste par une excitation psychomotrice, sensorielle, émotionnelle, intellectuelle ou imaginative, ou une combinaison de deux ou de plusieurs d’entre elles ». La surstimulabilité émotionnelle et sensorielle, à tout le moins, se retrouve chez les personnes ultrasensibles.

Cette haute réceptivité à l’émerveillement, à la joie et au lien retentit sur la sphère spirituelle.


De l’ultrasensibilité à l’extrasensorialité


Par définition, une personne hautement sensible... est ultrasensible à son environnement. Énergétique et vibratoire. Une porosité au(x) monde(s) qui peut ouvrir à d’autres dimensions (voir témoignage d’Amélie). « Les ultrasensibles se montrent plus curieux, plus poreux mais aussi plus désireux d’entrer en contact avec l’invisible et l’intangible. D’où une disponibilité aux expériences spirituelles au sens large, qui se traduit par une aptitude à la communication subtile et un intérêt souvent poussé pour les énergies, la médecine alternative, la physique quantique », décrypte Saverio Tomasella. Est-ce à dire que la médiumnité est à portée de cette sensibilité élevée ? En tout cas, il semble que l’accès soit plus facile. À une nuance près, car si les études sur l’hypersensibilité montrent que la réceptivité est doublée d’une intuition très affûtée, certains peuvent en avoir peur, du coup s’en éloigner. Nathalie Alsteen reconnaît qu’enfant, elle était très connectée à ses capacités intuitives, mais qu’elle a longtemps coupé ce lien. « Je me sens comme une antenne qui capte des choses indicibles. J’ai appris à me reconnecter à cette capacité et à l’utiliser dans l’accompagnement des personnes. » Il y a un an, elle n’aurait même pas évoqué ce don... mais le confinement l’a « déconfinée », dit-elle. Et même le web-congrès annuel sur la douance qu’elle a créé s’est teinté naturellement de ce lien entre haute sensibilité et ouverture de conscience.

« Il faut apprivoiser son ultrasensibilité, et il y a une nécessaire phase de validation des infos (extra)sensorielles qui sont en décalage avec la réalité ordinaire d’un monde matérialiste », témoigne Saverio Tomasella. Ce dernier perçoit les auras, les énergies et est sujet à la transmission de pensée. « Ayant baigné dans un univers familial scientifique, je reste humble par rapport à ces capacités, mais je capte des informations intéressantes qui me guident dans ma pratique de psychanalyste. » Et de pointer une caractéristique complémentaire qu’il a codécouverte. Nommée l’ultrafantaisie, elle tient à une capacité à ressentir tout de façon multisensorielle. « Ce qui fait que voir un film violent est impossible, car nous le vivons dans notre corps », dit-il, soulignant que sur le plan biologique, la zone des neurones miroirs est très active. Le graal ? « Je pense que cette sensibilité élevée, de par ses caractéristiques (intuition, empathie, etc.) et son potentiel de sagesse, d’ouverture du cœur, recèle un don visionnaire. Une capacité à envisager et inventer le futur du monde de façon positive et créative », conclut Saverio Tomasella. Avec la foi que le monde à venir sera sensible.

« Je perçois les énergies tout autour de moi. » Témoignage sensible d’Amélie, 34 ans
« Depuis toujours, je suis à fleur de peau. Il n’y a que quatre ans que j’ai découvert cette hypersensibilité, associée, semble-t-il, à un haut potentiel. Ça m’a libérée ! Je pensais que tout le monde était comme ça, je ne comprenais pas mon décalage. C’est un grand manège à sensations émotionnel, avec l’impression de marcher sur un fil, fragile. J’accueille ma différence, je la cultive. S’émerveiller, s’émouvoir des petites choses, d’une tasse de thé qui fume... Cette “grande perception” est d’une incroyable richesse. Mais la surstimulation peut être épuisante, oppressante, violente. L’ORL vient de me diagnostiquer une misophonie (étymologiquement « la haine du son », NDLR). Je discerne une multitude de bruits et d’odeurs ; ça me parasite, parfois c’est trop. Il m’arrive de ne pas “sentir” un lieu. Dans ce monde de surstimulation, j’ai besoin de bulles de silence pour me recharger. Avant, je ne me l’autorisais pas, et je devenais la mauvaise version de moi-même. Sentir, ressentir... Je perçois les énergies autour de moi, que tout est relié. Je “scanne” – si je ne sens pas les choses, je pars. Comme je suis une éponge sans filtre, accepter de déployer cette sensibilité va de pair avec des barrières de protection. Dès l’enfance, j’ai eu une intuition clairvoyante, avec un truc assez magique ; je pensais à quelque chose et ça arrivait. Depuis, je visualise ma journée du lendemain dans le détail, selon un scénario intuitif, et les choses se passent comme je l’imagine. Ça a pu me faire peur... J’ai un monde intérieur riche, je rêve beaucoup en ressentant tout. Malgré cette sensibilité extrême, je peux rester un roc dans les tempêtes. Peut-être est-ce mon cerveau qui disjoncte ? Je me détache quasi corporellement, comme si je me dédoublais. Je deviens alors une médiatrice hors pair. »


À
propos

auteur

  • Carine Anselme

    Journaliste
    Après avoir aiguisé son art journalistique en qualité de rédactrice en chef de divers magazines belges, Carine Anselme décide un jour de ne plus tremper sa plume que dans ce qui la touche au plus profond de son être et qu’elle rassemble sous le vocable « écologie humaine ». De « Psychologies magazine » (édition belge) à « Bioinfo », en passant par « Gael », « Nest » ou encore « Terre Sauvage », elle est devenue une journaliste incontournable sur tous les sujets qui touchent aux médecines altern ...
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Inexploré n°48

La roue des émotions

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À vous qui êtes sensible… Et si pour une fois, nous faisions vibrer cette corde en conscience et avec bienveillance ?
De l’enfance à l’âge adulte, en passant par l’adolescence, nos émotions nous bousculent, modifient notre corps et influencent toutes nos réactions. Si elles semblent diriger nos vies, apprendre à reconnaitre ce que nous vivons au cœur de la matière serait la première clé indispensable pour vivre conscient. De l’ultrasensibilité à l’extrasensorialité, notre monde intérieur nous offre un terrain infini de transmutations et de cheminements émotionnels, depuis notre inconscient, aux mémoires karmiques et perceptions subtiles.

Pour cette rentrée particulière, Inexploré mag. vous propose de mettre en lumière la roue des émotions, étape indispensable pour mieux vivre le vortex de changements individuels et sociétaux que nous traversons…

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