Réenchanter
sa
vie,
quand
l’âme
agit

Renouer avec nos fêtes occidentales comme Noël, le Nouvel An, ou participer à des rituels plus chamaniques ramenés à notre culture permettrait d’apporter de la magie à notre vie, du sens à certains.
Réenchanter sa vie, quand l’âme agit
Âme du monde
« Trop de pensées raisonnantes, trop d’analyses rationnelles et pas assez de signes, de rythmes et de rites chez l’homme contemporain », a écrit Paule Lebrun, fondatrice de HO Rites de Passage. En d’autres termes, si notre monde contemporain connaît d’extraordinaires percées scientifiques et de technologiques de haut niveau, « toutefois notre cosmologie de machines manque d’âme », nous souffle-t-elle entre les lignes. Des propos qui font écho au célèbre psychanalyste Jung, qui évoquait déjà l’importance de « fabriquer de l’âme dans une société dépourvue de mythes significatifs ». Et de quoi se nourrit l’âme humaine ?

« De beauté, de cérémonies, de nature, de proximité avec les mystères de la vie, de chants, de danses, de participations collectives et cosmiques », répondait invariablement la grande dame, lors de conférences dédiées à l’art du rituel. Il ne tient qu’à nous de les inviter à nouveau dans nos vies, en nous inspirant des traditions ancestrales, adaptées à notre modernité, que ce soit pour les fêtes de Noël, du réveillon, pour accompagner les rites de passage de nos enfants, ou encore pour rétablir le dialogue avec la nature et nos ancêtres. « Les gens vont et viennent par la porte qui sépare et joint les deux mondes », dit le poète Rumi. Qu’attendons-nous pour en franchir le seuil ?


Renouer avec la magie de Noël


« La période de Noël est une fête des lumières, du renouveau ! », rappelle l’ethnobotaniste belge Richard Ely, également guide nature. Cette période regorge de rituels anciens transmis depuis des générations, que nous avons oubliés. « À l’approche de cette nuit particulière, lorsque les vents d’hiver se glissent sous les portes, nombre d’êtres fabuleux, issus des montagnes, des forêts, sont là pour nous apporter protection et joie », raconte notre spécialiste. On peut s’attendre à la visite des elfes, des lutins, des fées. Ces dernières sont liées au destin, au fil des couturières.

« Traditionnellement, on leur laissait ses travaux pour un temps d’inspection et de bénédiction », précise-t-il. Vous pouvez leur dédier un autel et y déposer des projets qui vous tiennent à cœur. « En guise d’offrande, au Danemark, on laisse un bol de lait chaud pour régaler ces petits êtres », conseille Richard Ely. Choisissez des mets de couleur blanche (mie de pain, crème, lait) sur une nappe immaculée, symbole de pureté. La nuit de Noël est également un temps pour solliciter l’aide protectrice des esprits de la forêt en ritualisant la tradition autour du houx ou du sapin, par exemple, aux feuillages persistants symboles de longévité. Comment ? « Sortez en famille, en forêt, pour ramener une branche, ou plusieurs, à la maison », propose-t-il.

Le rituel réside dans le mouvement (de l’interne/foyer vers l’externe/monde sauvage), avec une notion d’épreuve, comme braver le froid. Alors le seuil est franchi et une porte peut s’ouvrir à la rencontre des esprits de la nature, que ce soit par le choix de branches (houx, sapin) ou d’autres éléments bénéfiques (châtaignes, marrons, feuilles), pour un retour au domestique, avec une demande de protection. Le rituel est une passerelle entre deux mondes, du profane au sacré. « Ce n’est plus de la déco, c’est un acte d’amour vers les esprits, qui leur est destiné, qui les touche », assure cet intime des esprits de la nature. Alors, la véritable magie de Noël peut opérer !


S’ouvrir à un nouveau cycle pour le réveillon


« Peinture éphémère, le kolam est un rituel indien pratiqué à diverses occasions. Au nouvel an, il symbolise l’ouverture à un nouveau cycle », explique Sandrine Syama Bataillard, formée à l’art rituel du mandala, selon les traditions bouddhiques, celtiques, védiques. En Inde du Sud, les kolams tracés au sol avec de la poudre de riz et ornés de couleurs vives s’appuient sur la dimension symbolique des formes, pour faire apparaître le monde invisible dans le visible. Ils protègent les habitants de la demeure, en ouvrant la porte aux divinités pour bénir chacun. « Cet art ancestral s’inspire de la nature, des saisons, des astres et du rythme de la vie, exprimant l’universalité du monde et notre lien à la nature autour de nous et en nous », commente la spécialiste.

Traditionnellement, le dernier jour de l’année, à l’aube, les femmes nettoient le sol, pour que celui-ci reçoive le kolam qui prend vie sous leurs mains. Puis, le soir venu, ce mandala est dissous ; un acte clôturant le cycle annuel, pour un nouveau recommencement. Sandrine Bataillard explique : « La notion d’éphémère est centrale, rappelant ainsi le rythme du vivant et l’importance du moment présent. » Pratiquer le kolam, ensemble, pour le réveillon est une façon de se relier à ses forces universelles et symboliquement de quitter l’ancien, pour un nouveau cycle. Une fois la forme dessinée sur une grande feuille de papier – par exemple une fleur, un lotus ou toute forme inspirée de la nature – chacun peut contribuer à sa création.
Un conseil : « Préférez des haricots blancs, des lentilles corail, des épices à la farine, difficile à manipuler, surtout pour les enfants. Fleurs et feuilles sont bienvenues. » Plus que la volonté de bien faire, c’est l’intention qui va agir pendant ce rituel : « comme se relier à l’année qui s’est déroulée, en se remémorant des moments heureux comme malheureux ». Des chants peuvent accompagner ce processus. Pour éclairer symboliquement le cycle suivant, déposez une ou plusieurs bougies, que vous allumerez aux douze coups de minuit. Place au nouveau, avec la phase de déconstruction du kolam, qui s’effectue de l’extérieur vers l’intérieur et permet de dissoudre les anciens schémas. Prenez un temps pour bénir cette nouvelle année qui commence, et son lot de merveilles.


Trouver sa place grâce à la fontaine


« Ils sont une vingtaine d’adolescents à marcher en silence, vers une destination inconnue, pour un rituel », rapporte Brigitte Chavas, thérapeute transpersonnelle. Dans les sociétés traditionnelles, les rites de passage ont lieu vers 14-15 ans : « peu de périodes dans la vie sont aussi fertiles en possibilités de transformation. » À cet âge, la bande, le groupe prime ; c’est à la fois un refuge et un substitut de confiance en soi ; l’adolescent se cherche dans le miroir des autres. Désireux, aussi, de se différencier de sa famille d’origine, il s’en crée une nouvelle.

Le rituel est une passerelle entre deux mondes, du profane au sacré.


« Pour trouver sa tribu d’appartenance et prendre sa place avec fierté, il doit connaître sa valeur », ajoute la spécialiste. Une étape primordiale est de se libérer de la honte. « Elle est chevillée au corps, à leurs désirs avec lesquels ils sont empêtrés, dans leurs relations ; manque d’estime de soi, abus, rejet sont exprimés », confie Brigitte Chavas. La honte est bien réelle, transmise aussi souvent par les générations précédentes. Au Pérou et dans les traditions en général, les rituels de purification se font avec l’eau, puissant symbole du vivant, qui nous lave de tout avant de retourner à la terre. C’est vers la fontaine que tous se dirigent, après avoir parcouru en silence le chemin ritualisé, du foyer jusqu’à l’endroit du rite. Là, tous se rassemblent en cercle, en se donnant la main. Chacun, individuellement, va s’approcher de la fontaine et, avec une phrase personnelle confier sa demande.

« C’est à l’esprit de l’eau qu’on s’adresse, avec lequel on s’unit symboliquement en plongeant son visage, ses avant-bras, alors même que sa température est saisissante de froid », précise la thérapeute. Tous sont témoins de ce passage, du courage, de l’audace à révéler ainsi sa profonde vulnérabilité, en partageant sa honte. Chacun reprendra sa place dans le cercle, lavé, purifié, neuf. De la même manière qu’un rituel s’ouvre, il se clôture, offrant un contenant à ce qui a été déposé, ici par un chant. Le chemin du retour se fait ensemble, avant de se réunir « à la maison » pour danser ou chanter la vie ! Les adolescents d’aujourd’hui sont les hommes de demain ; leur permettre, par le rituel, de revivifier leur relation aux autres et à la nature, pour enfin prendre leur place, avec fierté, dans la communauté des hommes, pourrait résoudre bien des maux que traverse la jeunesse.


Se reconnecter à notre sagesse ancestrale


« Assis en cercle dans la hutte ronde, accompagnés de la chaleur intense des pierres et de l’obscurité, nous recevons des visions », se souvient Bruno Clavier, psychanalyste transgénérationnel. Devenu un classique du néochamanisme, la hutte de sudation est à l’origine un rituel ancestral amérindien d’une grande puissance, à pratiquer dans le respect et la célébration du grand mystère. Pour, à nouveau, écouter la voix de nos ancêtres et goûter à la saveur du sacré !

Le principe est en apparence simple. Constituée d’un dôme, la sweat lodge comporte en son centre un trou creusé dans la terre, qui accueille des pierres chaudes, sur lesquelles sera versée de l’eau. « Tout est codifié. Nous sommes dans l’utérus de la Terre-Mère, la matrice. Les pierres chaudes sont des êtres de pierre, que le feu va réveiller, pour nous enseigner leur profonde sagesse », traduit le psychanalyste. Ce sont nos ancêtres spirituels qui donnent leur vie pour nous : une pierre ne brûle qu’une fois, délivrant son message. Tandis qu’avec la chaleur, les corps sont soumis à un profond rituel de nettoyage, les mémoires, émotions négatives, angoisses les plus archaïques, traversent chacun : le rituel s’opère en les déposant aux pierres, qui les prennent, pour apporter la libération.

Ce processus alchimique repose sur l’union du principe féminin, « l’eau » versée sur les pierres porteuses du « feu », principe masculin, dans l’utérus de la Terre-Mère. Là, nous pouvons recevoir une vision, une information « ressource » sur notre chemin de vie, et renaître. Des prières sont prononcées, ainsi que des chants, des pauses s’opèrent à chaque nouvelle pierre, quatre au total, symbolisant les quatre directions, chères aux Amérindiens. La présence des esprits des pierres est palpable. Une fois sortis de la hutte, tous se mettent en cercle autour du grand feu sacré que le gardien a pris soin de nourrir pour accueillir tous ces enfants nouveau-nés.
Alors se rétablit ce lien précieux, avec la pulsation de Terre-Mère, et père Ciel, au-dessus : une expérience de résonance au monde, et de réenchantement. S’engager dans un rituel de sudation ne se fait pas au hasard, ni de façon volontaire. « C’est la sweat lodge qui vous appelle ! », a pu observer Bruno Clavier. Si les bienfaits sont immenses, les dangers sont aussi réels. Choisissez avec soin votre guide et respectez vos limites. Si les inconforts sont trop importants – ce qui porte en soi une information de toute importance – n’oubliez pas qu’il est possible de sortir de la hutte.

À
propos

auteur

  • Catherine Maillard

    Journaliste
    Directrice de la collection l’Éveil du féminin et créatrice du blog uneaura4étoiles dédié à ce mouvement, elle suit des enseignements chamaniques et participe à des cercles de femmes depuis une quinzaine d’années. Catherine contribue au magazine Inexploré depuis plusieurs années en tant que journaliste. ...
flower

À
retrouver
dans

Inexploré n°41

Rituels : quand l'âme agit...

dernière parution

Vous souvenez-vous de ce temps où les rituels ponctuaient les vies, et au rythme des saisons ? Où les femmes et les hommes, par des actes collectifs ou personnels, rassemblaient leurs énergies pour porter des intentions dans le monde des formes ? Où le corps, au même titre que l’esprit, était sacré ? Dans ce numéro 41, la rédaction d’Inexploré vous invite à allumer de nouveau cette étincelle : celle de la magie, ou quand « l’âme agit ». Qu’est-ce qu’un rituel ? Quelles énergies ou égrégores convoquent-ils ? Quels sont les processus sous-jacent, et peut-il nous aider à retrouver l’harmonie dans une société où tout semble épars ? Au-delà de simples pratiques, il est bien question ici... d’oser réenchanter nos existences. Êtes-vous prêts ?

flower

Les
livres
à
lire

Voir tous les livres

Les
articles
similaires

  • Monastère de Boulaur : les témoins du miracle
    Lieux mystérieux

    Dans la campagne gersoise où elle a grandi repose Claire de Castelbajac, une jeune femme dont la vie terrestre, toute simple, n’a duré que 21 ans. Comment expliquer que 46 ans plus tard, elle ne cesse d’inspirer, d’attirer, d’être priée ...

    4 décembre 2022

    Monastère de Boulaur : les témoins du miracle

    Lire l'article
  • Qu'est-ce qu'un égrégore ?
    Perceptions

    Nous connaissons l'inconscient collectif, la mémoire collective ou encore les archétypes décrits par Jung. De bien des manières, nous nommons déjà ce phénomène mal connu et pourtant inscrit en nous : l'égrégore. Mais si nous sommes capables de générer ensemble ...

    7 septembre 2015

    Qu'est-ce qu'un égrégore ?

    Lire l'article
  • Sourcier, c’est pas sorcier
    Art de vivre

    Comment trouve-t-on de l’eau souterraine ? Rendez-vous chez Bernard Blancan pour un cours express de sourcellerie. À vos baguettes !

    23 octobre 2013

    Sourcier, c’est pas sorcier

    Lire l'article
  • Transmuter la colère
    Art de vivre

    Plus encore que tous les autres « péchés dits capitaux », la colère peut avoir sur nos vies des conséquences dramatiques. Non seulement pour nous-mêmes, mais également pour nos proches. Petit survol d’une émotion mal-aimée qui, pourtant, comme toute chose, ...

    4 janvier 2019

    Transmuter la colère

    Lire l'article
  • Orgueil & ego spirituel
    Âme du monde

    Dans nombre de chemins spirituels, dépasser l’orgueil est la dernière étape à franchir. Directement issue d’un ego qui ne lâche rien, cette épine dans le pied du cheminant se retrouve au niveau individuel, collectif, mais aussi chez les maîtres. Focus sur le dernier ...

    17 novembre 2020

    Orgueil & ego spirituel

    Lire l'article
  • De l’exploit vers l’extraordinaire…
    Art de vivre

    Jusqu’où peut-on encore aller quand on est amputé d’une jambe ? Jusqu’au bout du monde, et même un peu au-delà, à en croire les aventures de Frank Bruno, un sportif handicapé qui relève tous les défis.

    9 décembre 2013

    De l’exploit vers l’extraordinaire…

    Lire l'article
  • Maria Montessori - La pédagogue de l’espoir
    Inspirations

    Grande éducatrice italienne du début du XXᵉ siècle, Maria Montessori est aujourd’hui mondialement connue pour la pédagogie qui porte son nom. Mais derrière les principes éducatifs, c’est une vraie philosophie de l’humain dans son développement qui est à l’œuvre.

    23 mars 2022

    Maria Montessori - La pédagogue de l’espoir

    Lire l'article
  • D’où vient le souffle créateur ?
    Inspirations

    Et si l’inspiration était un écho céleste des mystères du monde ? D’où vient-elle, à quoi sert-elle, que nous transmet-elle ? Quelques pistes ouvertes par ceux qui jouent avec elle au quotidien nous permettent d’entrevoir cette force qui fait vibrer nos âmes.

    21 mars 2024

    D’où vient le souffle créateur ?

    Lire l'article
Voir tous les articles

Écoutez
nos podcasts

Écoutez les dossiers audio d’Inexploré mag. et prolongez nos enquêtes avec des entretiens audio.

Écoutez
background image background image
L’INREES utilise des cookies nécessaires au bon fonctionnement technique du site internet. Ces cookies sont indispensables pour permettre la connexion à votre compte, optimiser votre navigation et sécuriser les processus de commande. L’INREES n’utilise pas de cookies paramétrables. En cliquant sur ‘accepter’ vous acceptez ces cookies strictement nécessaires à une expérience de navigation sur notre site. [En savoir plus] [Accepter] [Refuser]