« À 14 ans, j’ai commencé à pratiquer la
magie noire, jusqu’au jour où certaines
personnes de mon entourage ont eu des
accidents graves. Je ne possédais pas de
manuel mais, bizarrement, je connaissais
spontanément tous les protocoles.
Comme j’arrivais à manipuler facilement les victimes
dans mon propre intérêt, j’ai pris de l’assurance et j’ai
continué. Je suis allée jusqu’à la renonciation au baptême
et au pacte avec Satan. Un jour, lors d’un rituel,
j’ai senti quelque chose qui me dépassait complètement…
Le lendemain, j’avais trois grosses griffes dans
le dos qui saignaient ; elles sont parties, puis revenues
quelques mois plus tard. Chez moi, les meubles bougeaient
tout le temps. Chaque fois que j’entrais dans
une église, j’étais prise de convulsions. Je suis tombée
malade plusieurs fois. Je ne dormais presque plus. Frisant
l’internement plusieurs fois, j’ai fini par suivre un
lourd traitement médicamenteux », raconte Aurélie
qui, après quinze ans de souffrance, a accepté de se
faire exorciser par le père George de Saint-Hirst (voir
photo page 101), prêtre exorciste de l’Église vieille-catholique
romaine, installé dans le sud de la France, à
Saint-Laurent-du-Var.
En analysant un cas comme celui-ci, le père George
de Saint-Hirst peut conclure qu’il s’agit bien là
d’une possession. Ce qui signifie qu’une présence
aliénante a investi et envahi le monde intérieur
ainsi que le corps de la personne possédée. Selon les
cultures, cette présence sera associée à une divinité,
un djinn, un esprit, un ancêtre, un démon, voire
au diable lui-même. C’est ainsi que le père George
établit une classification des cas qu’il rencontre,
« du simple rhume au cancer généralisé ».
« En tant
que créatures de Dieu, nous avons le devoir de soigner
notre âme tout autant que notre corps », explique-t-
il. À l’origine de ces
« maladies », il peut identifier
des attaques paranormales, un simple désordre
énergétique comme
« le mauvais oeil », différents
envoûtements, sortilèges et maléfices impliquant
une emprise, jusqu’aux parasitages par une âme
errante d’une personne ou d’un lieu, pour finir par
les
« possessions », avec ou sans acte de magie noire.
Dans le Manuel clinique des expériences extraordinaires,
Isabelle Kochko, psychologue clinicienne,
et Djohar Si Ahmed, psychanalyste, distinguent
bien
« cas de possession » et
« hantise ». De fait,
ces deux concepts sont difficiles à définir, tant le domaine du paranormal désigne des
phénomènes insaisissables, peu observables, ni
explicables scientifiquement. Cependant, les deux
auteurs déterminent que
« possession et hantise renvoient
à des expériences en rupture avec l’ordre habituel
du monde, et dans leurs formes majeures, impliquent
des vécus persécutifs, voire terrifiants. Et pour cause :
quelque chose d’extérieur, d’étrange, d’étranger, ou vécu
comme tel, s’insinue, infiltre, prend possession de l’espace
intérieur du sujet, de son âme, mais aussi de son cadre
de vie, de son habitation, de son environnement ». La
hantise a en plus la particularité de provoquer la
sensation d’un environnement qui serait habité par
une présence dont l’action serait
« diffuse, invisible,
récurrente et en général malveillante ».
Le prêtre exorciste intervient souvent en dernier
recours chez un sujet
« perdu », qui est passé entre
les mains de différents médecins, thérapeutes ou
énergéticiens. Chaque diocèse est censé posséder un
exorciste, mais certaines victimes déplorent ne pas
être reçues, faute d’être baptisées. Feu Père Gabriele
Amorth, exorciste du diocèse de Rome, le plus connu
de l’Église catholique, s’est souvent plaint qu’il n’y ait
pas assez de
« vrais exorcistes » en France. En tous
cas, il semble bien en manquer. Le père George, qui
reçoit déjà plus de 1 000 personnes par an, est tellement
débordé par les demandes qu’il est en train de
former trois nouveaux exorcistes. Appartenant à un
ordre missionnaire, il accueille tous ceux qui en ont
besoin et observe parmi eux une majorité d’athées :
« En réalité, j’exorcise très peu de pratiquants ; surtout
des non-pratiquants ou des incroyants, selon moi, plus
fragiles à cause de leur manque de spiritualité. » Il peut
lui arriver d’accueillir des personnes d’autres confessions,
bien que rabbins ou imams (entre autres) aient
également la compétence à faire des exorcismes.
Maladies psychiques
et cas de possession
Les
« souffrants » ont souvent des symptômes qu’aucun
médecin ne parvient à expliquer.
« Leur santé
physique, mentale, émotionnelle et énergétique se voit
complètement perturbée. Ce qui vient irrémédiablement affecter tous les domaines de leur vie : relationnel, sentimental,
professionnel et financier… », précise le père
George. Ainsi, comment différencier celui qui relève
de la psychiatrie de celui qui est sain psychiquement
et subit une attaque paranormale ? D’après le père
George, il existe toute une kyrielle de symptômes
identifiables, même si la frontière entre les deux reste
ténue. Souvent, il travaille en étroite collaboration
avec des médecins psychiatres qui lui envoient des
cas qu’ils ne parviennent pas à soulager par le seul
usage de médicaments et du travail thérapeutique.
Inversement, il invite certains
« patients » à se rendre
dans une unité de soins psychiatriques. La plupart du
temps, un entretien approfondi lui permet d’établir
une analyse qu’il confirmera lors de l’exorcisme, en
fonction des manifestations observées chez le sujet.
Un cas de possession semble engendrer un état
dissociatif très proche de celui de la schizophrénie
(hallucinations visuelles ou auditives), mais aussi des
symptômes observés dans d’autres psychoses telles
que la paranoïa (sentiment de persécution), dans des
névroses comme l’hystérie (paralysie, convulsions,
perte des sens), ou dans des affections neurologiques
telles que l’épilepsie.
Possession et hantise
renvoient à des expériences
en rupture avec l’ordre
habituel du monde.
Une attaque paranormale paraît
détourner la victime de la réalité et la plonger dans
une certaine confusion mentale, lui provoquer
des pensées négatives, des obsessions, des passages
amnésiques, ou encore un sentiment d’isolement.
Comme elle semble perdre son libre arbitre, elle
peut agir ou parler contre sa volonté, parfois dans
des langues inconnues. Dans son quotidien, elle peut
être confrontée à des manifestations négatives récurrentes
: le courrier posté se perd, la voiture tombe en
panne, les ampoules grillent, les appareils électriques
dysfonctionnent... Par ailleurs, lorsque c’est la santé
d’un sujet qui est atteinte, il n’est pas rare que rien
de significatif n’apparaisse sur les analyses médicales
prescrites par le médecin. Enfin, une personne
« possédée » peut voir apparaître sur son corps des
stigmates, mais aussi développer des perceptions
extrasensorielles.
« J’ai été victime d’un envoûtement qui a
engendré chez moi des problèmes cardiaques graves.
Je subissais des malaises réguliers, j’avais un sommeil
perturbé, des douleurs dans le haut du dos… Puis,
après avoir été exorcisé, du jour au lendemain, plus
rien ! », raconte un témoin. En effet, dans bien des
cas, les victimes d’attaques paranormales rencontrent
des désordres énergétiques allant jusqu’à développer
des problèmes physiques. Mais au-delà de tous les
symptômes cités, il n’est pas toujours facile d’établir
un diagnostic, selon le psychiatre Jean-Marc Mantel :
« Des phénomènes de ce type peuvent s’intriquer avec
des troubles psychiques authentiques. Il est alors difficile
de faire la part des choses. Dans des vécus persécutifs,
des influences extérieures peuvent se mêler à un
déséquilibre émotionnel préexistant. Le mental et l’ego
vont construire alors des peurs, à l’interface du monde
subtil et de la psyché, donnant un aspect délirant ou
subdélirant. » De la même manière, la psychologue
Isabelle Kochcko pense qu’il est
« très difficile de
démêler ce qui peut provenir d’une intrusion extérieure
d’une production psychique à laquelle on n’a pas
forcément accès, par le biais de l’inconscient ».(...)