L'enfantement,
entre
puissance
et
jouissance

Dans cet ouvrage, plus de trois cents femmes répondent
à des questions clés sur leur expérience de l'accouchement,
de l'amour et du sexe. Découvrez sa postface,
qui bouscule bien des idées reçues...
L'enfantement, entre puissance et jouissance
Santé corps-esprit
Ina May Gaskin: cinquante ans d’accouchements spirituels

L’idée d’une expression sexuelle pendant le travail de l’enfantement provoque des émotions fortes chez les femmes quand elles en entendent parler pour la première fois. Certaines sont choquées et la rejettent, tandis que d'autres se demandent pourquoi elles n’ont jamais pensé à profiter de cette occasion d’embrasser leur partenaire à ce moment crucial.

Un jour, j’ai vu un couple s’embrasser pendant le travail d’accouchement de leur premier enfant. C'était dans les tout débuts de ma carrière de sage-femme. Cela ne m’était pas venu à l’esprit de le faire quand j’avais donné naissance à mon propre enfant (à l’hôpital). Et pourtant c’était, de toute évidence, une façon naturelle et pratique de s’abandonner au flux du travail et de la délivrance. Ni elle ni son homme ne montraient la moindre trace de peur ou d'appréhension. Entre les poussées, le bien- être de la femme était palpable dans ses soupirs, ses sourires... Je me sentais privilégiée d’assister à cette manière créatrice de faciliter et de stimuler le travail. Mes propres sensations ne me trompaient pas: je sentais une chaleur, des picotements. Je savais que son utérus et son vagin s’ouvraient et que le bébé allait arriver plus rapidement que la plupart des premiers-nés— du moins dans les sociétés industrialisées.

Je raconte souvent cette histoire aux gens, et je leur montre la photo d’un couple qui s’embrasse pendant le travail. Je cherche ainsi à leur montrer que les étreintes passionnées sont acceptables, quels que soient les témoins. Cela peut se passer dans une maternité d’hôpital. Si ces baisers aident le travail, pourquoi pas ? J’ai parfois suggéré à des couples que cela pourrait même pousser une sage-femme ou une infirmière hostile à se faire remplacer dare-dare par une personne plus ouverte de cœuret d’esprit.

Les excellentes recherches du Dr Kerstin Üvnas-Moberg et de son équipe à l'Institut Karolinska ont confirmé ce que les sages-femmes de toutes les cultures où cette pratique est courante ont pu observer: l’échange de baisers entre une femme en travail et son partenaire peut accélérer le processus et faire gagner des heures.
Quand il y a de l’amour dans la chambre, les niveaux d’ocytocine s’élèvent. En exprimant son amour physiquement, la femme sécrète de l’ocytocine en abondance. Ses contractions utérines sont alors plus vigoureuses, et un puissant afflux sanguin aide les organes génitaux à s’ouvrir.
On observe une diminution, ou même une disparition complète de la douleur (si elle était présente avant les échanges de baisers) : les tissus vaginaux gonflent et se relâchent à merveille — ce qui permet de garder le périnée intact.

Cela peut parfois permettre de donner la vie en douceur et avec grâce...

Au ?l de mes nouvelles expériences, j’ai pu assister à bien des scènes où de telles étreintes ont transmuté ce qui aurait pu être un travail fort douloureux en une véritable extase. Je me souviens d’une adolescente qui avait été abandonnée par son petit copain pendant sa grossesse. Elle avait demandé à une amie proche de l’accompagner au cours de l’accouchement. Quand elle m’a appelée pour me dire que ses contractions étaient intenses et fréquentes, je me suis précipitée chez elle. Après avoir posé mon matériel sur son bureau, je lui ai demandé si je pouvais mesurer sa dilatation. Celle-ci ne dépassait pas 3 centimètres mais le col de l’utérus était aussi mince qu’une pelure d’oignon. L’expérience m’avait appris que l’échange de baisers faciliterait l’ouverture du col de l’utérus. Mon intuition me disait que les deux jeunes femmes seraient ouvertes à l’idée de s’embrasser, et je l’ai donc suggéré pour voir si la femme en travail pourrait le confirmer. Après un long baiser lors d’une contraction, ses joues roses et sa mine réjouie en disaient long. Quand elle a senti venir la contraction suivante, elle s’est tournée vers son amie et s’est écriée: « Suzanne, j’ai besoin de tes lèvres! » Après seulement trois ou quatre poussées, elle est sortie de la phase de transition et son bébé a vu le jour.
Dans les années quatre-vingt, je montrais souvent à des groupes de médecins et de sages-femmes une vidéo qui présentait la fameuse position à quatre pattes pour réduire la dystocie des épaules. C’est une technique que j’ai apprise d’une sage-femme guatémaltèque, qui l’avait elle-même reçue de sages-femmes traditionnelles des hauts plateaux mayas. Dans cette vidéo, on voit une femme du peuple accoucher d’un bébé de 5 kilos. Durant la première phase du travail, à chaque nouvelle poussée, elle attire son mari à elle et l’embrasse passionnément. Plus tard, elle m’a confié que quand la dilatation avait seulement atteint 4 centimètres avec ce bébé (de loin le plus gros de ses nouveau-nés), la sensation était aussi forte que celle éprouvée pendant la phase de transition de ses précédents accouchements. Elle avait permis qu’on filme la scène afin de montrer aux autres femmes qu’il était possible de rester calme pendant le travail — et, catastrophe, voilà qu’elle commençait à paniquer alors qu’elle n’était encore qu’au début du travail. Elle comprit que la seule manière de surmonter la douleur était d’embrasser son homme. En effet, cela l’a calmée — de même que toutes les autres personnes présentes.

L’expression sexuelle au cours de l’accouchement n’est que l’un des outils susceptibles de faciliter le travail. Cela ne marche pas pour tout le monde. Ce n’est pas indispensable. Mais cela peut parfois permettre de donner la vie en douceur et avec grâce.

Ina May Gaskin
Prix Nobel alternatif (The Right Livelihoad Award)
Auteure du Guide de la naissance naturelle
et du Guide de l’allaitement naturel.
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