L’ethnopsychologue et journaliste Dominique Godrèche retrace son parcours d’étude de la méditation dans l’ouvrage Une écologie de la conscience, aux éditions du Relié. De la méditation Vipassana, transmise par le maître Satya Narayan Goenka, au centre de recherche de Mindfulness à Los Angeles, l’auteure a également témoigné de son expérience dans le service du professeur Claude Olievenstein, spécialiste français des addictions. Découvrez l’introduction de son livre.
Savoirs ancestraux
Jour 14 du confinement : en période de crise, une pratique philosophique révèle son efficacité. Une profusion de sites propose des méthodes de méditation sur la toile. Impliquée pendant des années dans des études bouddhistes en Inde, ce terme revêt pour moi un sens éloigné d’un sport mental, d’une pratique de confort. Mais la méditation est aussi cela aujourd’hui, et tant mieux. Même s’il s’agit initialement d’enseignements philosophiques, ancrés dans une tradition, une culture, une histoire.
J’avais choisi de découvrir, en orient, des pratiques millénaires, dans leur cadre d’origine, transmises par des maîtres issus d’anciens lignages, prônant le développement de l’évolution personnelle, et l’éveil à une conscience universelle.
Le brutal présent du confinement fait appel à nos ressources psychiques et émotionnelles, nous confrontant à l’isolement ; et les méditations online ressemblent plus à des techniques hygiénistes, des stratégies de sauvetage.
Comment faire, dans une telle situation, pour se ressourcer, prendre un bol d’air mental ? éloignement difficile, déjà, lorsque choisi : « la traversée du désert » se confiait un moine évoquant la solitude. Mais lorsqu’il est imposé, il devient punition, stigmate, traumatisme : le malade, le prisonnier, traversent l’épreuve du confinement. L’absence imposée de mouvement, d’interactions, nous oblige à découvrir ce manque de stimuli, dans la douleur. Et lorsque ce confinement se déploie à l’échelle planétaire, une nouvelle dimension, en réponse aux anxiétés partagées au niveau mondial, fait son apparition sur les réseaux sociaux : les sites de « paix mentale » se sont multipliés. Parmi la multitude d’approches, la plupart ont une visée fonctionnelle : mindfulness est devenu un soutien émotionnel, un moyen de tolérer l’insupportable – l’enfermement –.
Et la présentation minutieuse des modalités matérielles de la méditation – les vêtements adéquats, les supports d’assise – laisse songeur, au regard des enseignements reçus à la « source » : la poésie, la philosophie, l’esthétique, et surtout la dimension spirituelle, ont laissé la place à la survie. D’un autre côté, il est bon que la méditation entre dans le quotidien, même si c’est par la porte de la souffrance, de l’asphyxie.
L’oubli, qui n’est pas une passivité, une perte, mais une action contre le passé.
MICHEL DE CERTEAU
J’ai découvert cette dimension anxiogène à mon retour en Europe, dans le service du Professeur Claude Olievenstein, où j’avais proposé de diriger, pour la première fois dans un service thérapeutique en France, des groupes de méditation (fondés sur les enseignements de Vipassana, transmis par S. N. Goenka) pour les toxicomanes hospitalisés, sans droit de sortie (même une courte promenade) – ni communication avec l’extérieur – pendant quelques semaines.
La méditation s’y est avérée thérapeutique : dans une situation chargée d’angoisse, de violence, vécue comme un exil intérieur, elle facilite le retour vers un soi – volontairement – oublié. Car les addictions servent aussi à cela : à l’oubli.
À l’inverse, la pratique méditative est un rappel à soi : et dans une situation d’enfermement, devient une source d’oxygène mental. Cet aspect, éloigné de la poésie de l’Orient, de ses textes philosophiques, de la contemplation de ses œuvres d’art, marque l’ère d’une méditation pragmatique : « mindfulness ». vulgarisé, ce terme, traduit par « pleine conscience », se réfère à la présence à soi, au développement de l’attention par la concentration. « Être mindful » signifie être conscient, ou présent. Or qu’est-il préconisé, aujourd’hui, en période de confinement, si ce n’est d’adopter une attitude de « mindfulness », de vigilance, par la présence à soi et aux autres : la « distanciation sociale », ou rester attentif à l’espace de l’autre, et à ses gestes, (les « gestes barrières »), et la prise de conscience du partage de l’espace public – un principe de précaution –. Dans le Bouddhisme Rheravada, la pratique d’Anapana – la concentration sur la respiration –, aiguise la vigilance, par la présence à l’instant, et chasse les pensées parasites : le rôle de l’attention au souffle est fondamental, car il prodigue une hyper conscience du présent, et à terme, régule l’impulsivité, et la gestuelle.
Vipassana, l’enseignement suivant, procède à la manière d’un scan intérieur, par une prise de conscience très fine du champ corporel.
La « pleine conscience » est cette capacité d’attention décuplée à l’instant : de cette présence à soi naît un comportement à l’écoute, en résonance.
Ethnopsychologue, j’ai étudié les rites de guérison d’hommes-médecine amérindiens aux États-Unis, les pratiques de méditation de maîtres bouddhistes en Inde, les rituels des guérisseurs au Mexique... Chez tous ces lecteurs de l’invisible, j’ai retrouvé la même qualité d’attention, une même intensité de présence, ancrée dans une extrême faculté de concentration.
Le confinement, à l’échelle planétaire, nous oblige à réévaluer le sens de l’Histoire, individuelle et collective, et le devenir du monde : sa santé, et la nôtre, si nous n’y prêtons pas attention. Pour la première fois, des comportements collectifs sont instaurés au niveau mondial de façon officielle, afin de protéger la santé : et le rôle de la vigilance y est primordial. Il s’agit de survie.
Les gestes toxiques interpellent la vie et la mort, et les « gestes barrières » ne sont pas seulement des mesures de confort, mais des précautions essentielles pour éviter la contamination, la destruction de populations.
Dans ce moment exceptionnel, le rôle de la présence à soi se révèle fondamental : être mindful n’a jamais été aussi déterminant, une mesure primordiale de salut collectif. Cette période d’isolement créera-t-elle une révolution des consciences, de nouvelles pratiques sociétales ?
Avec le confinement, l’ailleurs s’est transformé en un impossible rêve : la privation de mouvement, l’absence de distractions, l’ont magnifié, le présentant sous un jour idéal, paradisiaque. L’espace psychique a pris le pas sur l’espace géographique : bloqués en un lieu, seul subsiste notre monde intérieur, ses angoisses, et des besoins impérieux. Et des solutions virtuelles. Le corps, le ressenti, disparus du champ de la communication, l’espace physique restreint, un « droit de sortie » d’une heure par jour pour 24 heures d’enfermement : comment tenir ? Dans ce nouveau quotidien d’exilé intérieur, la méditation, une pratique d’écologie de l’esprit, défie la toxicité de la réalité contemporaine, la transcendant.
Une écologie de la conscience, Dominique Godrèche, éd. du Relié, 2022, p. 13 à 17.
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