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Écrans
sacrés
?
Des
puces
et
des
esprits

Nos objets connectés seraient-ils les nouveaux autels du sacré ? À la croisée du chamanisme, de l’art digital et de l’intelligence artificielle, une vision émergente réenchante notre lien à la technologie... et à l’invisible.
Écrans sacrés ? Des puces et des esprits
Art de vivre
Et si nos smartphones et nos intelligences artificielles ne faisaient qu’éveiller un besoin oublié : celui de communier avec l’invisible ? À l’heure où le virtuel colonise nos vies, une question dérangeante émerge : avons-nous vraiment tourné la page du sacré, ou sommes-nous en train d’inventer, à travers la technologie, une nouvelle magie du quotidien ? L’animisme, ce regard ancien qui voit du vivant partout, refait surface… au cœur même de nos objets connectés.


Des chamanes numériques


Doreen A. Ríos, chercheuse et commissaire d’exposition en art digital à Mexico, explore à travers l’exposition en ligne Minimal Rituals (2023) la thématique du techno-chamanisme, une branche étonnante de la culture technologique visant à remettre du sacré dans nos usages, ou du moins à questionner son existence dans nos outils numériques. La polémique née à l’annonce de son exposition exprimait une inquiétude à l’idée de mélanger ces deux univers qui, pour Doreen A. Ríos, ne sont pas si éloignés. « Au même titre que le chamane nous guide vers un état modifié de conscience, l’ordinateur nous permet de nous brancher à d’autres champs de conscience », déclare-t-elle. À travers cette image saisissante, Doreen A. Ríos nous permet d’observer la posture que nous adoptons lorsque nous sommes devant nos écrans. Notre esprit serait amené à expérimenter une sorte d’état suspendu dans lequel nous flottons lorsque nous sommes en ligne : « Quand on navigue sur Internet, on est ici et là ; il y a quelque chose de presque magique. »

À travers ces nouveaux outils et leur mécanisme invisible, nous renouerions alors avec notre besoin inhérent de magie, et explorerions la possibilité de créer du lien en dehors du contact physique : « Les mondes virtuels nous donnent la possibilité de créer des connexions que nous ne pouvons expérimenter dans aucune autre circonstance. Dans la culture du jeu vidéo par exemple, ces espaces numériques simulés permettent à des communautés de se regrouper et de créer des moments réellement significatifs. » La technologie aurait même le potentiel de « nous connecter à notre âme », selon la commissaire d’exposition. Et pour cause, elle s’est rendu compte au fil de ses recherches que certaines communautés indigènes d’Amazonie du Brésil utilisaient parfois du matériel technologique lors de leurs rituels chamaniques ! Doreen A. Ríos a également mis en lumière, grâce à la vision chamanique, les rituels que nous effectuons machinalement, au quotidien, avec nos smartphones ou nos tablettes, comme « la manière que nous avons de naviguer sur le Web dans un ordre précis : regarder ses mails, scroller sur les réseaux sociaux, ou encore le moment où nous choisissons de changer notre photo de profil ». Dans le monde numérique, tous les jours « nous effectuons des tâches en suivant un schéma propre à chacun, qui souvent se répète. Cela porte un sens », déclare-t-elle.


De nouveaux interlocuteurs ?


Le numérique s’est effectivement imposé dans nos vies au point d’y ajouter une toute nouvelle dimension, comme en témoignent les longues heures passées devant un écran, et l’impression d’avoir été aspirés dans un espace-temps modifié au moment où nous reposons notre téléphone portable. Porter notre attention sur ces mécanismes parfois inconscients nous offre l’opportunité de réinventer cette relation si singulière à la technologie, qui pourtant fait écho à quelque chose d’ancestral en nous. « L’élan animiste est profondément humain », déclare Fabienne Martin-Juchat, anthropologue de la communication corporelle et émotionnelle et enseignante chercheuse à l’université Grenoble Alpes. Dans « Sur le néo-animisme technologique à l’ère de l’engouement pour l’Intelligence Artificielle », un article publié dans la revue Quaderni (2022), elle analyse ce lien tout particulier que nous entretenons avec nos objets technologiques. Selon elle, on « renoue avec notre passé animiste » lorsqu’on « construit des relations affectives avec des entités non humaines comme ChatGPT, alors qu’autrefois on construisait ces relations avec des cailloux, des arbres ou des animaux. C’est le même processus de relation affective. » En effet, « le développement de nouvelles technologies de plus en plus humanisées, animées par les Intelligences Artificielles, donnant l’illusion de présence par le dialogue parlé ou écrit » nourrirait en réalité un besoin animiste jamais disparu… Ce besoin est tellement fort que nous avons inventé des IA pour entrer en contact avec nos proches décédés. Fabienne Martin-Juchat évoque les deadbots, donnant l’illusion de communiquer avec les défunts à partir des données numériques d’une personne enregistrées tout au long de sa vie. C’est notre attrait ancestral pour la médiumnité et le spiritisme qui prend ici une forme moderne, celle des nouvelles technologies. Loin d’émettre un quelconque jugement, l’anthropologue tient à rappeler néanmoins que cet élan animiste est utilisé par « les acteurs économiques et ingénieurs marketing qui, en servant les intérêts capitalistes, cherchent à nous rendre dépendants de la technologie ».

(...)

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auteur

  • Laura Hardouin

    Journaliste
    Laura est étudiante en journalisme, pigiste, et passionnée d’ésotérisme. Elle intègre cette vision holistique dans ses œuvres artistiques, parallèlement à ses activités rédactionnelles. ...
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Inexploré n°67

Tous animistes ?

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Et si la conscience n’était pas l’apanage de l’humanité ? La science contemporaine commence à explorer ce que les peuples autochtones savent depuis toujours : le monde animal et végétal pense, perçoit, se souvient… et communique. Conscience végétale, réhabilitation des ancêtres et des esprits, respect de la Terre et de toutes ses formes de vie — y compris les plus inattendues. Cet été, Inexploré consacre son dossier central (n°67) à l’animisme, cette sagesse ancestrale encore vivante aux quatre coins du monde. Elle porte en elle les graines d’une évolution intérieure et collective, capable de réenchanter notre quotidien et d’unir écologie et spiritualité. Belle découverte !

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