Sur les cinq continents, des coutumes et des croyances ancestrales sur l’accouchement perdurent, principalement en milieu rural et dans les ethnies, malgré la médicalisation des pratiques venues des grandes villes qui, de leur côté, réintègrent timidement le naturel…
Art de vivre
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En Mongolie, pour renforcer l’énergie de la future mère, on pratique le massage du ventre avec une patte d’ours séchée. En Inde, pour aider à l’ouverture du col de l’utérus, la femme détache ses cheveux et enlève ses bijoux, excepté ses boucles d’oreilles et la boucle perçant sa narine, nous apprend Lise Bartoli dans un ouvrage à la fois riche et exhaustif, Venir au monde.
Universellement utilisés par les femmes, un nombre infini de potions et de rituels se transmettent afin de potentialiser le pouvoir magique et mystique de l’enfantement. « Conservés, enterrés, consommés ou brûlés, le cordon ombilical et le placenta font quant à eux l’objet de rites attentionnés dans les sociétés traditionnelles qui leur accordent un pouvoir surnaturel », raconte l’auteure. Aussi, dans certaines régions du monde, comme au Maghreb, il est bien vu que les femmes crient pendant le travail et la poussée, contrairement à certains pays d’Afrique noire où cela est généralement mal accueilli, voire interdit…
Sur le dos depuis Louis XIV
Debout, accroupies, assises sur une chaise, un tabouret, suspendues à une corde ou à leur partenaire, les femmes expérimentent depuis la nuit des temps toutes les positions possibles pour mettre au monde leur enfant. Points de convergence entre toutes : la liberté de mouvement et la verticalité induisant une gravité naturelle et la pesanteur. « Même en France il y a seulement deux siècles, on accouchait encore à genoux ou debout devant la cheminée », lit-on dans Venir au monde. Avant que la position couchée sur le dos ne devienne la norme dans la plupart des pays occidentaux. Le premier à l’avoir recommandée fut Ambroise Paré en 1564, puis, à partir du XVIIe siècle, c’est le chirurgien François Mauriceau, père de l’obstétrique en France, qui l’imposa dans un traité publié en 1668. Pour l’anecdote, en 1663, Mauriceau, alors médecin de Louis XIV, se serait laissé convaincre par celui-ci d’accoucher à plat dos la maîtresse du monarque, Louise de La Vallière, afin de pouvoir observer la sortie du bébé, assis derrière un rideau. Appréciant le confort de cette technique, Mauriceau fit alors de l’accouchement en décubitus dorsal la position d’usage.
Deux cents ans après, la reine Victoria fut l’une des premières femmes d’Angleterre à recourir à l’inhalation de chloroforme en guise d’anesthésiant pour l’un de ses accouchements. Rapidement, l’anesthésie devenue péridurale gagna en popularité et propagea la position allongée. De plus, « dans les cercles mondains […] accoucher en position accroupie prit une connotation triviale, contraire à la bienséance », éclaire Ina May Gaskin, sage-femme américaine ayant reçu le prix Nobel alternatif pour son approche naturelle de la naissance dans son célèbre Guide de la naissance naturelle.
Retrouver un foyer…
Dans les sociétés traditionnelles, les femmes ne se voient généralement pas accoucher ailleurs qu’à domicile et entourées de leurs semblables. Entre femmes, donc… « On s’en remet au savoir de la matrone ou, à défaut, d’une voisine ou amie, rapporte Lise Bartoli. La présence du père est généralement jugée néfaste – nécessaire cependant dans certaines ethnies. Une grande maîtrise de la douleur est demandée à la parturiente, toutefois compensée par une liberté totale de mouvement. » Dans les campagnes françaises, mais pas uniquement, on accouche à nouveau à la maison avec l’accouchement à domicile accompagné par une sage-femme et l’accouchement non assisté (beaucoup plus rare, celui-ci ne fait intervenir aucun professionnel de santé). Si les femmes ont légalement le droit d’accoucher dans le lieu et de la façon dont elles le souhaitent, en réalité, le choix de cette dernière option expose à d’éventuels contrôles, l’État français y étant défavorable. Dans son récit Accoucher par soi-même, Laura Kaplan Shanley raconte avoir accouché de ses quatre enfants – dont un se présentant par le siège – sans être assistée. « Les femmes n’ont pas besoin qu’on leur dise comment faire car elles portent en elles la capacité d’enfanter avec la même facilité que les animaux – à condition qu’elles écoutent leur instinct. »
Plus répandues dans les pays anglo-saxons qu’en France, des maisons de naissance, encore rares, éclosent depuis quelques années avec l’ambition « d’offrir aux femmes un confort similaire à celui qu’elles pourraient trouver à leur domicile avec la sécurité d’une structure hospitalière environnante », explique la doula Julie Toutin dans Naître ici : guide de la naissance respectée en France. Aujourd’hui, de plus en plus de maternités s’équipent d’une « salle nature » disposant d’un lit simple sans étrier et d’une baignoire, entre autres dispositifs adaptés à un accouchement dit physiologique, c’est-à-dire respectant le rythme naturel du processus de mise au monde. Des hôpitaux et cliniques mettent à disposition un plateau technique pour une sage-femme extérieure qui accompagne les parents tout au long de la grossesse.
La douleur et la jouissance
L’accouchement est une puissante expérience corporelle pour la femme, synonyme de douleur dans l’inconscient collectif. D’ailleurs, au Brésil où plus de la moitié des mises au monde serait provoquée par une césarienne (80 % dans les hôpitaux privés de grandes villes comme São Paulo et Rio), « certaines femmes choisissent de programmer une naissance par césarienne uniquement pour éviter la douleur et/ou pour parfaire leur silhouette », regrette la réalisatrice et praticienne chamanique Aurélie Païno dans le livre Enfanter en conscience. « Il est en effet possible dans certains pays de combiner césarienne et abdominoplastie lors de la même opération. » La dimension du plaisir n’est que très rarement évoquée tant le judéo-chrétien « tu enfanteras dans la douleur » est ancré dans les esprits. Pourtant, « de plus en plus de femmes osent témoigner de naissances orgasmiques, l’orgasme pouvant surgir de façon impromptue », soulève la sage-femme Hélène Goninet dans L’Enfantement entre puissance, violence et jouissance. En effet, pendant l’accouchement, la femme sécrète les mêmes hormones que pendant les relations sexuelles (ocytocines, endorphines, prostaglandines, adrénaline…), « la phase d’excitation pouvant être mise en parallèle avec le déclenchement des contractions et le travail […], et l’orgasme, parfois multiple, avec le relâchement qui suit la contraction, ou avec la naissance de l’enfant qui est souvent un moment très fort, écrit-elle. Le pic d’adrénaline précédant la naissance de l’enfant (que certains appellent le réflexe d’éjection du fœtus) ressemble d’ailleurs au pic d’adrénaline précédant le réflexe éjaculateur chez l’homme. » D’ailleurs, l’obstétricien britannique Grantly Dick-Read a fait remarquer que « plus les peuples sont civilisés, plus les douleurs de l’enfantement semblent intenses ».
Quels qu’en soient la couleur et le parfum, l’accouchement est une initiation propre à chacune. Ainsi, l’essentiel n’est-il pas de laisser croître la conviction que le corps d’une femme sait naturellement donner vie ? Et qu’« une femme a besoin d’amour, de soutien et d’être choyée durant tout le temps où elle porte la vie au creux de son ventre », comme le rappelle Julie Toutin dans Naître ici ?
Angélique Garcia est journaliste depuis une dizaine d'années. Elle a été rédactrice en chef d’un média indépendant en région Occitanie consacré essentiellement aux thèmes de la culture, de l’art, du patrimoine et de l’écologie. Sa collaboration avec l’INREES / Inexploré lui permet de continuer à approfondir des sujets qui l’inspirent depuis longtemps (la conscience, la spiritualité…). En parallèle, elle se consacre à l’écriture.
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