Dans Nos âmes oubliées, Stéphane Allix voyage aux confins de la conscience, à la source de ses blessures, via une thérapie assistée par psychédélique. Au cœur de cette expérience initiatique, un chêne devient son maître sur la voie de la guérison. Auprès de son arbre, il vivait éveillé...
Âme du monde
Magda Ehlers
« Mon maître chêne, c’est sous sa protection que va se faire ma première rencontre avec les psilocybes*. Et puis c’est un ancien chêne truffier, les champignons, c’est aussi un peu son domaine ! Le moment est venu. Je place les deux petits morceaux de champignons un peu secs dans ma bouche. [...] Une trentaine de minutes passent. Je commence à ressentir une vibration qui s’étend dans le corps et la tête, puis une sensation de morcellement. [...] Mon chêne se présente dans mon esprit. Je vois comme des sortes de filaments énergétiques qui me relient à lui. La vision change, il n’est plus massif, mais apparaît tout petit, de la taille d’un jeune arbrisseau... Ma perspective s’élargit et je découvre les autres chênes, aujourd’hui centenaires, aussi petits que lui. Est-ce mon imagination ? Le chêne me montre-t-il le paysage de son enfance ? Qu’est-ce que je dois comprendre ? »
En percevant ainsi l’enfance du chêne, Stéphane Allix réalise a posteriori qu’il est transporté vers ses propres racines – sa propre enfance et ce qui était tapi dans la forêt de l’oubli, de l’amnésie traumatique. L’abus, commis par un homme de sa famille. Cette « dévastation », selon ses propres mots, a déséquilibré son « biotope », à un âge où tout se joue, avant de se rejouer à l’infini dans nos vies, tant que les blessures primaires ne sont pas conscientisées et « alchimisées ».
Quand le chêne... désenchaîne
Ce chêne, devenu son chêne, occupe une place essentielle et surnaturelle dans le cheminement de Stéphane Allix vers la source à vif de ses blessures. Du déclic qui a allumé la mèche de sa mémoire au havre de paix qui lui permet de réunifier son être morcelé par le traumatisme, ce chêne reste un indéfectible allié. Curieusement, cet arbre l’a aidé, symboliquement, concrètement, à enlever les chaînes aussi lourdes qu’invisibles qui l’aliénaient à cet insoutenable passé refoulé. « Je suis surpris de cette amitié que j’ai développée avec ce chêne... Cela peut paraître bizarre de le formuler comme ça, mais il fait partie de ma vie. Il a eu un rôle absolument central dans toute cette expérience », me confie-t-il. Au-delà de cette quête intime, ce vécu soulève des questionnements universels, transpersonnels, sur cette médecine sacrée de la terre et le dialogue guérisseur avec la nature. Ce lien qui soigne est de plus en plus étudié et sollicité de nos jours, où nos êtres « hors-sol » cherchent une reconnexion à l’intelligence du vivant. On le perçoit notamment à l’incroyable succès des ouvrages traitant de ce dialogue fécond – qui avec des arbres, qui avec des animaux, voire avec des minéraux – , propice à la guérison du corps et de l’esprit.
La neurochimie, un langage « nature »
Au-delà de ce lien qui l’unit au chêne, Stéphane Allix expérimente la sage magie de cette communication avec le végétal au cœur de son expérience psychédélique. « La psilocybine, produite par les champignons comme le Psilocybe aztecorum, et près de deux cents autres espèces, est un composé chimique très similaire à la sérotonine, qui est ce neurotransmetteur dans le cerveau humain », explique-t-il, études à l’appui. Voilà qui pose question, tant il semble étonnant que l’évolution ait conduit un champignon à produire un composé servant à induire de puissants états de conscience modifiés chez les animaux qui le consomment – dont l’homme. Habituellement, les plantes produisent en effet des substances, ou mettent en œuvre des stratégies pour se reproduire ou se protéger, pas des molécules qui a priori ne leur seraient d’aucune utilité... « De nombreux chercheurs ont été frappés par cette étrangeté. Certains posent donc l’hypothèse que la neurochimie est le langage grâce auquel la nature communique avec nous », relève Stéphane Allix. Dans ces conditions, les psychédéliques naturels tels que la psilocybine, la mescaline ou la diméthyltryptamine pourraient donc être le langage que la nature nous offre pour établir un dialogue...
Faire tomber les barrières
Ce lien d’intimité et d’amitié avec la nature a non seulement aidé Stéphane Allix à guérir, mais lui a aussi permis de s’ouvrir davantage à une dimension intuitive. « En vivant au contact de ces arbres, de ces plantes, ou encore des animaux, on se rend compte facilement que les frontières que l’on érige entre soi et les autres (êtres vivants) sont beaucoup plus poreuses qu’on ne l’imagine », reconnaît-il. Dans ce monde chaotique, déchiré de toutes parts, cette prise de conscience s’avère salutaire et profondément transformatrice. « Je pense que l’on vit dans un beau monde, caractérisé par son désir d’harmonie. Bien sûr, nos écrans nous renvoient des images de guerre, de violence, d’incompréhension, mais c’est juste une petite couche de saleté qui recouvre un monde profondément beau qu’il nous appartient de découvrir. Et dans ce contexte d’harmonie sous-jacente à la réalité, cette notion d’entraide entre les différents êtres, entre les différents règnes, est centrale. Ainsi, je ne saurais trop qualifier la relation spéciale qui me relie à mon chêne, mais selon moi, elle est le reflet de cette harmonie sous-jacente à la réalité », conclut-il.
* Les psilocybes sont des champignons contenant la substance psychoactive utilisée dans la thérapie assistée par psychédélique (interdite en France, autorisée dans certains pays et bientôt légalisée dans d’autres).
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