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EMI
:
Trop
de
médecins
ignorent
sa
réalité
scientifique

Dr François Lallier, médecin généraliste, a fait sa thèse de doctorat sur les Expériences de mort imminente. Septembre 2018, il sort un ouvrage où il retrace son parcours, ses recherches et ses réflexions sur ce phénomène, dans le but d’en élargir la compréhension.
EMI : Trop de médecins ignorent sa réalité scientifique
Sciences
Quel regard porte aujourd’hui la médecine sur le phénomène de l’EMI ?

C’est difficile à définir parce qu’on a finalement des chercheurs isolés. À part une grosse organisation comme le Coma Science Group (CSG), qui n’étudie pas que les EMI d’ailleurs, il n’existe pas un mouvement du corpus médical qui s’intéresse à ce phénomène mais seulement des individus clairsemés. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas enseigné dans les facultés, ce n’est pas dans la formation de base des médecins, dans aucun pays à ma connaissance. On ne peut donc pas vraiment parler d’un regard spécifique de la médecine sur ce sujet, mais seulement de celui de quelques individus qui s’y intéressent.


Est-ce qu’on vous parle un peu d’états modifiés de conscience dans le cursus de médecine ?

Non, on nous parle un peu de coma, mais pas de ce qui peut se passer dans le coma. On nous dit que sous l’effet de produits anesthésiques, les patients peuvent avoir des cauchemars, être confus au réveil, mais en aucun cas on ne nous enseigne qu’il a été décrit des patients qui racontent s’être vus d’en haut, avoir vu les médecins discuter entre eux, avoir entendu des conversations, etc. Ça n’est jamais abordé dans l’enseignement théorique. En revanche, dans certains hôpitaux on trouve du personnel médical ou paramédical un peu plus conscient de ces choses là, qui savent que les personnes dans le coma peuvent entendre, percevoir des choses, qu’il faut les considérer comme des patients, etc. C’est donc davantage enseigné sur le terrain, comme je l’ai constaté pendant mes stages.


Tout le monde a aujourd’hui entendu parler de ce phénomène, donc y compris les médecins…

C’est en effet dans la culture populaire mais c’est à double tranchant. Les médecins qui n’en ont pas entendu parler par des patients et ne se sont pas intéressés aux études sur le sujet, peuvent considérer cela comme un phénomène médiatique, spectaculaire, purement fictif. Cela peut donc être décrédibilisant à leurs yeux car un médecin est formé pour avoir de la rigueur scientifique et s’appuyer sur des données valides. C’est pourquoi j’ai fait le choix dans mon livre, de m’appuyer essentiellement sur la littérature scientifique. Nous n’avons certainement presque plus de médecins qui n’ont pas du tout entendu parler de ce phénomène, par contre il y en a encore beaucoup qui ignorent que c’est une réalité scientifique et qu’ils peuvent croiser tous les jours sans le savoir des patients qui l’ont vécu. Ils restent dans l’ignorance parce qu’ils ne questionnent pas les patients.


Votre livre montre une grande ouverture d’esprit en présentant toutes les hypothèses en présence, matérielles ou spirituelles, ce qui ne vous empêche pas de partager certaines convictions.

En effet c’est toujours mon objectif et je pense que c’est aussi l’objectif de la recherche. Tant qu’on n’a pas de preuves irréfutables dans un sens ou dans l’autre il ne faut pas « conclure », sinon on ferme la porte à d’autres découvertes. C’est toujours un peu un numéro d’équilibriste parce qu’il y a des choses intéressantes des deux côtés. Je fais passer des convictions personnelles mais elles ne doivent pas l’emporter sur toute recherche scientifique, même s’il est normal de partir avec un postulat pour essayer d’avancer dans la compréhension du phénomène.


Votre livre est destiné au grand public mais visez-vous également un lectorat scientifique et médical ?

Je suis reparti de la bibliographie de ma thèse et j’ai élargi un peu, mais ce livre est plus pour le grand public et aussi pour les sceptiques, car j’imagine qu’ils vont être davantage amenés à changer leur façon de voir si l’argumentaire est plus scientifique. Je serais très heureux que des médecins le lisent car il faut ouvrir leur esprit sur ce sujet en s’appuyant sur des études de bonne qualité pour avancer. Le chapitre consacré à ma thèse n’est pas énorme ; j’y développe davantage mon introduction et je présente les hypothèses scientifiques actuelles, dont la piste de la physique quantique. Je voulais faire le point sur les hypothèses en présence, qu’elles soient intra ou extra-cérébrales, et présenter les choses de manière convenable pour que chacun puisse avoir un regard un peu plus éclairé sur la chose. En effet, je suis toujours agacé quand je rencontre dans des journaux grand public, la conclusion hâtive que l’EMI est expliquée, par la privation d’oxygène ou de telle substance. Le but est donc vraiment de présenter l’état actuel de la connaissance sur le sujet, car ce n’est pas aussi simple.


Comment votre point de vue personnel a-t-il évolué depuis le début de votre intérêt pour le sujet ? Diriez-vous que votre conviction s’est renforcée au fil du temps ?

Je ne dirais pas que ma conviction a changé. Comme je le dis dans l’introduction de mon livre, j’ai une certaine spiritualité et je pense qu’une vie après la mort est possible, mais ce n’est pas une argumentation scientifique. Donc je ne dirais pas que mon point de vue se renforce, mais je n’en ai pas forcément besoin car mon objectif est davantage, au fil de l’écriture de ce livre et de mes travaux, d’aider les personnes qui ont vécu une EMI. C’est l’objectif des travaux futurs que je vais mener : essayer de voir et de mieux comprendre quelles sont les répercussions, surtout les répercussions négatives, les dépressions, etc., et comment aider ces personnes. Cela correspond à mon approche de médecin généraliste, dépister les problèmes dans la population et chercher comment aider. J’ai publié mon mémoire de médecine générale dans la revue Exercer, qui est notre revue de référence en médecine générale, dans lequel j’avais établi qu’il y a 4 % d’EMI dans la population classique de médecine générale.


Quelle est la prochaine étape de votre travail de recherche ?

La prochaine étape est de voir comment on peut aider ces personnes. Est-ce qu’en abordant le sujet avec eux, en parlant, on va diminuer les syndromes dépressifs, le mal-être, les divorces, etc. ? Cela reste encore à explorer. Il n’existe que très peu de données sur ces aspects et je collabore avec l’équipe du CSG de Liège pour diriger la thèse de Ludivine Roux, interne en médecine générale à Angers, avec l’objectif d’évaluer les dépressions après une EMI. En effet nous n’avons pas de données chiffrées les concernant, seulement quelques données sur les divorces. Nous allons donc évaluer les dépressions après EMI et aussi la qualité de vie. Même si l’approche du CSG reste matérialiste (ils ont raison de l’être parce qu’ils étudient le coma) le but est quand même d’avancer dans la même direction pour aider les gens. Si on adopte des positions trop spirituelles, en affirmant qu’il y a une vie après la mort, ça bloque la recherche et les gens continuent de souffrir de leur épisode. Je respecte bien sûr les convictions de chacun mais je pense qu’il faut rester relativement neutre pour retenir l’intérêt de la communauté scientifique.


En quoi la physique quantique, que vous abordez dans le livre, vous semble-t-elle une piste d’explication intéressante pour ce phénomène ?

Je ne sais pas si la clé est là mais c’est intéressant, car il y a des parallèles possibles et déroutants, comme l’intrication ou la remise en question de la linéarité du temps. Quand j’ai rédigé ce chapitre dans un premier temps, j’étais plus affirmatif. Puis j’ai entendu un spécialiste dire qu’il ne pouvait pas y avoir d’états quantiques dans le cerveau, parce qu’il y a trop de particules, etc. Mais les physiciens ne sont pas tous d’accord. Moi je m’intéresse aux travaux de Philippe Guillemant ou de Roger Penrose et Stuart Hameroff. Il y a beaucoup d’interprétations possibles et, en tout cas, la recherche médicale doit arrêter d’être centrée sur elle-même et s’ouvrir aux réflexions, même spéculatives, de la physique.


À lire
Dr François Lallier
« Le mystère des Expériences de Mort Imminente »
Leduc.s Editions, 2018

À
propos

auteur

  • Jocelin Morisson

    Journaliste, auteur et conférencier
    Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur, passionné par les liens entre science et spiritualité. Il collabore à l’Inrees et au magazine Inexploré, et a signé plusieurs ouvrages dont trois dans la collection Enquêtes Extraordinaires dirigée par Stéphane Allix aux éditions de La Martinière : Intuition et 6e sens ; La Voyance ; L’expérience de mort imminente. Il est également l’auteur d’un essai, L’Ultime Convergence, co-auteur avec Philippe Guillemant de La Physique de ...
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À
retrouver
dans

Inexploré n°40

Au-delà : si la mort n'est pas la fin...

dernière parution

L'ensemble des phénomènes étranges liés à l’étude de la conscience : expériences de mort imminente, sorties hors du corps, médiumnité... semblent indiquer la survivance de l’esprit ou d’une forme de mémoire. Mais avons-nous pris la mesure de ce que soulève vraiment cette perspective, sur notre psyché, notre société ? Si la mort n’est pas la fin, comment repenser le chemin du deuil, l’épreuve la plus sensible et difficile qui soit ? Vers quelles contrées allons nous au moment du départ ? Si la mort n’est pas la fin, peut-être a-t-elle alors un sens ?
Face à ces questions vertigineuses, la rédaction vous livre dans ce dossier les fruits de ses dernières recherches autour de la grande faucheuse.

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