Parce que l’amour rassemble et qu’avec la musique le cœur tremble, Bob Marley chante l’espoir d’une vie empreinte de solidarité. Épris de liberté, ce justicier à l’âme humaniste défend celle de tous avec des chansons intemporelles comme No woman, no cry, Get up, stand up, Is this love, Iron Lion Zion… Comment, à travers des textes portés par une voix rebelle, celui que les gosses de son quartier de Trenchtown surnommaient white bastard youth (jeune bâtard blanc) est-il devenu cette icône du reggae, ce chanteur engagé ? Comment a-t-il mis le monde à son diapason en le faisant vibrer sur un air d’amour, de respect, de paix et de liberté ?

L’essence d’une légende mystique

Bob Marley naît sous le nom de Robert Nesta Marley à Nine Miles, le 6 février 1945, dans une Jamaïque secouée par les raisins de la colère. « Fruit morganatique », selon Francis Dordor dans sa biographie⁽¹⁾, d’une paysanne noire de dix-sept ans et d’un capitaine blanc de la marine anglaise de cinquante ans, le petit Nesta serait né sous une bonne étoile. Au bon endroit et au bon moment pour devenir l’idole Bob Marley, comme l’assure l’astrologue Patrick Giani, auteur de Natural Mystic, le testament spirituel de Bob Marley⁽²⁾ : « Son lieu de naissance était déjà parlant puisque “Nine” signifie neuf, chiffre mystique par excellence, symbole de l’idéal, du spirituel, de l’altruisme et de la générosité. [Chiffre que l’on retrouve] par réduction dans sa date de naissance. » Verseau ascendant Sagittaire, il est déjà d’étoffe rebelle, sans limites, assoiffé de conquêtes, épris de liberté, un justicier humaniste au cœur loyal et généreux. Mais comment va-t-il faire la différence dans un pays en souffrance où la chance sourit aux seuls élus ?

Pris entre deux mondes que tout oppose, entre un père absent et une mère adolescente, Bob Marley attire les regards plus que les égards : pas assez noir ou trop blanc pour les gosses de Trenchtown qui le traitent de little yellowman (sale petit jaune). C’est sous l’œil affectueux de son grandpère Omeriah que celui qui s’appelle Nesta – et pas encore Bob – se construit. Au cœur de l’« Éden » de la ferme familiale, entre collines verdoyantes et champs de patates douces, violon et accordéon, Bob apprend de ses ancêtres la guitare et le banjo. La musique le console là où la vie le désole. La nature le nourrit cœur, corps et âme et il commence à dialoguer avec les esprits. Il parle d’esprits fantômes qui le hanteraient la nuit. Un soir où son grand-père guérisseur les chasse, dans le noir, il lui confie ses dons de chiromancie : il lit l’avenir dans les mains des gens du village. Bouleversé, il décide qu’il sera chanteur. Le « reggae man » est né.

De l’opprimé au porte-parole

À Trenchtown, c’est « marche ou crève ». Bob marche aux rêves et les poursuit sans trêve. Si le gospel qu’il chante à l’église le dimanche révèle sa voie, c’est sur les planches d’une scène que Bob se voit. Hasard ou coïncidence, le fils du compagnon de sa mère, Bunny Livingston, est passionné de musique et partage les mêmes aspirations artistiques. La faim au ventre, la rage au cœur, ensemble, ils s’essayent aux cantiques, portant la parole de Dieu. « C’est Bunny qui fabrique à Bob sa première guitare avec des fils électriques sans gaine. Une boîte de sardines sert de résonance, et un morceau de bambou de manche ! » écrit Patrick Giani.