Sans la confiance, comment nous détendre pour savourer la vie, et que pouvons-nous accomplir, sinon dans l’inquiétude, la tension, le doute ? Son manque nous rétrécit, même physiquement, limite nos moyens intellectuels, nous fragilise face aux autres, et nous fait redouter de prendre les risques inhérents à l’existence. Il traduit la présence d’une peur sous-jacente, non celle, animale, qui nous fait réagir à un danger physique réel et immédiat, mais celle, psychologique, tapie au fond de nous, qui mine sournoisement notre existence. Cette peur-là fonctionne comme un radar, à la recherche constante de tout indice qui la conforterait
Ainsi, celui qui appréhende le rejet, même si on l’accueille avec bonne figure, va guetter le moindre signe qu’il dérange, qu’on ne veut pas de lui. Il ne se fiera pas au sourire de bienvenue, mais s’attachera mille fois plus à ce qui lui démontrera le caractère indésirable de sa présence. En chacun de nous assurance et méfiance dessinent une géographie particulière, conditionnant ainsi notre manière d’être, d’entrer en relation et d’agir. A-t-on raison de se méfier, comme on l’entend de plus en plus nous sommes abreuvés d’informations qui nous y incitent. Si le rôle de la peur animale consiste à protéger des dangers, celui de la peur psychologique semble dépourvu de tout intérêt, hormis de nous handicaper... Cette méfiance-là, supposée nous pré- server, n’apporte en réalité que des complications, s’impose hors de propos jusqu’à nous retirer le sommeil, nous inhibe douloureusement, nous enferme. Pourtant, malgré ses multiples inconvénients, nous devons reconnaître que nous éprouvons la plus grande difficulté à nous en départir et que paradoxalement nous justifions ses arguments en croyant ainsi nous rassurer.
Si la confiance, synonyme de tranquillité et de détente, apparaît évidemment enviable, comment y accéder ? Qu’est-ce qu’une confiance véritable ? S’acquiert-elle ou appartient-elle à l’inné dès le berceau, pour certains privilégiés ? Et comment allons-nous nous délivrer de ces peurs qui nous tourmentent et minent notre existence impitoyablement ? Effectivement, les deux pistes essentielles qui se présentent impliqueront soit de faire grandir la confiance, soit d’éliminer la peur.
Parvenir à une confiance stable et solide...
Puisque de nombreux ouvrages de développement personnel et de psychologie proposent déjà des réponses à ces questions, quel éclairage nouveau ce livre prétend-il apporter ? La spécificité de la démarche que je pratique associe la compréhension des mécanismes psychologiques à la prise en compte de la dimension spirituelle de l’être humain. Je considère donc le travail effectué en psychothérapie sur les peurs comme indispensable pour se délivrer de leurs aspects les plus contraignants (voire pathologiques). Pour parvenir à une confiance stable et solide, une démarche plus radicale sur la peur s’impose encore.
Oui, derrière nos diverses peurs, la peur fondamentale, au singulier, agit en souterrain. Celle-ci ne tient pas tant aux vicissitudes de notre histoire qu’à la condition humaine elle-même, de tout temps et dans les différentes cultures. Au fond de nous, nous nous savons vulnérables, notre vie pouvant basculer d’un instant à l’autre. Rien ne nous garantit la santé ni celle de nos proches, pas plus que la pérennité de nos relations, de nos possessions, de notre sécurité... Une confiance véritable doit impérativement inclure cette insécurité omniprésente, mais confiance en quoi ? en qui ? en la vie ? en Dieu ? en soi-même ? dans les autres ?
Je ne vais pas proposer ici un nouveau credo puisque ma démarche récuse précisément les croyances. Pour la simple raison qu’une croyance, de par sa subjectivité et ses fluctuations, ne peut constituer un point d’appui inébranlable. La confiance exige une certitude qui émanera seulement d’une incontestable évidence. Nous verrons que, pour trouver un sol ferme, nous devrons nous dégager d’idées fausses et cesser de nous raccrocher pour nous rassurer. Celui qui cherche à se rassurer constatera inévitablement que ses tentatives l’apaisent pour un temps seulement et que sa crainte reviendra à la charge tôt ou tard. ]’ajouterai même que cette recherche le maintient sous l’emprise de la peur et la nourrit.
Cette émotion induit tant de conséquences sur notre psychisme et notre manière de vivre, pour une bonne part à notre insu, qu’elle constitue un univers mental bien spécifique, lui-même assorti de réactions comportementales caractéristiques, c’est ce que j’appelle le monde de la peur. J’oppose celui-ci au monde de la confiance, dont le climat diffère radicalement. D’un côté la crispation, le repli, la contrainte, la complication. De l’autre, la détente, l’ouverture, la liberté, la fluidité.
Il s’agit d’accepter la réalité telle qu’elle se présente...
Ce livre se présentera sous la forme d’un dialogue où l’échange tantôt avec un homme, tantôt avec une femme (appelés H et F). Cette forme me permettra de démonter un à un les arguments de la peur et, je l’espère, d’une manière plus vivante. Ces échanges s’inspirent des entretiens avec les personnes que je rencontre soit dans le cadre d’une psychothérapie, soit lors de séminaires et retraites à visée spirituelle et dont la pratique centrale porte sur l’acceptation. Il s’agit d’accepter la réalité telle qu’elle se présente, instant après instant, et de s’accepter soi-même tel que l’on est. Malgré sa simplicité apparente, cette démarche requiert la participation de tout notre être et comporte bien des subtilités si l’on veut la vivre réellement et pas seulement en surface.
J’explorerai le monde de la peur dans les trois principaux domaines où elle sévit, la relation avec les autres, avec moi-même et avec la vie en abordant chaque étape de son processus. En effet, la peur implique nécessairement l’existence d’une relation entre moi et un autre élément - interne ou extérieur à moi - qui échappe à mon contrôle et représente de ce fait une menace.
En comprenant de l’intérieur cette logique négative, je m’efforcerai d’élucider le processus qui, pas à pas, nous conduit du monde de la peur à celui de la confiance dans ces trois dimensions de la relation. Comment trouver une confiance plus stable en soi-même ? Quelle confiance accorder à l’autre, en toute lucidité ? Quelle confiance placer en la vie, sans pour autant adopter une croyance religieuse ?
Pour terminer j’aborderai une question fondamentale et deux questions annexes : pouvons-nous accéder à une confiance inconditionnelle, indépendante de toute relation ? Et une confiance en quoi ? Et comment peut-elle s’inscrire dans notre manière de vivre ?
Ce que je partagerai ici ne provient pas d’un quelconque savoir livresque mais de mon expérience personnelle et de ce que j’ai observé en accompagnant d’autres dans leurs démêlés avec la peur. Pendant plus de trente ans, j’ai ainsi écouté des centaines de personnes dans leurs ressentis les plus intimes. Cela m’a fait découvrir bien des visages de cette émotion, mais aussi ce qu’il y a de commun derrière cette variété - le monde caractéristique de la peur. Comme tout un chacun, j’y ai moi-même été confronté, j’ai pu expérimenter dans mes fibres son tourment, dans mon esprit la toile engluante de ses pensées et je n’ai eu de cesse que de trouver une issue. Grâce à l’introspection, aux influences spirituelles dont j’ai été imprégné et à la pratique de l’acceptation, j’ai pu trouver un cheminement pour m’en dégager. Celui-ci demande patience et persévérance pour la détecter et apprendre à désamorcer les réactions psychiques complexes et les comportements inadéquats qu’elle engendre. C’est un tel bonheur de sentir peindre une liberté quand on s’est senti prisonnier d’un tel réseau… Cultiver la confiance tient plus de l’art que de la technique, il faut une bienveillance inlassable, de la créativité et un zeste d’audace. J’espère communiquer cette passion et susciter le goût de s'abandonner dans les bras de la confiance, en se détachant des velléités autoritaires de l’ego...
(…)
En se détachant des velléités autoritaires de l’ego...
PETIT BRÉVIAIRE
POUR CELUI QUI A PEUR
- Dès qu’une peur agit en toi, elle te change instantanément et commence à te contraindre. Tu perds aussitôt ta liberté de choix et d’action.
- Ne traite pas la peur en ennemie, mais questionne-la pour la comprendre.
- Quand la peur te domine, cherche à remonter vers son origine : peur de quoi et depuis quand ? Une peur disproportionnée te signale une problématique du passé non résolue.
- Si tu as peur, en dernier ressort, c’est toujours pour toi, même quand il s’agit de l’autre. Questionne jusqu’à parvenir à toi : que va-t-il t’arriver de mauvais ?
- Quand tu as peur, tu penses faux. Ne prends pas pour argent comptant ses prédictions négatives.
- Ne pars pas en pensée dans le futur, reviens au présent, dans la sensation de ton corps, tu rumineras moins de doutes.
- Ne t’en veux pas d’avoir peur et n’aie pas peur de ta peur, elle a besoin que tu t’occupes d’elle !
- Ne laisse pas la peur décider pour toi, contre ton intérêt. Si tu veux être libre, n’évite pas, affronte.
- Résiste au sentiment d’urgence.
- Ne fais pas porter à l’autre le fardeau de ta peur.
- Souviens-toi que la méfiance est contagieuse.
- Ta volonté de contrôle t’emprisonne et t’agresse, autant que l’autre.
- Tu n’auras jamais assez de preuves pour te rassurer, ni assez de pouvoir pour tout contrôler !
- Quand tu n’oses pas être toi-même par peur de perdre l’autre, tu ruines la relation.
- Cesse de rechercher le miracle : que celui (celle) qui t’attire et te fait peur se transforme en son opposé - qu’un séducteur devienne fidèle, qu’un glaçon devienne chaleureux !