La quête de sens et de transcendance a longtemps été au cœur de l’expérience humaine. Dans notre voyage pour comprendre notre place dans l’Univers, nous sommes souvent confrontés à des périodes de doute, de désarroi et de désespoir. Dans un monde à tendance matérialiste et orienté vers la technologie, où les réponses semblent se dissoudre dans un océan d’informations et d’obligations, la dépression est devenue une réalité de plus en plus préoccupante. Elle comporte diverses origines et il faut distinguer la dépression classique de la dépression spirituelle, qui ne fonctionnent pas de la même façon et dont le traitement ne nécessite pas non plus les mêmes outils. Elles se ressemblent pourtant dans leurs symptômes : tristesse, perte de sens, apathie, mélancolie, désespoir…

La dépression spirituelle est cependant associée à un chemin spirituel qui peut comporter des étapes incontournables et provoquer découragement et perte de sens. Pour autant, elle ne se limite pas à une simple « crise de foi religieuse », mais peut toucher quiconque ressent un vide intérieur, un décalage entre ses aspirations profondes et la réalité de son existence, ou une quête insatiable de plénitude. « Ce que l’on appelle la nuit noire de l’âme ou la dépression spirituelle est lié à des transformations profondes dans la personnalité du fait d’un contact avec les énergies de l’âme ou les énergies spirituelles. Du coup, il y a pas mal de points de repère qui changent et ce qui se passe, c’est que le monde extérieur n’a plus d’intérêt, les choses habituelles, les gens qu’on rencontre, même les sujets auxquels on s’intéresse… et en même temps, la nouvelle vibration n’est pas encore complètement incorporée. Donc cette phase de transition est un peu délicate », explique le conférencier et symboliste Luc Bigé. Alors, comment distinguer ces gouffres et quels sont les éléments factuels qui peuvent aider à éclairer un tunnel noir et mener vers une sortie ?

Un résultat face à des transformations

Face à une mélancolie persistante qui débouche sur une incapacité à « fonctionner » normalement, il convient de bien se renseigner. « La dépression est une condition médicale qui nécessite un diagnostic et un traitement professionnel, au-delà de la simple quête spirituelle », explique la psychopraticienne gestaltiste Émilie Brial. La dépression « classique », au sens clinique du terme, est un état maladif qui relève de la psychothérapie ou de la psychiatrie, pour lequel la spiritualité ne peut pas grand-chose. En effet, lorsque notre ego n’est tout simplement pas fonctionnel, il n’est pas « encore » question de suivre un chemin spirituel, puisque la dépression est liée à la fonctionnalité du moi. À l’inverse, lors d’une dépression spirituelle, l’ego fonctionne, il n’est d’ailleurs ramené qu’à son état fonctionnel, ce qui peut provoquer un profond désarroi. « Tout ce qu’on appelle l’ego, ce sont juste des couches de systèmes de croyances et une personne, en réalité, “ce n’est personne”. Une fois que ceci est devenu très clair, commencent alors les chemins transpersonnels. Mais cela ne veut pas dire que l’ego ne sert plus à rien, il devient à ce moment-là une pure matrice ou un véhicule pour la manifestation de l’esprit. Et là, on touche vraiment cette nuit noire de l’âme en voyant clairement que le moi n’existe pas ; c’est profondément perturbant, déstabilisant et en même temps, c’est profondément libérateur, joyeux et léger. C’est très étrange », témoigne Luc Bigé. Mais avant que cela ne se manifeste comme quelque chose de salvateur, les prémices de ces instants-là peuvent être source de souffrance.

Les réactions sont alors diverses, mais peuvent prendre la forme d’un mal-être profond, une envie de cesser ses interactions avec l’extérieur, puisque l’intérieur est dans la peine. « Dans la souffrance, cela peut faire du bien de se retirer du monde. Je vais m’anesthésier, anesthésier mes envies face à une prise de conscience qui rend obsolètes nos anciens schémas, sans pour autant savoir comment faire autrement dans l’immédiat », précise Émilie Brial. La dépression spirituelle est une réaction face à un cheminement personnel qui ébranle l’individu, ou à des révélations intérieures qui peuvent susciter un regard différent sur les choses. Mais c’est une étape, faisant partie du chemin, une forme de transition dans la transition. Comme l’écrit le poète soufi Rumi, même si cela paraît fou, « le remède à la douleur se trouve dans la douleur ».

Dépression spirituelle collective
Et si les symptômes de la dépression spirituelle se retrouvaient à un niveau plus global ? Pourrions-nous déceler à notre époque qui vacille les mêmes questionnements, et de ce fait les mêmes espoirs de sortie de crise ? C’est le postulat d’Eckhart Tolle : « À cette époque-ci, et pour la majorité inconsciente des humains, le chemin de croix reste encore la seule voie. Ces humains ne pourront se réaliser qu’en connaissant davantage de souffrance, et il est prévisible que l’illumination, en tant que phénomène collectif, sera précédée d’immenses bouleversements. »

Une origine renforcée par d’autres événements