Le Saint Graal, objet de convoitises et quête ultime des chevaliers de légende, représente une énigme qui a traversé les siècles. Ce mystère, intégré à notre culture par des textes sacrés et des œuvres de fiction populaire, stimule l’imaginaire collectif, de ses origines bibliques aux significations symboliques et ésotériques. Derrière le Graal, il y a la notion de quête et d’initiation. Mais que recouvre vraiment cette quête ? S’agit-il de jouer les archéologues pour trouver un objet réel, une précieuse relique aux contours historiques précis, ou sommes-nous face à une notion plus symbolique, plus intime et personnelle ? À quoi renvoie-t-elle ? Bien sûr, il existe des découvertes archéologiques intrigantes, qui s’appuient sur l’origine biblique de l’objet, popularisé au Moyen Âge par la littérature arthurienne. Le concept de « Saint Graal » émerge en effet dans la littérature médiévale européenne, d’abord dans le roman Perceval ou le conte du Graal de Chrétien de Troyes à la fin du XII^e siècle. Dans ce récit, le Graal est un simple réceptacle des hosties, symbole de la présence divine. Robert de Boron, dans son roman Joseph d’Arimathie, transforme le Graal en « saint vaissel », un plat utilisé par Jésus lors de la Cène. On apprend aussi qu’il aurait servi à recevoir le sang du Christ après la crucifixion : le Graal, comme le Saint Suaire, la Sainte Lance ou l’Arche d’Alliance, deviendrait ainsi un objet archéologique sacré, de première importance. Quoi qu’il en soit, cette christianisation élève le Graal au rang de relique divine, associée à la rédemption et au salut. Le cycle romanesque du Lancelot-Graal nourrit la légende, en faisant du Graal un élément central des quêtes des chevaliers de la Table ronde, symbole de la pureté et de la piété nécessaires pour réussir la quête. Dans ces récits célèbres, qui ont érigé le Graal au rang de mythe littéraire, il est bien question d’un objet sacré, visible, palpable, qui aurait voyagé à travers toute l’Europe et qui serait lié aux derniers instants de la vie du Christ, un objet doté de propriétés miraculeuses que seul un initié serait en mesure de comprendre… Une voie initiatique, en quelque sorte.

Différents artefacts

Il n’en fallait pas davantage pour enflammer les esprits et susciter les convoitises et, à partir de ces récits, de nombreux artefacts à travers l’Europe ont été recherchés et exhibés comme étant les Graals authentiques de la légende. L’objet est ainsi devenu une question archéologique, popularisé par le troisième film de la saga Indiana Jones, imaginée par Steven Spielberg. Ces récits légendaires ont amplifié cet intérêt, à tel point que de nombreux pays revendiquent la possession de « leur » Graal. Parmi les candidats les plus célèbres et les plus crédibles, on peut citer la coupe de Nanteos, au Pays de Galles, vénérée pour ses pouvoirs de guérison. Mais sa composition en bois et son origine étrangère à l’époque du Christ réduisent ses chances d’être le véritable Graal. En Italie, le Sacro Catino de Gênes, un plat hexagonal, semblable à de l’émeraude, fut longtemps vénéré comme le « Saint Graal génois », jusqu’à ce que des études révèlent qu’il s’agissait en fait d’un plat en verre soufflé, probablement postérieur à l’époque du Christ. À Glastonbury, en Angleterre, la légende raconte que Joseph d’Arimathie apporta le Graal et le cacha dans le Chalice Well, le Puits du calice au pied du Tor, une colline aux pouvoirs magiques. De nombreux visiteurs le recherchent encore, convaincus que Glastonbury serait l’ancienne Avalon, un lieu où le voile se lève et laisse apparaître Arthur, Morgane et Merlin, mais aucun objet n’a jamais été découvert dans le Puits du calice.

Jusqu’en Espagne !

C’est en Espagne que se trouve la pièce la plus convaincante : le Saint Calice de Valence, conservé dans la cathédrale. Le Santo Cáliz est un petit vase d’agate qui aurait été utilisé par le Christ lors de la Cène. Selon la tradition, l’objet fut emporté à Rome par saint Pierre, puis, au fil des siècles, il traversa des périodes de guerres et de migrations, avant d’être transféré en Espagne où il resta au monastère San Juan de la Peña (province d’Aragon) pendant 700 ans. Certains font remarquer une parenté phonétique entre « Avalon » et « Aragon ». (...)