Protéger
notre
Terre-Mère

Une mobilisation citoyenne révolutionne actuellement nos structures juridiques. S’il reste beaucoup de chemin à faire, les droits de la Terre ont été actés par plusieurs pays.
Protéger notre Terre-Mère
Nature
C’est en 1972 que Christopher Stone publie Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? Ce professeur de droit américain avance que les éléments de la nature devraient devenir des sujets de droit afin de pouvoir se défendre en justice. Une forêt, une rivière, une montagne devrait pouvoir, par l’intermédiaire de représentants humains, intenter un procès s’il y a eu atteinte à son intégrité.
L’idée surprend. Cependant, 1972 est aussi l’année où le Club de Rome publie Halte à la croissance ? , un rapport rédigé par le Massachusetts Institute of Technology, sur les retombées écologiques de la croissance économique et démographique. Enfin, 1972 est l’année du premier Sommet de la Terre à Stockholm. Il voit la naissance du Programme des Nations Unies pour l’environnement et l’apparition du concept d’« écocide » (destruction d’un écosystème) dans le paysage politique international.
Au final, l’idée de Stone n’est peut-être pas si fantasque : afin de protéger l’écosystème terrestre, quoi de plus efficace que de modifier les lois... et donc de donner des droits à la nature ?


Crime environnemental


Depuis la fin du XVIIIe siècle, l’activité humaine connaît un tel développement qu’elle génère une sixième extinction de masse et modifie jusqu’à l’enveloppe terrestre. Elle est à l’origine d’une nouvelle ère géologique : l’anthropocène. Certains acteurs sont particulièrement pointés du doigt : l’industrie, et donc les multinationales. « Les entreprises ne sont pas des nations. Elles n’ont aucune obligation de défendre ni les droits des peuples ni leurs ressources vitales. Elles ne sont pas soumises aux grands pactes internationaux sur les droits humains et de l’environnement », souligne Valérie Cabanes, juriste en droit international.
Sur le terrain, tout pays qui souhaite proposer au reste du monde ses productions doit, pour entrer dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), consentir aux règles du libre-échange. Cela implique qu’il autorise tout autre pays à implanter ses entreprises sur son territoire et à accéder aux trésors qu’il recèle : minerais, combustibles fossiles, nappes phréatiques, bois, ressources médicinales, etc. « La plupart du temps, ces ressources sont exploitées sans modération, sans respect des modes de vie des populations locales ni des équilibres écologiques. Cela génère également toutes sortes de conflits et de trafics mafieux », résume la juriste, auteure de Homo Natura. Le crime environnemental est devenu le quatrième crime le plus lucratif au monde.


Un vide juridique


Que font les États ? « Ils n’ont, pour l’heure, pas trouvé d’accord pour contraindre le secteur économique au respect des droits humains et de l’environnement », poursuit l’experte. Pour le dire autrement : certains pays rechignent à établir un cadre contraignant régulant l’activité industrielle dans le respect des limites planétaires connues. Il y a donc un vide juridique. De leur côté, les pôles, les océans ou l’atmosphère sont, en droit, des res nullius, des choses nulles. Personne ne peut en être propriétaire, mais du coup, ils sont exploitables par tous - d’où par exemple la surexploitation des océans.

Certains pays rechignent à établir un cadre contraignant régulant l’activité industrielle.


Il y a, là aussi, un écueil dans le droit. Une proposition serait de reconnaître que ce sont des communs naturels ayant le droit d’exister pour leur valeur intrinsèque et de n’appartenir qu’à eux-mêmes. Le mouvement Dismantel Corporate Power, qui regroupe plus de 500 ONG et tout de même 85 États, œuvre en vue de soumettre les multinationales aux mêmes critères de respect des droits humains et de l’environnement que les nations.


L’Amérique du Sud relève le défi


C’est sous l’influence d’une puissante mobilisation citoyenne – associations, ONG, rassemblements internationaux – qu’une brèche va s’ouvrir et que les droits de la nature vont être actés juridiquement. Les peuples premiers sont au cœur de ce mouvement. « Pour eux, une population appartient à un territoire et non l’inverse. En tant que gardiens, ils assurent collectivement la gestion des communs naturels. Ils privilégient l’usufruit à la propriété », indique Valérie Cabanes. La bascule se fait en 2008, lorsque l’Équateur introduit dans sa Constitution la notion de « Droits de la nature » faisant ainsi de la Terre-Mère, la Pachamama, un véritable sujet doté de droits.
En 2009, la Bolivie s’aligne et pose en complément le principe du « Buen vivir » – du bien vivre ensemble. En plus des entités de la nature et celles issues des cosmologies traditionnelles, son principe de juridiction nomme des « êtres possibles », c’est-à-dire des entités futures. « Il dit que nous ne sommes pas totalement sûrs que ces entités existeront un jour, mais que, par précaution, nous préférons leur laisser une place », détaillent le professeur d’économie Diego Landivar et l’anthropologue Emilie Ramillien dans le magazine Orbs. (...)

L'accès à l'intégralité de l'article est réservé aux abonnés « Inexploré digital »

À
propos

auteur

  • Miriam Gablier

    Auteure et journaliste
    Titulaire d'un Master de philosophie, de diplômes de thérapie psycho-corporelle et d'homéopathie (Grande-Bretagne), Miriam Gablier s'intéresse particulièrement au potentiel humain et à l'intelligence du vivant. Ses enquêtes sur les thérapies, la psychologie, la philosophie, la spiritualité et les sciences du vivant, lui permettent notamment de traquer les données se rapportant à la notion de conscience et à la relation corps-esprit. Miriam Gablier est auteure de Les mystères de la conscience ...
flower

À
retrouver
dans

Inexploré n°38

La conscience de la nature

dernière parution

Elle pourrait être si proche et pourtant nous nous en éloignons. La nature, aujourd'hui mise à mal, est douée d’une intelligence extraordinaire. S’y reconnecter nous dévoile que nous ne sommes rien sans elle. Certains de ses secrets pourraient pourtant réenchanter nos vies… Ainsi, les animaux nous invitent déjà à redécouvrir notre part sauvage, empreinte d’intuition et de coopération. Si les arbres communiquent, échangent et s’entraident également, qu’en est-il des plantes, sont-elles douées de conscience ? La Terre, à travers les forces telluriques, influence-t-elle notre corps et notre esprit ? Aussi, quels sont les mystères de l’eau, qui constitue le socle de la vie ? Si la nature est bel et bien vivante, peut-on envisager que la planète elle-même soit animée d’un esprit ? Enquêtes dans ce dossier inédit !

flower

Les
livres
à
lire

  • Un nouveau droit pour la Terre

    Un nouveau droit pour la Terre

    par Valérie Cabanes

  • Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ?

    Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ?

    par Pr Christopher Stone

Voir tous les livres

Les
articles
similaires

  • RAONI : un appel à changer notre relation avec la nature
    Nature

    Icône depuis 25 ans de la sauvegarde de la forêt amazonienne et de la vie qu'elle abrite, le chef indien Raoni, à plus de 80 ans, poursuit la lutte. Mais qui est-il vraiment ? Et que devons-nous réellement réapprendre à ...

    13 janvier 2013

    RAONI : un appel à changer notre relation avec la nature

    Lire l'article
  • Astrologie, miroir de l’âme ?
    Savoirs ancestraux

    Mettant en lumière des structures psychiques et symboliques à l’œuvre dans le monde, l’astrologie nous fascine… Comment la comprendre ? Peut-elle nous aider à mieux appréhender notre vie ?

    30 juin 2014

    Astrologie, miroir de l’âme ?

    Lire l'article
  • Templiers : les révélations d’une médium
    Perceptions

    Dans La révélation des Templiers, son dernier ouvrage, Patricia Darré partage les visions spirituelles qu’elle a eues lors de séances médiumniques. Une quête fascinante qui mêle histoire, ésotérisme et révélations pour éclairer nos temps troublés.

    26 février 2025

    Templiers : les révélations d’une médium

    Lire l'article
  • Les émotions, comment ça marche ?
    Santé corps-esprit

    Elles régissent le monde puisqu’elles nous gouvernent. Nous sommes conscients qu’il nous faudrait trouver le moyen de ne plus y être soumis, sans pour autant les faire disparaître. Comment fonctionnent les émotions, au regard de la philosophie, de l’ego, du ...

    24 septembre 2020

    Les émotions, comment ça marche ?

    Lire l'article
  • Yule, Imbolc et Ostara, trois fêtes qui honorent la Terre
    Savoirs ancestraux

    Hérités des fêtes celtes, célébrés pendant des millénaires et transformés en fêtes chrétiennes par l’Église catholique, les sabbats Yule, Imbolc et Ostara connaissent un renouveau païen.

    15 décembre 2022

    Yule, Imbolc et Ostara, trois fêtes qui honorent la Terre

    Lire l'article
  • OANIS - Un mystère dans le mystère…
    Cosmos

    Au sein du dossier « ovni », un sous-ensemble est constitué d’objets qui se déplacent dans l’eau, passent du milieu aquatique au milieu aérien sans la moindre interférence, et dont certains seraient d’une taille colossale. Les témoignages les plus impressionnants proviennent de militaires ...

    23 février 2020

    OANIS - Un mystère dans le mystère…

    Lire l'article
  • Après la crise, la reliance
    Art de vivre

    Nous sommes nombreux à ressentir l’appel à bâtir un nouveau monde, fondé sur l’entraide, la collaboration, l’égalité, le soin à la terre... Il semble particulièrement crucial aujourd’hui de se relier à ceux qui avancent dans la même direction que nous ...

    10 mai 2022

    Après la crise, la reliance

    Lire l'article
  • L’âme de la Nature
    Nature

    Pendant des milliers d’années il n’a fait aucun doute, pour tous les peuples de la planète, que la nature était « vivante ». Aujourd’hui, la science tend à rejoindre ces sagesses ancestrales. Validerait-elle un nouvel animisme ?

    18 avril 2018

    L’âme de la Nature

    Lire l'article
Voir tous les articles

Écoutez
nos podcasts

Écoutez les dossiers audio d’Inexploré mag. et prolongez nos enquêtes avec des entretiens audio.

Écoutez
background image background image
L’INREES utilise des cookies nécessaires au bon fonctionnement technique du site internet. Ces cookies sont indispensables pour permettre la connexion à votre compte, optimiser votre navigation et sécuriser les processus de commande. L’INREES n’utilise pas de cookies paramétrables. En cliquant sur ‘accepter’ vous acceptez ces cookies strictement nécessaires à une expérience de navigation sur notre site. [En savoir plus] [Accepter] [Refuser]