Montreuil. Une maison comme les autres. Façade terne, d’une banalité qui tranche avec l’extraordinaire de l’art et de la vie de cette artiste ne se laissant enfermer dans aucune case. Se serait-on trompé d’adresse ? Très vite, le doute se dissipe. La porte s’ouvre sur une autre réalité... Viviane, fée-lumière, nous accueille à bras ouverts, littéralement. Ses yeux couleur ciel nous transpercent, en même temps qu’ils embrassent l’Univers. Tout est déjà là, dans son regard à part. Petite fille espiègle autant que déesse millénaire, Viviane-José Restieau se définit comme une exploratrice du microcosme et du macrocosme.
« Nous sommes tellement liés par les particules lumière qui nous composent que nous vivons l’expérience de l’Univers simultanément avec l’expérience individuelle », partage-t-elle. Son antre, lieu de vie et atelier, traduit en 3D la magie de son chemin de vie, pavé d’ombre et de lumière. À mi-chemin entre manoir de conte de fées et caverne alchimique, avec en plein cœur un jardin enchanté, cette maison est
« un rêve descendu sur Terre en secret ».
Materia prima
Tout commence à Fontainebleau. De grandes balades relient André, son mari (illustrateur), et Viviane aux pierres de la forêt. Quand ils décident de construire leur maison à Montreuil, ils ramènent d’une carrière abandonnée des tonnes de pierres, tous les week-ends, durant... quatre ans. Minéral où s’engramme l’origine du monde, la mémoire de l’humanité. « Ils construisent alors, sans le savoir, la matrice organique des œuvres à venir », témoigne Nicolas Dubois, qui a réalisé des centaines d’heures d’entretien avec l’artiste pour
« accoucher » des textes poétiques accompagnant ses œuvres. À peine son époux bien-aimé pose-t-il la dernière pierre du pont enjambant le ruisseau au jardin, qu’il part « vers l’autre rive »... Une synchronicité de plus dans un parcours qui en compte tant ! Dans un dernier souffle, il lui glisse : « Tu deviendras une grande artiste. » Il faudra des années à Viviane-José Restieau, transie par la tristesse, pour accomplir la prophétie. Figure majeure du graphisme pendant quarante ans, elle créait pourtant déjà des logos pour les plus grandes sociétés (on lui doit celui de la Fnac), à l’image de son art : avec son « être total », se mettant en état de vide, à l’écoute tant des femmes de ménage que des dirigeants d’entreprises pour traduire l’énergie à l’œuvre. « J’ai toujours fait les choses avec le cœur. Avec une inconscience d’enfant », témoigne-t-elle.
Une enfance nue
Ses yeux se brouillent. Assise sur la septième marche, au confluent de l’escalier poétique créé par son mari,
« un initié qui s’ignorait », elle réalise qu’il illustre sa vie. À cette intersection, on a le choix... D’un côté, c’est le plan horizontal matérialisé par quelques petites marches planes.
De l’autre, l’escalier s’élève, avec sept marches supplémentaires, symbole d’ascension, de transcendance.
« Vous me faites vivre l’inconnu ! Jamais, je ne m’étais assise là... Je sens que c’est le lieu de convergence entre plusieurs mondes. Un croisement de chemins, dont l’un mène vers l’intériorisation, l’écoute divine. »
Ce chemin initiatique de solitude et de silence, c’est celui qu’elle emprunte, dès son plus jeune âge.
« Je suis l’être des instants seuls », confie-t-elle, levant pudiquement le voile sur une enfance martyre. Elle naît dans un taxi et sera aimée huit jours,
« par la nurse ». La suite n’est quasi que faim – faim d’amour et faim tout court. Une enfance désertée, ponctuée à trois ans du deuil de sa sœur-mère, sa
« protectrice », à peine plus âgée qu’elle.
« Par-delà les mondes, c’est une présence vibrationnelle, tout comme André... ». Sa mère, dévastée par cette mort précoce, se réfugie sur l’île de Platais, dans les Yvelines, où deux frères médecins hygiénistes ont créé Physiopolis, un domaine naturiste. Viviane y vivra une enfance nue, au propre comme au figuré, jusqu’à ses quatorze ans et demi. Cette jeunesse sauvage l’ouvre au subtil. Elle a sept ans lorsque démarre la Seconde Guerre mondiale.
« J’entends toute la déclaration de guerre en clairaudience. Je sens qu’il va falloir recoudre le monde... »
Transcender la souffrance devient son destin.
« Je suis ravie de ma vie. C’est une transmutation permanente ! » Esseulée, très peu nourrie,
elle développe une connexion puissante avec l’invisible et la nature.
« J’observais avec minutie comment le végétal fonctionne, pour pouvoir récolter une petite poire mûre à point. » Là, s’enracine en quelque sorte le terreau de son art, dans lequel elle se met en disponibilité pour
« recevoir » le chant de l’Univers...
En une seconde, je vais
de l’autre côté du voile,
sans passer par la pensée.
L’Art Lumière
En 1990, en pleine « période blanche » [ses créations s’étalent en plusieurs périodes, nourries d’évolutions successives, NDLR], où ses premières œuvres voient le jour, Viviane-José Restieau « inscrit » dans un dessin vibrant de lumière, juste avant qu’elle ne la vive, son expérience de mort imminente (EMI). « C’était une NDE spéciale, qui a été étudiée. J’étais en vélo et j’ai rebondi sur le capot d’une voiture, ça a été rapide... Je n’ai vu aucun tunnel, mais j’ai été dans la courbe de l’Univers. Tout était en lumière directe, vivante. Depuis, comme c’est passé par mon corps, en une seconde je vais de l’autre côté du voile, sans passer par la pensée. » Cette expérience lui fait prendre conscience du manifesté infime au regard de l’immensité du non manifesté, qui a tant à nous dire... L’art qui s’ensuit est unique ! Car, après un vide plein de silence, qui peut aller de quelques jours à quelques semaines, c’est « l’énergie pure des particules de lumière cosmique » que Viviane reçoit et ramène à la terre, dans les pigments qu’elle travaille à mains nues, souvent les yeux fermés. « Je n’ai pas besoin de mes yeux pour voir ce qui m’est donné. Je restitue ce que j’ai vu de l’autre côté du voile. Dans cette attente sans attente, un chant intérieur, un son de plus en plus fin est émis, qui manifeste une demande de la Source. Mes mains transmettent et traduisent cette information », précise l’artiste.
Ses matrices originales sont ensuite photographiées et travaillées chromatiquement, afin d’être au plus près de sa vibration au moment de l’acte créateur. Du pigment de la matrice au pixel de la photographie, l’œuvre vibre. Nous aussi. Face à ses œuvres-lumière immersives, qui nous connectent aux origines du Cosmos, une émotion irrépressible monte.
« Je considère que le travail de Viviane est de l’art-thérapie donné à l’ensemble de l’humanité, pour l’éveil de la conscience dans cette période de changement de paradigme », relève l’astrophysicien Régis Glaise.
Le cantique des quantiques
Ce dialogue que Viviane-José Restieau entretient avec l’Univers – avec l’invisible qui nous ouvre
« à l’inconnu de nous-même » – fait écho aux fondements de la physique quantique. Son art, teinté tout autant de spontanéité que de recherches minutieuses, intrigue d’ailleurs nombre de scientifiques !
« Viviane est la scripte du langage des astres. Elle transcrit la calligraphie de l’Univers... Elle cueille des formes, elle ne résiste pas, elle est l’Univers et l’Univers est en elle. C’est un acte irrésistible, il y a une fonction thérapeutique dans son art », souligne Philippe Bobola, chercheur en physique quantique. L’artiste, elle, relève le côté magique de la non-demande :
« Je n’ai aucune volonté de dessiner telle ou telle chose. En passant de l’autre côté du voile, sans aucune demande, mon corps cellulaire vibre avec toutes les particules de l’Univers. Le silence offre cet état d’invisibilité qui nous rend visible à la Source pour nous permettre d’éclore. » L’approche matricielle créée par Aziz El Amrani, reliant avancées scientifiques et grandes traditions spirituelles, résonne avec l’art de Viviane-José Restieau. Elle y découvre, émerveillée, la puissance de l’instant bref, vécu par le fœtus...
« Ce moment de silence au sein duquel le petit être en devenir crée ses organes en reliance avec l’Univers. C’est cet instant bref qui est au cœur de ma création. » Un instant bref qui nous ouvre à l’éternité.