Deuxième tome de la trilogie Shaman, La Vision est le récit d’un jeune Français parti s’initier au chamanisme en Mongolie. La poursuite d’une transmission qui se déploie au cœur d’une aventure spirituelle et amoureuse parsemée d’épreuves, à la lisière de l’invisible... pour que la connaissance soit sauvegardée et sa portée révélée.
Savoirs ancestraux
Gabriele Brancati/Pexels
Un cercle dans le cercle
« Et si l’infiniment petit était plus riche que l’infiniment grand ? » me demande la chamane. « Après tout, ne s’agit-il pas de chercher ce qui est déjà au cœur, en soi plutôt qu’à l’extérieur ? »
Ce sont les derniers mots que prononce ce soir Otharjanat la guérisseuse, avant d’enfiler la coiffe rituelle que je viens de lui tendre. Puis elle commence à battre du tambour, prête à ouvrir la porte entre les mondes.
Sa coiffe à franges sur la tête, elle se ferme à la réalité visible pour mieux s’ouvrir aux dimensions invisibles. Assis en tailleur, je ne vois plus ses yeux, seule sa bouche dépasse du rideau de tresses que forment ses cordelettes, cousues sous un bandeau frontal surmonté d’une coiffe de plumes. La chamane(1) est au centre du tipi. À deux mètres d’elle, un couple accompagne leur enfant, allongé sur un tapis.
Soudain, Otharjanat martèle plus fort son instrument. À ce moment, je l’aperçois : une effusion de lumière blanche glisse rapidement autour de son tambour et, l’espace d’un instant, encercle le disque de cuir tendu. Un esprit est là. Sous la frappe répétée de la mailloche(2), la peau de l’instrument résonne encore plus profondément.
Le petit garçon allongé a moins de dix ans. Du coton bouche ses oreilles et sa mère lui tient une main fermement. Des larmes coulent sur ses joues. Son autre main commence à bouger, mais son père la saisit. Le garçon gémit, il a de plus en plus mal. Et de plus en plus peur aussi. Le rythme s’intensifie.
J’entends alors grand-mère pousser un long râle. Sa voix se transforme progressivement en grognement de bête, telle une ourse d’un autre âge. Une ourse blessée, mais rendue de plus en plus puissante grâce au son de la percussion, et à la présence des esprits que le tambour invite sans relâche.
D’un coup, la chamane tombe inconsciente et s’écroule sur le sol, comme morte. Son tushee(3) s’empare immédiatement de son tambour et commence à en battre pour soutenir le voyage de la guérisseuse dans l’autre monde. Après quelques instants, les sons percussifs de la mailloche la raniment. Grand-mère est secouée d’un spasme, d’un autre plus fort, puis de convulsions encore plus intenses, qui la soulèvent au-dessus du sol.
Le rythme du tambour s’accélère. Otharjanat se met soudain à quatre pattes et renifle bruyamment dans toutes les directions. Elle cherche une piste. La magicienne a incorporé l’esprit de l’animal ; le vrai travail peut commencer.
C’est alors que je m’évanouis.
D’arc-en-ciel en échelle
Vision intérieure. La transe de la guérisseuse m’a emporté dans son sillage. Sans savoir où je me trouve, pour la première fois je vois un arc-en-ciel en volume. Je n’en avais jamais vu, pas comme ça en tout cas, pas de si beau. Je suis fasciné par la découverte de cette arche tubulaire gorgée de lumière irisée. Mais les yeux rivés sur l’objet de ma contemplation, j’ai besoin de prendre de la distance pour comprendre où je suis arrivé. Je n’en ai pas la moindre idée.
Je m’éloigne et j’élargis ma perception. L’arc-en-ciel paraît se déployer dans une sphère d’eau, tel un reflet de couleurs qui en épouserait la rondeur. La goutte est posée entre deux collines d’une teinte rose chair, séparées entre elles par un lit de rivière à sec.
Je recule encore. D’autres petites billes aqueuses, toutes irisées, se répartissent entre d’autres collines voisines, parmi une multitude de lits de rivières asséchées dessinant un réseau de délicates nervures, comme un ensemble de ruisseaux qui seraient vus d’en haut.
Je m’éloigne de nouveau. Et je comprends. Je suis devant une peau humaine observée en macroscopie, les lits de rivières à sec sont les infimes rides de son épiderme. Les sphères d’eau sont en fait de minuscules gouttes de sueur perlant sur ce tissu de chair comme des billes de rosée parmi les prés. Je relève la tête pour porter mon regard vers le haut, remonte le long d’une gorge puis d’un cou monumental. Et là, je la vois. Sorti du microcosme charnel, je me retrouve face à Hilga.
— Cet enfant a besoin de toi. Il faut qu’un homme de pouvoir l’approche pour le libérer de son trauma.
Elle me parle sans que ses lèvres ne bougent, au cours d’une télépathie avec laquelle j’ai appris à devenir familier.
« Son père l’a violenté. Verbalement et physiquement. Des mots criés, des gifles infligées, intrusions répétées à ses oreilles. Pour se protéger, il les a fermées. Au propre comme au figuré. Il a du mal à écouter, car il ne veut plus entendre. Ses tympans sont maintenant bouchés. C’est sa façon de se barricader. Mais aujourd’hui il n’en peut plus, il étouffe et son esprit veut revenir à la vie. Son inflammation augmente et la pression s’amplifie.
C’est son oreille interne qui doit être libérée. Le reste suivra. Comme à l’accoutumée... »
Je viens de recevoir à la fois le diagnostic et le remède. Empreint d’un sentiment de gratitude pour ce décryptage si clair et si rapide, je remercie Hilga. Elle sourit alors d’une moue bizarre, que je ne lui connais pas, les commissures de ses lèvres relevées comme dans une caricature. Intrigué par cette distorsion, je l’observe avec attention, conscient que dans le monde non ordinaire, encore davantage que dans la réalité, tout est plus complexe qu’il n’y paraît. Et double. Elle sourit avec ce rictus inédit, mais cette fois au point d’entrouvrir la bouche. Sa respiration se transforme en léger sifflement, tel un serpent. Je comprends. Ce n’est pas Hilga, mais un animal guérisseur qui apparaît sous ses traits. Il a utilisé l’image de ma compagne comme déguisement pour me rendre le message plus facile à recevoir et à accepter. À cet instant, son sourire grandit au point d’emporter le visage de Hilga en arrière, ainsi qu’on retirerait subitement un masque pour révéler sa vraie nature. Je suis en face d’un grand serpent dont l’image floue vibre rapidement, comme si elle opérait à la fois sur deux plans. Je respire pour faire le point, cherche le focus pour gagner en clarté, jouant de ma vue comme on réglerait des jumelles. À moi d’affiner ma perception. Tout prend alors sens, et le serpent se révèle : il n’est plus sur deux plans à la fois, mais apparaît dédoublé.
Le reptile révèle ainsi son sens de caducée, affirmant par ce symbole intemporel l’expertise de sa médecine, et, par sa nature binaire, la dynamique entrelaçant le diagnostic au remède. Soigneur devient alors l’anagramme de guérison...
Puis, dans un sifflement suraigu, le serpent s’envole dans les airs, d’un mouvement prolongeant sa forme de double hélice ascensionnelle. Je vois cette torsade jumelée se surimposer brièvement à une image d’ADN géant qui se transforme elle-même en échelle, l’axis mundi(4)de ceux qui voyagent entre Terre et cieux. Tout s’aligne et la lune est levée, le premier acte est joué. Je vais enfin pouvoir l’aider.
1. Homme ou femme qui voyage entre le monde ordinaire et le monde des esprits, rapporte depuis les dimensions invisibles des réponses et des énergies de réparation.
2. Ou orba : bâton et objet de pouvoir rituel du chamane.
3. Assistant répondant aux besoins du chaman pendant les rituels et cérémonies.
4. Ou gol : axe du monde métaphorique, qui relie tous les mondes spirituels.
Shaman, La Trilogie, Tigran, Tome II : La Vision, Mama Éditions, 2022, p. 15-22.
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8 janvier 2013
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