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Médecine
intégrative
:
replacer
le
patient
dans
le
cercle
du
soin
!

La médecine conventionnelle arrive à un point de rupture : désertification médicale, désillusion des soignants, surconsommation de médicaments… Face à ces défis, une approche nouvelle s’impose : la médecine intégrative. En réunissant médecine conventionnelle et pratiques complémentaires, cette vision globale replace le patient au centre du système de santé. Plus qu’un simple ajustement, c’est une véritable révolution qui redonne du sens à la notion de… « prendre soin » !
Médecine intégrative : replacer le patient dans le cercle du soin !
Santé corps-esprit
Et si soigner ne signifiait plus seulement traiter une maladie, mais accompagner un individu dans toutes ses dimensions – physique, psychologique et spirituelle ? C’était l’une des grandes questions du « Sommet des médecines centrées sur l’humain », organisé par Cercles d’Être en Gironde en novembre dernier, et réunissant différents acteurs de la santé, dont un grand nombre de médecins. « Associer la médecine classique conventionnelle et les pratiques complémentaires validées par la science(1), tout en rendant acteur le patient », c’est ainsi que l’anesthésiste-réanimateur Baptiste Vallé, cocréateur du Sommet, définit la médecine intégrative, un modèle en plein essor qui décloisonne et fait converger deux mondes longtemps opposés.

Dans un contexte où le système de santé vacille sous les tensions – pénurie de soignants, burn-out des professionnels, défiance des patients, cette approche globale et humaniste marque un tournant décisif : « C’est un art qui mobilise science, expérience et cœur pour proposer des solutions personnalisées, quels que soient les pathologies et les âges », affirme l’association Allié Santé dans son film documentaire Viens voir !, actuellement en tournée de projections-débats. Une révolution déjà en marche à travers le monde, et qui ne demande qu’à s’enraciner plus solidement en France.


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Consentement et autonomie


Depuis une dizaine d’années, la médecine intégrative se développe aux États-Unis où se tiendra le 22 février prochain un Congrès recensant plus de 2 500 interventions. En Europe, la Belgique et la Suisse font figure de précurseurs. L’initiative mondiale One Health (« Une seule santé »), née au début des années 2000, a constitué un terreau favorable à l’émergence de ce type de médecine en promouvant une approche intégrée et unificatrice de la santé des humains, des animaux et des écosystèmes, toutes étroitement liées. Plus lent à se mettre en place en France (depuis trois ou quatre ans), ce changement de modèle de santé a été amorcé par une loi importante, la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Elle apporte une avancée fondamentale : « Aucun acte médical ou aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne » (article L.1111‐ 4 du Code de la santé publique). En imposant le consentement explicite et l’obligation d’information, la loi Kouchner confère pour la première fois au patient le droit de prendre des décisions sur sa santé et l’obligation des soignants de l’informer de manière claire et complète sur son état. Elle a fait évoluer la forme de la relation soignant-soigné vers plus d’autonomie du patient et vers l’abandon du modèle paternaliste, permettant à une santé plus globale d’émerger… « La loi Kouchner a ouvert la parole », résume le médecin anesthésiste Baptiste Vallé, à la tête d’un projet de création d’un centre de santé intégrative dans un établissement thermal. « Grâce à elle, le patient a son mot à dire. Il y a eu comme une maturation de la loi et aujourd’hui, c’est le temps de la mise en action. »


L’être dans sa totalité


Tout l’enjeu de la médecine intégrative est de prendre en charge l’être dans sa totalité, c’est-à-dire dans un équilibre des différents plans : physique, psychologique, spirituel… De passer d’une médecine centrée sur la maladie à une médecine centrée sur l’individu. De relier le Cure (prendre soin) et le Care (prévenir), les traitements et les ressources. De répondre aux besoins propres de chaque patient et de les accompagner dans des parcours de santé complets et durables, appelés aussi programmes personnalisés de soins (PPS). « Une fois le diagnostic médical posé, on peut créer de vrais parcours centrés sur la personne, adaptés à ses besoins et sécurisés par le médecin, explique l’anesthésiste. La structure de base du parcours est la suivante : des médecins, des praticiens de thérapies complémentaires en cercle communiquent entre eux, échangent leurs regards. Le patient n’est pas au centre du cercle, il en fait partie. Le médecin n’a pas suffisamment de temps à accorder au patient en 15 minutes de consultation alors que le thérapeute en santé complémentaire fait des consultations d’une heure ou plus… »

La Société française d’Oncologie intégrative dirigée par Alain Toledano a d’ailleurs révélé que les personnes atteintes d’un cancer prises en charge dans un parcours personnalisé (remise en mouvement, prise en charge psychologique, création artistique, coaching santé…) auraient une fois et demie de probabilité en moins de développer une récidive. Ainsi, dans cette perspective, les deux mondes, le médical et le complémentaire, doivent faire un pas l’un vers l’autre. « Des médecins comme moi sont d’accord pour bâtir cette passerelle », assure Baptiste Vallé.

Présente au Sommet des médecines, la médecin généraliste Edwige Cand souligne : « C’est vraiment important de ne pas opposer, séparer et de dépasser les croyances de chaque professionnel de santé. On a chacun accès à une petite fenêtre d’une réalité qui nous dépasse et c’est ensemble en incluant totalement le patient dans son parcours que l’on arrivera à transformer, et faire de la culture intégrative une richesse au service de la santé. »


Croiser les regards, une richesse


L’Institut Rafaël en Île-de-France a été le premier centre européen de médecine intégrative. D’autres expériences et initiatives essaiment partout en France dans divers services, structures… Dans le champ de l’oncologie, huit centres ressources indépendants prennent en charge sur le territoire le mieux-être de la personne atteinte du cancer et de la famille à travers une variété de soins qui peuvent aller de danse au tai-chi en passant par le yoga, l’art-thérapie, la nutrition, la réflexologie, la psychologie, l’onco-esthétique, la sophrologie… Certaines de ces techniques (acupuncture, ostéopathie, hypnose, mindfulness) commencent même à être enseignées dans des facultés. Pour Edwige Cand, formée à l’hypnose et à la micronutrition, la santé intégrative est profondément inclusive. « Toutes mes formations m’ont nourrie ; croiser les regards, voyager, aller m’initier à la médecine ayurvédique, à la médecine tibétaine, aller méditer avec des moines et des nonnes… ces ouvertures ne veulent pas dire que l’on se convertit, mais plutôt que l’on s’ouvre, que l’on peut rencontrer l’autre là où il est réellement, que l’on dépasse la notion de croyance. Elle permet de faire de la différence une richesse, et de la diversité une synergie. »

Démonstration étonnante d’une synergie fructueuse, des barbiers à New York ont été formés à détecter les signes d’un AVC (accident vasculaire cérébral) et d’un AIT (accident ischémique transitoire). Bien placés pour repérer problèmes d’élocution chez une personne ou une déviation du visage, il est apparu qu’ils prévenaient mieux ces maladies que des gros centres de prévention dans lesquels des millions avaient été investis…

Durant son parcours professionnel, la généraliste Edwige Cand a coordonné des prises en charge pluridisciplinaires. « Cela a impliqué de travailler avec des professionnels de santé très différents, raconte-t-elle. J’ai adoré discuter avec des neurochirurgiens, des radiologues, des acupuncteurs, des professeurs de tai-chi… D’être capable de dépasser le changement de regard, d’en faire une richesse, un atout et d’inclure le patient, quel que soit son référentiel. C’est ce qui m’a le plus appris dans ma posture de soignant. »


S’approprier le changement


L’avancement de la santé intégrative est une réponse à l’absence de développement du monde médical conventionnel. Travailler seulement sur des cellules, des corps ne fait pas avancer la médecine. Et l’on assiste à une prise de conscience du fait que le médecin ne peut pas tout faire seul. Toutefois, « le monde de la santé intégrative ne peut évoluer que si le patient aussi fait son pas, c’est-à-dire que s’il s’autorise à parler de ses ressentis, ses émotions, fait confiance à son médecin qui est à ses côtés et qui l’écoute malgré une défiance actuelle envers le milieu médical, qu’il redevienne acteur et pas seulement consommateur de sa santé », prévient Baptiste Vallé. Les individus doivent s’approprier ce changement, ils en sont un maillon essentiel. Confiante, l’association de citoyens, patients et aidants Allié Santé qui œuvre dans cette transition rappelle : « Nous avons un rêve : avoir des lieux de santé intégrative, des réseaux dans tous les bassins de vie. Mais ça se développe… » Aussi, un nouveau métier voit le jour avec l’ouverture du Diplôme universitaire de coordonnateur de parcours en santé. Les collèges universitaires demandent aux médecins d’évaluer quantitativement et qualitativement les impacts de ces parcours… « En tant que médecin, je me sens très seule », confie la médecin généraliste Esther Gillet. « Il faut que les graines continuent d’être semées, les patients sont prêts… Il faut prendre notre courage à bras le corps. Commencer par de petites initiatives… »

Pour aller plus loin :
Sommet des médecines centrées sur l’humain
Allié Santé


(1) L’association Health United publie la liste des pratiques complémentaires retenues à la suite à d’évaluations scientifiques. À consulter ici

À
propos

auteur

  • Angélique Garcia

    Journaliste
    Angélique Garcia est journaliste depuis une dizaine d'années. Elle a été rédactrice en chef d’un média indépendant en région Occitanie consacré essentiellement aux thèmes de la culture, de l’art, du patrimoine et de l’écologie. Sa collaboration avec l’INREES / Inexploré lui permet de continuer à approfondir des sujets qui l’inspirent depuis longtemps (la conscience, la spiritualité…). En parallèle, elle se consacre à l’écriture. Elle pratique la danse ainsi que le yoga auquel elle se forme en v ...
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