Direction d’entreprise et extra-sensorialité semblent deux univers très éloignés. Sylvine Bailly a pourtant fait de son double talent un outil d’accompagnement.
Ding.
Un SMS atterrit sur le téléphone de Sylvine Bailly. Un patron a besoin de son avis pour une embauche ; il lui envoie la photo d’une candidate. Y jetant un œil, elle lui répond du tac au tac :
« Volontaire, main de fer dans gant de velours, arriviste mais besoin d’adhérer. Selon la façon dont elle sera managée, elle pourra se montrer souple ou obtuse. Il faudra savoir la rassurer et l’accompagner pour la tenir dans son camp. » En aparté, elle précise :
« Entrer dans la nuance est indispensable. Je ne suis pas là pour stigmatiser, mais pour donner des clés, afin de valoriser le potentiel de la personne et travailler positivement avec elle. »
Cette intelligence pratique, Sylvine Bailly la doit à son expérience de la direction d’entreprise. Cofondatrice d’un groupe audiovisuel, elle en a tenu les rênes et développé les filiales à l’international. Elle a aussi conseillé des présidents de chaînes de télévision.
« Inventer des concepts et lancer des projets a été mon quotidien, souligne-t-elle. Quand on ne se met aucune barrière et qu’on fait preuve d’imagination, on peut trouver des solutions à tout. » En parallèle, la pratique intensive de la danse a déployé en elle, d’abord un magnétisme,
« puis des images sont venues », raconte-t-elle, qu’elle interprète comme
« des bribes de mémoire » qu’elle capte, ou dont les gens lui font part inconsciemment.
Pour qualifier son activité, elle parle de
“coaching global”, à défaut de
“dénomination plus appropriée ». Global, parce qu’elle ne cloisonne pas vie professionnelle et vie privée.
« La raison pour laquelle une personne me consulte a priori nous conduira peut-être sur un tout autre terrain, observe-t-elle. Tout est lié. Et tout revient toujours à faire émerger sa place dans la vie. » Une femme était venue la voir car elle ne parvenait pas à monter en grade dans son entreprise.
« En tirant le fil, on a identifié qu’elle désirait cette reconnaissance pour faire plaisir à son mari, illustre-t-elle. Son problème n’était pas son boulot, mais sa relation aux hommes. Avait-elle l’impression d’être aimée ? Pourquoi ne s’autorisait-elle pas à être appréciée sans condition ? »
Global, surtout, par sa faculté à mêler dans un même flot son intelligence, son expérience, son intuition et ses perceptions. Elle capte, ça fuse, la trame se fait progressivement jour.
« Avant même l’heure du rendez-vous, je reçois des images, qui me guident vers ce dont il sera important de parler », note-t-elle. Une fois la personne accueillie, entre acuité percutante et finesse d’analyse, elle écoute, réagit, recadre, approfondit, jusqu’à cerner
« la » bonne question et le bon objectif.
« Plus tu questionnes, plus tu simplifies, plus tu vas à l’évidence de l’âme », estime-t-elle.
Du symbole à l’action
Un trentenaire
« beau comme un dieu » arrive à son cabinet. Son souci : il ne pas parvient pas à franchir le pas avec les femmes. Elle lui demande de s’allonger, choisit une huile essentielle, s’en humecte les doigts, l’invite à respirer régulièrement puis pose ses mains à l’arrière de sa tête. Émerge en elle l’image d’un escalier à barreaux.
« Mes flashs sont parfois insolites », sourit-elle – un mur bleu, un jeu d’échec, un cheval...
Elle demande à l’homme ce que cet escalier lui évoque.
« La maison où je passais mes vacances, enfant », répond-il. Percevant la présence d’une petite fille, elle l’interroge sur ce qu’il s’est passé.
« Une autre fillette devait nous rejoindre, mais j’appris qu’elle ne viendrait pas cet été là, explique-t-il. J’en étais tombé amoureux ; elle n’est jamais revenue. » Son premier coup de cœur s’étant soldé par un échec, une part de lui ne voulait plus tomber amoureux !
« Tout est logique, même si on le voit pas – comme le soleil derrière les nuages, s’enthousiasme-t-elle. Je ne crois pas aux protocoles rigides ; il faut être ouvert, savoir aller dans les symboliques, les transversalités… Le cinéma m’a appris qu’il fallait élargir le plan pour comprendre ! » Pour autant, elle ne s’en tient aux informations que sa clairvoyance lui permet de collecter.
« Créer et diriger des entreprises ont ancré en moi une culture du résultat, dit-elle. Je me méfie des approches qui font surgir des torrents émotionnels mais qui sont incapables, ensuite, d’accompagner la personne dans la mise en place de solutions concrètes. » Les images qu’elle reçoit
« sont des symboles, ajoute-t-elle. On saisit ce que l’on a à en comprendre, et puis après, action ! »
Acter, c’est changer de mode de pensée.
Son expérience en entreprise l’a aussi amenée à embrasser la diversité.
« Chaque individu est unique, observe-t-elle. A un même événement, chacun réagira à sa façon. » Il est donc important d’entrer dans la logique de chacun –
« quand on s’intéresse à l’humain, bien sûr », ponctue-t-elle. Car une telle approche managériale est loin d’être généralisée. Combien de dirigeants perdent leurs collaborateurs les plus talentueux parce qu’ils n’ont pas su entrer dans cette subtilité de relation ?
« Le sens de ma vie est de comprendre ce maillage extraordinaire qui nous constitue, estime-t-elle. De quoi sommes-nous faits ? Pourquoi agissons-nous ou réagissons-nous de telle ou telle façon ? »
Jusqu’à proposer, systématiquement, un plan d’actions.
« Acter, c’est changer de mode de pensée, pose-t-elle. Mon travail est un aller-retour permanent entre objectif, questionnement, proposition de solution et action. » Nous avons souvent du mal à oser. Pourtant, agir apaise.
« Sur Terre, tout est mouvement, insiste-t-elle. Toute action, quelle qu’elle soit, est enseignante. Mon rôle est d’impulser une dynamique, afin d’aider les gens à se réaliser pleinement. »