Dans son nouvel ouvrage, La mort n’existe pas, publié chez Harper Collins, Stéphane Allix explore à nouveau la nature de la conscience aux confins de la mort en livrant ses 15 ans d’investigation sur l’après-vie. Notre conscience survit-elle au décès du corps ? L’au-delà existe-t-il ? Ce journaliste de terrain part enquêter pour découvrir la vision de voies alternatives et de traditions spirituelles millénaires, notamment du chamanisme. Extrait.
Au-delà
Melania Avanzato
Luna
Tu te tiens debout, en silence, devant le cercueil de bois clair.
Ma fille, dans ton regard interrogatif je devine un abîme de
perplexité. Que comprend-on de la mort, à trois ans et demi ? Tu
perçois la souffrance autour de toi. Ce désarroi discret, les visages
figés dans la stupeur ; les yeux errent dans le vide, les corps sont
hésitants, gauches. On te parle par moments, on veut te rassurer
d’un geste tendre et maladroit ou par un mot, des voix familières
dans lesquelles tu sens pourtant des inflexions inhabituelles, de
l’émotion, un petit quelque chose d’incompréhensible, presque
menaçant car inconnu de toi.
Ma fille, tu es seule et impassible au milieu de grandes personnes
dont, pour la première fois de ta vie, tu ne parviens pas à cerner
les intentions. C’est aussi rassurant qu’un sac de grenades dégoupillées.
N’osant ouvrir la bouche, tu observes ces adultes marqués
d’une blessure invisible, des tsunamis contenus.
La mort vient d’entrer dans ta vie.
Ce que tu entends est en complet décalage avec l’atmosphère
étrange et lourde qui t’enveloppe, comme un concentré de temps
présent, un puits dont personne ne parvient à sortir. La légèreté
n’est plus là, on ne joue plus.
Tu ne comprends pas, comment le pourrais-tu ? Qu’y a-t‑il à
comprendre ? Ton oncle est mort. Tué dans un accident quelques
jours plus tôt. Tu ne le verras plus jamais. Il vient brutalement de
sortir de ta vie, mais à cet instant tu es incapable de réaliser ce
que cela signifie. As-tu deviné que l’homme que tu connaissais,
qui jouait encore avec toi quelques semaines auparavant, est là,
figé à jamais à l’intérieur de cette boîte ? La mort est irréelle à
tes yeux d’enfant. Ce grand bonhomme musclé et original qui
t’apprenait à grimper aux arbres, te posait des questions étranges
dans lesquelles brûlait une urgence essentielle, celui qui te faisait
tourner dans les airs, rire aux éclats, tu ne le verras plus jamais.
Tu l’ignores encore, car, pour l’instant, tu es tout entière plongée
dans le présent de tes premières années innocentes, mais dans les
décennies à venir tu oublieras son visage, ses gestes, son rire, son
regard. Je le sais, tu m’as avoué combien cela éveille aujourd’hui
en toi une profonde mélancolie.
Je suis accroupi sur le sol et te fais signe de me rejoindre, tu
t’assieds contre moi. Ma fille. Je veux que rien ne te soit dissimulé
de ce jour. Je t’enserre de mes bras. Je dois avoir l’air grave, et
perdu. Secoué d’émotion.
Par des phrases courtes, je raconte aux gens présents les derniers
moments de ton oncle, mon frère. Je parle du soleil chaud qui
inondait le ciel ce matin-là, de la lumière. Mes mots te surprennent,
sans doute ; tu ne m’as jamais vu comme ça. Il y a une étrange
vibration dans ma voix. De la fragilité, un indicible chagrin, une
culpabilité sourde cachés derrière un ton qui se veut assuré.
Ma vie vient de changer à jamais. J’ai trente-deux ans. Il y a
une semaine, dans l’aube d’un matin d’avril, alors que tu dormais
encore, loin, à Paris, nous étions avec Thomas et quelques autres
sur une route d’Afghanistan, et il y a eu cet accident, et Thomas a été tué devant mes yeux, ainsi que trois autres jeunes hommes.
Ce matin-là, alors que j’étais à genoux dans la terre brûlée, le sang
de ton oncle sur les mains, notre existence a pris une tournure
singulière et définitive.
Le corps d’un mort est déconcertant. Lorsqu’il nous est donné
de le regarder en face, je ne parle même pas de le toucher, on voit
bien que quelque chose cloche, quelque chose manque. La peau
prend instantanément une couleur irréelle, dès les premières
minutes, comme si de vivante elle devenait artificielle. Les yeux
grands ouverts ont soudain perdu cet éclat, la poussière s’y dépose
librement et éteint leur brillance, les membres sont désarticulés
sans plus la moindre résistance. Il y a une absence, un vide, et
pourtant le corps a toute l’apparence de la personne que l’on
connaissait. Mais elle n’est plus là.
Alors où est‑elle ?
En 2001, le décès de mon frère Thomas a précipité cette question
dans ma vie. Comment aurais-je pu y être préparé ? Je ne l’étais
pas. Qui peut l’être ? Je me trouvais avec lui en Asie centrale. J’ai
pris soin de son corps, je l’ai rapatrié en France pour qu’il y soit
inhumé. Le choc fut immense. Nous étions proches, partagions
la même impatience folle de comprendre ce monde, d’arpenter
cette Asie centrale où respirent les mémoires des temps sacrés,
nous avions déjà voyagé ensemble, sur ces terres, où la mort nous a
surpris de la plus brutale des manières. Ce moment a constitué un
tournant majeur dans mon existence, il a bouleversé ma carrière
de journaliste. Et ta vie également.
Où est passé Thomas ?
Ce que je veux te dire
C’est à cette époque que la mort est devenue pour moi un sujet
d’interrogation permanente. Je n’ai eu de cesse dès lors d’user
de mon expérience et de mes outils d’enquêteur pour tenter de
comprendre scientifiquement ce que nous savons de ce moment
chargé de crainte et de mystère. J’ai notamment questionné les
neurosciences et d’autres disciplines pour tenter de percer la nature
de la conscience. Je suis allé interroger quantité de chercheurs à
travers le monde, mais aussi de témoins, en particulier celles et
ceux ayant vécu une expérience de mort imminente. En 2013, mon
père, ton grand-père, a cessé de respirer à son tour, ce qui a encore
accru mon désir de trouver des réponses. J’ai testé des médiums.
J’ai étudié toutes ces expériences aux frontières de la mort, ou
après le décès d’un proche. C’est ainsi que s’est lentement forgée
en moi la conviction que la poursuite d’une forme de vie après la
mort constituait une hypothèse rationnelle, étayée à la fois par la
science et d’innombrables témoignages.
Mais il me manquait constamment quelque chose. La preuve
ultime. Celle qui allait dissiper les derniers doutes. Celle qui allait permettre de comprendre pourquoi, malgré les évidences que j’ai
constatées, il n’y a toujours pas unanimité sur la question. Pourquoi
science et spiritualité sont‑elles encore trop souvent opposées, tels
deux espaces inconciliables ?
J’étais épisodiquement en proie à une sorte de conflit intérieur
au fil de mes investigations, l’approche scientifique se révélant
souvent, à elle seule, incapable de trancher entre plusieurs hypothèses.
Parmi les scientifiques, les avis divergent en effet parfois
radicalement quant aux interprétations que les faits observés
permettent de faire. Le doute est constitutif de toute démarche
scientifique. La science ne peut formuler que des hypothèses devant
les observations qu’elle tente de comprendre. Son objet consiste
précisément à cela : proposer des hypothèses pour expliquer les
phénomènes qu’elle étudie et tenter de les vérifier.
La science est par essence un espace en perpétuelle évolution,
elle ne fournit pas de certitudes éternelles. La science, c’est l’école
du doute.
En outre, elle a tendance à ne valoriser que la connaissance acquise
intellectuellement, à ne considérer que ce qui est reproductible.
Or, la science ne nous donne accès qu’à une réalité relative,
pour des raisons que je développerai plus tard.
Ce constat est aujourd’hui unanimement admis. Physique,
biologie, neurosciences, quelles que soient leurs disciplines, les
scientifiques reconnaissent qu’une compréhension globale de notre
réalité est encore largement inaccessible.
À cet égard, la nature de la conscience demeure l’une des plus
vertigineuses questions non résolues pour les chercheurs. Le
cerveau est une énigme. Or, contrairement à ce que l’on projette
sur les neurosciences, cette discipline est encore balbutiante. Les
outils d’observation dont elle dispose sont relativement limités,
notamment dans leur capacité à observer en temps réel, et avec
précision, ce qui se passe dans notre cerveau. Je me suis rapidement rendu compte que l’on attribue aux neurosciences des capacités
d’explication très surévaluées.
Or, je cherchais des réponses. Y a-t‑il vraiment une vie après
la mort ou pas ? Aussi ai-je rapidement compris, Luna, que si je
voulais accéder à une vision plus large du monde et aux niveaux
plus subtils qui le constituent, et surtout avoir une chance de
percer les mystères de la conscience, comprendre où était ton
oncle, il me fallait emprunter d’autres voies. Pour aborder un objet
d’étude aussi complexe et délicat, aucune discipline ne se suffit à
elle-même : il faut croiser les approches.
Mais existe-t‑il d’autres outils que la science pour explorer la
nature de la conscience ? Comme tout bon Occidental, de surcroît
élevé au pays des Lumières, j’étais convaincu que ce n’était pas le
cas. Je ne pouvais concevoir rien de mieux que l’approche scientifique,
l’expérimentation, la réplicabilité, l’étude de la matière
pour comprendre objectivement la réalité dans laquelle nous vivons.
Pourtant, de multiples disciplines et sciences sociales, la
philosophie ou la psychanalyse par exemple, nous apportent des
éclairages intéressants sur la question de la mort. Ils sont certes
plus subjectifs, toutefois j’y ai trouvé de quoi nourrir une réflexion
parallèle précieuse tout au long de ces années. Mais ce qui a
radicalement changé le cours de mon enquête, c’est la rencontre
avec des spécialistes du chamanisme, psychologues, médecins, ou
encore des anthropologues. Certains avaient étudié et surtout fait
l’expérience personnelle de pratiques plus spirituelles, utilisées
depuis des millénaires, et perçu ce qu’ils qualifiaient d’autres
niveaux de réalité.
Depuis des décennies, nombre de chercheurs occidentaux
reviennent en effet bouleversés par les cérémonies auxquelles des
chamanes les ont conviés. Cela aiguisa ma curiosité. J’ai voulu aller
plus loin et essayer cette approche qui éveille par ailleurs de plus
en plus l’intérêt des scientifiques ; tu connais mon impulsivité.
Tous les chamanes à travers le monde, quelles que soient leurs
traditions, prétendent entrer en contact avec un « monde des
esprits ». S’agit‑il juste d’une croyance ? Peut‑il y avoir une part de
réalité dans ces assertions ? C’est pour répondre à cette question
que j’ai décidé qu’il me fallait tenter ce qui potentiellement pouvait
s’avérer être l’une des expériences les plus importantes de ma vie.
Serai-je réellement en mesure de voir moi aussi ces dimensions
spirituelles auxquelles prétendent accéder les mystiques de toutes
les traditions, et ce depuis des millénaires, et possiblement ce qui
se passe au moment de la mort, voire après ?
Sans doute assez naïvement à l’époque, j’ai donc pris le chamanisme
au pied de la lettre. Je pensais que s’il m’était donné de
visualiser moi-même l’esprit d’un défunt – ton oncle – cela lèverait
définitivement les doutes qui continuaient de m’habiter depuis le
début de mes enquêtes quant à l’existence d’une vie après la vie.
Comme l’apôtre saint Thomas, le journaliste que je suis ne peut
se défaire d’une forme d’incrédulité. Il me faut voir pour croire.
Voilà ce qui m’a conduit en Amazonie.
En 2006, lors de mon premier voyage dans la forêt, tu étais
encore une enfant. Malgré l’extrême confusion de mes premières
expériences chamaniques, j’ai pressenti le potentiel inestimable
de ces techniques. Progressivement le chamanisme m’a ouvert
sur une autre vision du monde. J’ai compris qu’il était possible
d’explorer la réalité autrement.
D’apprendre autrement.
Pour ce faire, je me suis engagé dans une lente initiation, malgré
les peurs, les écueils, l’inconfort si déstabilisant de l’inconnu.
Un chemin de lâcher-prise et de vulnérabilité, pour m’extraire
temporairement des innombrables automatismes qui régissent
nos jours et nos nuits.
J’ai appris à faire de mon mental un allié plutôt qu’un handicap
et à développer mon intuition sans me perdre dans l’imaginaire ;
cela m’a demandé près de quinze années. Quinze longues années
durant lesquelles, en marge de ma vie de journaliste majoritairement
occupé à observer, décortiquer et analyser les nombreuses
recherches scientifiques portant sur la nature de la conscience
– averti désormais des limites de nos grilles d’interprétation –,
je menais en parallèle ce cheminement spirituel à la subjectivité
déconcertante. Ces deux axes de recherche sont très différents en
apparence, mais ils se sont avérés d’une incroyable complémentarité.
Un patient apprentissage entre raisonnement et perceptions
extrasensorielles.
Au cours de cette quête, Luna, j’ai commencé à voir des dimensions
de la réalité jusqu’alors invisibles. L’intensité et la clarté de ces
expériences imposèrent une forme d’évidence. Dans cette réalité
plus vaste qui m’était soudain perceptible, la mort semblait s’être
effacée. Comme si elle n’avait jamais vraiment existé, n’avait été
qu’un voile tenace, une frontière poreuse, une illusion cérébrale.
Tu as vingt‑cinq ans aujourd’hui. La petite fille silencieuse que
je tenais contre mon cœur ce jour d’avril 2001, à peine descendu
de l’avion qui me ramenait chez nous avec le cercueil de Thomas,
est devenue une femme épanouie, malgré cette irruption brutale
de la mort dans ta vie d’enfant.
Il y a tant de choses que je veux partager avec toi. J’ignorais à
l’époque ce que je sais maintenant. Désormais, les années passant,
je pense parfois à ce moment où je laisserai à mon tour s’échapper
de mes lèvres une dernière expiration. Je n’y songe plus avec
inquiétude, ni même appréhension. Une profonde sérénité – de la
curiosité, mais aucune impatience – m’habite à cette perspective.
Je sais l’émotion qui t’envahit quand j’aborde le sujet, j’ai voulu
t’en parler plusieurs fois ces dernières années. Je le comprends,
c’est tellement incongru, mais ce que j’ai à te dire va tout changer.
Je vais mourir. Oh ! pas tout de suite, rassure-toi, je n’éprouve
aucune hâte, c’est même de plus en plus l’inverse à mesure que
je saisis combien la vie est une merveille. Nous avons encore le
temps, beaucoup de temps ensemble, mais ce moment viendra et
il sera forcément inattendu. C’est une certitude.
Alors j’aimerais te transmettre aujourd’hui ce que j’ai appris au
fil de mes enquêtes et de mes voyages, pour que, le moment venu,
tu voies les choses comme je les vois désormais. Je veux que tu
saches qu’après toutes ces années passées à chercher des réponses,
depuis l’accident de ton oncle, je suis convaincu que le jour de
ma mort je cesserai simplement d’être visible à tes yeux, mais que
mon existence se poursuivra, ailleurs.
La mort n’existe pas, Luna.
Lorsque l’on meurt, on ne cesse pas de vivre. On change de
monde.
Je vais essayer de t’expliquer comment j’en suis arrivé à cette
conclusion. Ce n’est pas une croyance, mais l’aboutissement logique
d’un long cheminement. Pour comprendre, il te faudra faire appel
à ton raisonnement, comme je l’ai fait – je reste journaliste dans
l’âme –, mais pas exclusivement car, dès lors que l’on aborde ce
sujet, bien des choses dépassent nos capacités d’analyse. Savoir ne
suffit pas. Tu dois apprendre à écouter la voix de ton cœur, autant
que celle de ta raison. Cela m’a demandé du temps, beaucoup de
temps, de voyages et de nombreuses expériences.
Ton grand-père a été terrassé par la mort de son fils. Aujourd’hui,
il l’a rejoint. Lorsqu’il parlait du décès de Thomas, il avait coutume
de citer des mots de Baudelaire, même s’ils s’appliquent à autre
chose dans le poème d’où il les avait tirés, en disant que la mort
nous propulse derrière la muraille immense du brouillard. Il était
comme ça, grand-père, tu te souviens ? Il lisait énormément et
retenait des phrases, et encore des phrases, de Tolstoï, de Flaubert,
de Stendhal, de Gogol, de tant d’autres auteurs avec qui il conversait
– ses amis imaginaires. Dès qu’il me citait de mémoire la musique
de leurs mots, je voyais immanquablement les larmes apparaître
au coin de ses yeux et sa voix vaciller. C’était un homme émotif,
cultivé et bon, ton grand-père. Je te raconterai quelles furent ses
dernières semaines, car elles ont été profondément éclairantes.
Et son dernier souffle si discret, un incroyable instant d’amour.
Oui, la mort semble effectivement se cacher dans le brouillard
de nos peurs, tel un mystère insondable. Et c’est une réalité qui
n’épargnera personne, pourtant la plupart des gens préfèrent ne pas
y penser. Jusqu’à ce qu’elle fasse irruption dans notre vie. Comme
lorsque Thomas est mort, plongeant ton grand-père, moi, toute
notre famille dans une incertitude déconcertante.
Nous courons sans comprendre vers la mort, tels des somnambules,
et nous sommes surpris que cela soit angoissant. Alors nous
meublons nos journées de plaisirs éphémères pour supporter cette
déconnexion d’avec notre part spirituelle. Cette désunion conduit
à ce que l’on éprouve avec impuissance le sentiment que quelque
chose d’essentiel, mais d’inaccessible, manque à notre existence.
Ce soleil éteint. Notre âme oubliée.
Pourtant, la vie est autre chose qu’une glissade irrémédiable vers
un effacement certain. La vie, ce n’est pas seulement ces décennies
que nous traversons, incrédules, sur cette planète belle, violente
et folle. Et la mort n’est pas la fin de la vie. Le redécouvrir est
essentiel. Et c’est à notre portée.
Le mystère peut être éclairé. Lorsque je me retrouverai au
seuil de la mort, si les circonstances le permettent et que je suis
en mesure de la regarder consciemment en face, les paroles justes
seront certainement difficiles à trouver, pour toi prise par l’émotion,
pour moi en train de me détacher. Alors autant les dire aujourd’hui.
Autant tout te dire aujourd’hui. D’autant plus qu’alors il sera un
peu tard pour parler, tant le silence sera précieux une fois devant
le seuil. Il faudra que tes gestes soient lents et délicats, lorsque ta
main viendra se poser sur ma peau, ton cœur apaisé.
Je vais t’expliquer tout ce que je sais de ce moment, ce qui
se passera en moi, ce que les yeux de mon âme verront, là où je
glisserai, ce qui m’arrivera après, et ce que tu pourras faire pour
m’aider, si tu t’en sens le courage. J’en suis convaincu, cela te
permettra d’accepter sereinement l’inéluctable. Et alors peut‑être
seras-tu en mesure de sentir l’amour qui envahira la pièce où nous
nous trouverons lorsque ce moment viendra. Cela sera comme
une lumière. Elle sera physiquement perceptible.
L’instant de la mort révèle les émotions les plus extrêmes, c’est
un temps paradoxal, une déchirure inconsolable mais aussi une
forme de grâce ; une porte s’ouvre entre deux mondes.
Après ma mort, je serai encore là, parfois dans ton environnement
proche, parfois ailleurs, mais toujours en lien avec toi.
L’amour qui nous unit sera aussi intense et fort – peut‑être même
plus, tu comprendras au fil des pages qui suivent pourquoi je dis
cela. L’amour est ce qui permet le lien entre les mondes ; je vais
t’apprendre à ressentir cela, il est tellement plus fort que l’absence.
S’ouvrir à lui apaise et dissipe la confusion.
Lorsque je m’effacerai de ce monde, je serai toujours vivant.
N’en doute pas, ne doute pas que l’amour que nous éprouvons l’un
pour l’autre est éternel et rend possible le dialogue de nos âmes.
Par ailleurs, parler de la mort avec toi dès aujourd’hui aura un
effet plus essentiel encore que celui de te préparer à ce terme, que
je veux le plus tard possible. Celui de rouvrir un chemin intérieur.
J’en ai fait l’expérience.
Oui, la mort fait peur. Tu me l’as dit. Le sujet t’angoisse.
Tu es loin d’être la seule, ma fille, cela n’a rien de surprenant.
Mais tu m’as confié également que ce n’est pas une peur que tu refuses, sur laquelle tu voudrais mettre un mouchoir. Ta lucidité
m’impressionne. J’admire ce courage dont tu fais preuve – accepter
de regarder en face tes peurs et tes ombres – et je te confirme que
c’est en accueillant ta vulnérabilité que tu accéderas au bonheur
et à l’épanouissement. La vulnérabilité n’est pas de la faiblesse.
C’est la première marche vers l’éveil. Cela requiert beaucoup de
courage et d’humilité, de sonder la vérité de notre être. Mais
n’est‑ce pas la chose la plus essentielle à faire de notre existence ?
Oui, la mort peut devenir familière, il est possible d’apaiser nos
craintes, d’en révéler les secrets. Alors elle n’est plus une ennemie,
mais devient un miroir sur la vie. Car la mort dévoile la chose la
plus précieuse que nous possédons, une dimension de notre être,
notre pure conscience, qui, si l’on apprend à s’y reconnecter, est
une inestimable ressource intérieure.
J’ai compris que nous sommes tous guidés, mais nous ne savons
pas écouter. Faire de la mort une amie, un objet de méditation
quotidien, apaise profondément et change le regard que nous
portons sur tous les aléas de notre existence. Cela nous permet
de ressentir cette flamme immortelle qui brille au fond de notre
cœur à chaque instant. Cette source d’inspiration inépuisable
et sage que nous abritons toutes et tous. Là, maintenant, en ce
moment même. Se connaître est le début de la sagesse. Plus tôt
on entreprend cette exploration intérieure pour retrouver notre
âme, plus éclairée et inspirée sera notre existence.
Il m’a fallu plus d’une décennie pour trouver les mots justes.
Ils ne sont pas tous venus de là où je les attendais. C’est une autre
histoire que je veux te raconter. […]
La mort n’existe pas, Stéphane Allix, 2023, éd. Harper Collins, p. 11 à 23.
Écrivain et réalisateur, Stéphane Allix est devenu journaliste en rejoignant clandestinement, à 19 ans, en 1988, les résistants afghans en lutte contre l’occupant soviétique. Durant les années 90, il a voyagé à travers le monde, couvert plusieurs guerres, réalisé des films, et écrit plusieurs livres.
Depuis 2003, il est engagé dans l’étude et la recherche sur les conséquences de la révolution scientifique en cours, avec une approche comparée de disciplines telles que la psychia ...
Axelle décède le jour de ses vingt ans dans un accident de
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8 mai 2024
Sandra Giessinger : sa fille la guide depuis l’au-delà
Et si nos capacités de réanimation nous permettaient d'envisager un « au-delà » ? C'est ce que pense le Dr Jean-Jacques Charbonnier, médecin anesthésiste-réanimateur, qui a rassemblé dans son dernier livre « sept bonnes raisons » d'y croire.
Et si une plateforme numérique destinée à recueillir la mémoire de tous les êtres humains après leur mort créait une histoire plus démocratique tout en apaisant les proches ? Entretien avec son créateur, Dominique Pon.
Qu’est ce qui peut bien pousser un enseignant spirituel de renommée internationale, respecté et aimé, à s’enfuir comme un voleur de son monastère, sans en toucher mots à qui que ce soit, pour entamer un voyage en solitaire qui va ...
Et si nos capacités de réanimation nous permettaient d'envisager un « au-delà » ? C'est ce que pense le Dr Jean-Jacques Charbonnier, médecin anesthésiste-réanimateur, qui a rassemblé dans son dernier livre « sept bonnes raisons » d'y croire.
Face à l’expérience singulière du « mourir », l’euthanasie questionne la profonde dualité entre l’aspiration légitime à mettre fin à la souffrance et les dilemmes éthiques que ce geste soulève. L’occasion d’ouvrir le dialogue avec des spécialistes de tous bords. ...
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