Caché dans les bois recouvrant les collines de
l’Ombrie en Italie se trouve un trésor architectural
et spirituel presque inconnu. C’est La Scarzuola,
véritable « citadelle alchimique » qui, à travers
ses symboles denses, raconte la quête spirituelle
humaine et son ardu chemin à parcourir.
Art de vivre
Martino Nicoletti
Au milieu des années 1950, l’architecte italien Tommaso Buzzi décide de quitter Milan pour l’Ombrie avec comme but de donner forme à une œuvre sans précédent : la construction d’une Cité idéale. Celle-ci serait l’expression tangible de sa vision philosophique du monde et des lois invisibles qui relient l’homme à l’univers. Après plusieurs options, son choix se porte sans hésitation sur un domaine isolé dans l’est de la région, abritant les restes d’un ancien couvent, fondé par saint François d’Assise en 1218 afin d’y créer un ermitage.
Buzzi transforme rapidement ce lieu, naturellement imprégné d’une sacralité puissante, en un immense chantier à ciel ouvert. C’est ainsi que, l’une après l’autre, des constructions hétéroclites commencent à prendre forme : pas simplement une agglomération d’édifices éparpillés, mais un agencement cohérent permettant à tout visiteur de ressentir et d’expérimenter des changements profonds dans sa perception comme dans son intériorité.
Un cocoon secret
Arrivé à La Scarzuola, Marco Solari m’attend à l’entrée de ce lieu intime et magique. Neveu de Buzzi et héritier de l’architecte milanais, il poursuit aujourd’hui son œuvre inachevée. Il me suffit d’échanger quelques mots avec Marco pour me rendre compte qu’ici, il n’est pas simplement le propriétaire qui conduit les curieux venus de tous les coins du monde, il est aussi le gardien spirituel et l’hiérophante de cette utopie de pierre. Il me conduit dans ce « voyage » réel et secret à la fois : « Pour Buzzi, La Scarzuola répondait à la nécessité de créer un cocon ; un endroit où il lui était possible de cultiver sa propre intériorité, loin du chaos du monde extérieur. Il voulait “pétrifier” certains enseignements spirituels universels afin de les “préserver” pour l’avenir : la culture classique grecque et romaine, mais aussi l’alchimie, l’hermétisme et les enseignements secrets des francs-maçons. »
En suivant Marco le long d’un chemin ombragé, j’entre à l’intérieur de la citadelle. J’ai du mal à y croire : devant mes yeux s’ouvre en effet le spectacle d’une véritable ville en miniature pleine de références à une multitude d’époques, de civilisations et de traditions spirituelles. Au sommet de cet ensemble, je vois un groupe compact et élevé d’édifices rappelant l’Acropole d’Athènes et le Parthénon : les emblèmes de la connaissance sacrée des philosophes anciens. Plus en bas, je retrouve la Rome ancienne sous la forme d’un grand amphithéâtre en plein air, constellé d’images du soleil et de la lune, symboles du masculin et du féminin, ainsi que les marques alchimiques du « soufre solaire » et du « mercure lunaire ».
Un itinéraire de transmutation alchimique
En poursuivant le chemin à travers ce labyrinthe de symboles, je découvre que La Scarzuola est un gigantesque « dispositif de transmutation alchimique » à ciel ouvert. À l’instar des anciens cultes mystériques de l’Antiquité, nous est montré ici le chemin pénible emprunté par l’homme pour se libérer des aspects les plus lourds et sombres de sa personne, les métamorphoser et parvenir ainsi à la réalisation de la mystérieuse « pierre philosophale ». Il s’agit d’un itinéraire dangereux et solitaire, accompli à travers l’expérience d’une « mort » et d’une « renaissance » initiatiques : celle qui, en argot hermétique, se réfère à « l’œuvre au noir », prélude nécessaire pour celles « au blanc » et « au rouge », emblèmes de la condition immortelle atteinte par les alchimistes.
Marco me demande de poursuivre seul. À ma gauche, je croise la statue géante d’une femme nue : immenses sont ses formes sinueuses, immense est son sexe. Elle est la « Grande Mère », la « matière première », le principe indifférencié à l’origine de toute génération, de la mort et la vie à la fois. Ce n’est pas un hasard qu’elle soit ici.
Juste à ses côtés, j’entrevois une pente longue et raide qui m’amène devant un grand monstre marin en pierre, à l’expression farouche et aux mâchoires grandes ouvertes. Pour continuer, il faut obligatoirement passer par là, se laisser dévorer, mourir pour renaître ensuite comme un initié prédestiné à un destin différent de celui des mortels. Avalé et anéanti par le monstre, le visiteur est livré ensuite aux pieds d’une grande tour : elle est brisée, copie parfaite de celle des Tarots. C’est la « tour du désespoir », de la solitude et des ténèbres. En son intérieur, l’homme touche son propre fond. Ici, l’ancien alchimiste Basile Valentin me répéterait sa maxime : « Visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant tu trouveras la Pierre cachée »… (...)
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Martino Nicoletti (Doctorat en ethnologie et PhD en art) est écrivain et anthropologue. Créateur de la méthode de travail psycho-physique de Conscience corporelle dynamique, il organise régulièrement des retraites consacrées au développement personnel et au masculin sacré en France, Italie et Asie.
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À
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dans
Inexploré n°44
Miracles ! Ces éveils qui guérissent...
Rémissions impossibles ou guérisons spectaculaires. Nous en avons tous entendu parler, certains d’entre nous ont pu en être témoins, quelques autres, plus rares, en ont vécu. Les miracles mettent à rude épreuve les pronostics médicaux, et notre rapport à l’invisible. Quels peuvent être les mécanismes de telles manifestations ? Peut-on trouver des similitudes avec la transe chamanique, dont on commence à reconnaître scientifiquement les effets bénéfiques sur notre santé ?
Car au-delà de la croyance, au-delà de la connaissance, il s’agit peut-être d’avoir à nouveau confiance dans une dimension spirituelle à la fois intime, et plus grande que nous.
La Rédaction explore ces questions dans le nouvel Inexploré n°44, avec en tête l’idée que l’inexplicable bouleverse bel et bien notre vision du monde…
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