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Christophe
Fauré
:
un
psychiatre
qui
fait
du
bien

Rencontre avec un médecin que la mort interpelle depuis l’enfance, et qui aujourd’hui accompagne, aide, et conseille les personnes en deuil.
Christophe Fauré : un psychiatre qui fait du bien
Fin de vie

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous spécialiser sur l’accompagnement et le moment de la mort ?


Dans les années 1980, j’étais étudiant à la faculté Necker, et je faisais mes stages d’externe dans différents hôpitaux périphériques, dont l’Institut Pasteur qui comprenait à l’époque une partie hospitalière, avec un service de maladies infectieuses. Il se trouve que c’était le début de l’épidémie du sida. Il n’y avait pas encore l’AZT ni aucun traitement, et les gens atteints mouraient quasiment tous. Beaucoup étaient jeunes. J’ai pris cela de plein fouet. C’était une expérience directe, immédiate. Pendant dix ans, j’ai participé bénévolement à l’association AIDES, et en parallèle, j’ai passé mon internat en psychiatrie. Mais mon intérêt allait déjà à l’interaction entre psychologique, maladie grave et fin de vie. Je sentais aussi que j’étais très touché par tous ces morts, que j’avais besoin de plus d’assise. Je suis donc allé à l’unité de soins palliatifs de Paul Brousse trouver Michèle Salamagne qui est l’une des pionnières des soins palliatifs en France. Elle m’a accueilli chaleureusement et m’a beaucoup encouragé. Petit à petit, je suis devenu l’un des soignants de l’équipe. Par la suite, nous avons monté le premier groupe de parole pour personnes en deuil. Voici donc mon parcours : très tôt, la mort (rires).


Vous avez lu aussi Raymond Moody, auteur de La Vie après la vie, Elisabeth Kübler-Ross (pionnière dans les soins palliatifs), quand vous aviez treize ans… Curieuses lectures pour un adolescent !


Ça m’est tombé dessus. J’ai d’abord lu Moody, qui parlait de Kübler-Ross et son nom m’est resté ! À l’époque, il n’y avait pas Internet. Mais il semble qu’il y avait quelque chose d’écrit, de programmé autour de cela. C’est devenu mon axe de vie. Hasard ? Synchronicité ? Je ne sais pas pourquoi… mais en tout cas, ça s’est passé comme ça.

Bio express
Psychiatre et auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le deuil et la perte. Le cœur de son travail se fonde sur la conviction que chacun d’entre nous porte en lui d’insoupçonnables ressources pour se libérer de l’étau de la peine et parvenir à l’apaisement.


Comment définiriez-vous l’approche psychiatrique de la fin de vie telle que vous l’avez développée ?


On essaie d’abord d’isoler des manifestations psychiatriques secondaires à la maladie. Par exemple, chez une personne atteinte d’un cancer des os, le rejet de calcium dans le sang va occasionner de l’hypercalcémie ; l’un des symptômes de cette hypercalcémie peut être l’apparition d’un délire à tonalité paranoïaque. Je me souviens d’un monsieur souffrant d’un cancer de la prostate métastasé aux os, qui avait l’impression que l’hôpital était une prison, que les infirmières étaient des tortionnaires, que sa chambre était une cellule, et qu’il était menacé de mort à chaque instant. Un traitement neuroleptique ponctuel a permis de l’apaiser. Une personne souffrant d’un œdème cérébral peut connaître un virage maniaque, mélancolique, ou une dépression profonde, en raison de fortes doses de corticoïdes. Il nous faut vraiment examiner, en fonction des pathologies et des traitements donnés, si ce qui s’exprime au niveau psychique est en lien avec une vie psychique, ou est de l’ordre du médical.


Mais n’y a-t-il pas des cas où le désarroi est uniquement dû à des causes psychiques ?


C’est le deuxième axe de notre approche : des personnes qui n’avaient absolument aucun antécédent psychiatrique vont développer des attaques de panique, des syndromes confusionnels, à cause de l’énormité de ce qui se passe en elles – la confrontation avec leur propre finitude, la perte de contrôle sur les choses de leur vie… Les gens décrochent psychiquement et rentrent dans ce qu’on appelle la confusion mentale. Ils perdent complètement tous leurs repères, ne reconnaissent plus leurs proches, ne savent plus distinguer le jour et la nuit. C’est extrêmement anxiogène, tant pour eux que pour leurs proches. Elisabeth Kübler-Ross a bien décrit ce mouvement dépressif de la vie. Mais certaines dépressions majeures paralysent totalement la capacité à être en relation avec ses proches. On n’est plus dans un vécu dépressif normal de la fin de vie, mais dans une dépression clinique. On essaie alors, avec des moyens médicaux et des moyens psychologiques, d’aider la personne.


Y a-t-il une démarche particulière avec les gens qui ont des antécédents psychiatriques ?


Chez eux, la maladie peut parfois faire office de caisse de résonance à des difficultés déjà existantes. Cela se traduit soit à un niveau personnel, par une rigidification de traits anxieux, dépressifs, névrotiques ; soit par une exaspération des conflits avec les proches et une ouverture brutale de failles, liées à des non-dits. L’inverse est possible également : on voit des personnes qui avaient des troubles de la personnalité, des traits psychologiques marqués ou des pathologies psychiatriques, s’apaiser. C’est assez rare et étonnant. J’ai vu deux, trois personnes schizophrènes qui, à quelques semaines à peine de leur décès, s’apaisaient dans le vécu de leur psychose et développaient une espèce d’ancrage dans le réel. D’autres étaient présentes à elles-mêmes et à leurs proches, alors qu’elles avaient eu toute leur vie une pathologie psychiatrique. La maladie est un tel rappel au présent, au réel – la dégradation qu’elle cause, la douleur physique – qu’elle pourrait ancrer de nouveau la personne dans sa réalité. Comme si la crudité du réel était beaucoup plus forte que le mécanisme psychique de la psychose. C’est une piste d’explication. (...)

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auteur

  • Stéphane Allix

    Journaliste et écrivain
    Écrivain et réalisateur, Stéphane Allix est devenu journaliste en rejoignant clandestinement, à 19 ans, en 1988, les résistants afghans en lutte contre l’occupant soviétique. Durant les années 90, il a voyagé à travers le monde, couvert plusieurs guerres, réalisé des films, et écrit plusieurs livres. Depuis 2003, il est engagé dans l’étude et la recherche sur les conséquences de la révolution scientifique en cours, avec une approche comparée de disciplines telles que la psychia ...
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