Les chamanes ont développé depuis des millénaires des pratiques thérapeutiques qui interpellent de plus en plus la médecine occidentale
et notamment la psychiatrie. Dans un dialogue plein d'humour, un chamane et un psychiatre atypique comparent leur vision du monde et leurs techniques de soins.
Santé corps-esprit
Mama Editions
Laurent : Avant de me présenter, je vais rebondir sur tes paroles,
Olivier… Tout à l’heure, tu as parlé d’Internet et de la
manière dont cet outil change notre manière de travailler, de
nous informer, de communiquer, etc. J’utilise parfois Internet
comme métaphore auprès des personnes qui viennent me voir
pour leur expliquer le fonctionnement du chamanisme. Cela
me permet d’expliquer ce que sont les autres mondes, parce
que la réalité invisible dans laquelle voyagent les chamanes a
beaucoup de points communs avec Internet : c’est une réalité
dans laquelle sont « stockées » toutes les informations possibles
et imaginables – et même au-delà –, et ce que nous faisons, ce
que font les chamanes, c’est d’aller chercher ces informations.
Un chamane fonctionne comme un programme de navigation
sur Internet, comme Internet Explorer, si tu veux. Il peut par
exemple passer d’un ordinateur à un autre, c’est-à-dire d’une
personne à une autre, et naviguer dans le réseau.
Donc un chamane voyage dans l’autre réalité et revient ensuite
« chez lui », dans son corps. D’où cette métaphore informatique
que j’utilise assez souvent, et cela même si c’est, comment dire ?…
moderne. D’ailleurs, je pense que le développement d’Internet a
commencé au même moment que le (re)développement du chamanisme
en Occident. La révolution informatique, les substances
psychédéliques, l’écologie et les diverses approches spirituelles qui ont pris de l’ampleur dans nos pays, tout cela nous vient
directement de la deuxième moitié du xxe siècle.
Olivier : Entièrement d’accord avec toi. Les médecins holistiques
dont je parle fonctionnent un peu de cette manière aussi. En
effet, nous sommes comme interconnectés entre nous, les autres
et notre environnement, ce qui forme un réseau d’informations
similaire à Internet.
Laurent : Cette allégorie informatique est très utile, même si
elle n’est pas très poétique...
Olivier : Moi, j’aime bien.
Laurent : Donc les chamanes voyagent dans une toile, dans un
réseau, et accèdent à de l’information, comme dans le Web 1. Mais
ce n’est pas quelque chose de virtuel : c’est une facette invisible
de la réalité dans laquelle nous vivons et dans laquelle tout est
relié. Nous pouvons l’appeler le « psychocosmos », l’« inconscient
collectif », l’« au-delà », la « réalité non ordinaire » ou tout
simplement l’« autre monde ». Peu importent les mots. Les chamanes
sont des spécialistes du « surf » dans cette facette invisible
de la réalité : ils partent en quête d’informations, d’énergies de
guérison, etc. Et, dans cette quête, les esprits qui habitent l’autre
monde guident les chamanes, ils leur montrent le chemin. Un peu
comme Google. Les chamanes posent une question, et cette question
va déterminer l’issue de leur quête dans l’autre monde.
Lorsque le chamane « surfe » dans l’autre monde, il n’y a pas
de temps ni d’espace, il a accès au passé, il a accès aux futurs
potentiels – et je dis bien « potentiels » –, et tout cela est regroupé
sous un terme technique : le voyage chamanique. Le voyage chamanique,
c’est le surf des chamanes dans l’autre monde.
Olivier : Ce que tu dis me fait penser aux travaux de la physique
quantique, avec cette conception verticale du temps qui
n’est pas disposé dans un ordre classique de passé-présent-futur,
mais comme coexistant en même temps, dans l’instant présent,
avec un accès possible au monde à venir ou au passé.
Laurent : Exactement ! Cette découverte-là, les chamanes l’ont faite il y a bien longtemps. Dans le fond, ce n’est pas quelque
chose de nouveau.
Olivier : Juste un truc pour rebondir sur cette métaphore : je la
trouve géniale, et en plus ça parle beaucoup au monde moderne
de décrire le chamane de cette manière. Est-ce que tu peux
développer tes propos quand tu dis que le chamane est comme
un programme de navigation ? Il a aussi la capacité d’aller dans
d’autres réseaux, ordinateurs, etc. À la limite, le chamane pourrait
même être considéré comme une sorte de hacker ou un pirate
informatique soignant.
Laurent : Effectivement, les chamanes agissent dans l’autre
monde, mais ils essayent – et je dis bien « essayent » – d’agir
constructivement. C’est une problématique fondamentale. Étant
donné que nous avons accès à ce réseau universel, jusqu’à quel
point interférons-nous avec le flux naturel des choses ? Quand
sommes-nous en harmonie avec ce flux ? Sommes-nous plutôt des
« antivirus » avec une approche constructive, ou des hackers, des
personnes en quête de pouvoir, des sorciers ? C’est la question
éthique qui est centrale dans la pratique.
Dans certains peuples chamaniques traditionnels, il y a tout un
« champ de bataille chamanique » dans lequel les chamanes ne se
font pas de cadeaux entre eux. C’est une approche de chasseurs,
de guerriers. Ils se lancent des objets chamaniques invisibles avec
des buts parfois douteux. Ça s’appelle de la magie noire ou de
la sorcellerie… et c’est vieux comme le monde. Dans ce cas-là,
on peut parler de « piratage » : les sorciers, ce sont des pirates
chamaniques qui utilisent toutes sortes de projectiles, d’objets
chamaniques pour mener leurs guerres dans l’invisible. Mais ces
objets peuvent simplement être des pensées négatives : jalousie,
envie, etc.
Olivier : Toujours dans le cadre de notre métaphore, peut-on
comparer ces objets à des virus informatiques ?
Laurent : Effectivement, ces objets sont comparables à des
virus. En fait, un chamane efficace sait se protéger…
Olivier : … il a un bon firewall (pare-feu).
Laurent : Oui, et ça peut être une protection qui se situe au
niveau spirituel, comme des esprits protecteurs, ou qui prend
la forme d’objets chamaniques particuliers, comme par exemple
les costumes – ce sont presque des armures ! – des chamanes
sibériens.
Un chamane qui travaille pour le bien de sa communauté, dans
une démarche constructive, est, d’une certaine manière, un bon
antivirus. C’est pour cela que nous faisons des extractions chamaniques,
que nous faisons sortir des esprits, des souvenirs, des
traumatismes qui parasitent le fonctionnement de la personne.
Ensuite, ce qu’il est fondamental de comprendre, c’est que
l’accès à l’autre monde se fait par l’intermédiaire d’une carte.
Dans les cultures traditionnelles, chaque culture, et même parfois
chaque chamane, a sa carte de l’autre monde. La cartographie
est très souvent déterminée par la culture et par des siècles
d’expérimentation chamanique. C’est d’ailleurs pour cela que
certaines personnes ont des difficultés à accepter qu’il y ait des
chamanes en Occident. C’est que, traditionnellement, il y a une
carte de l’autre monde qui est déterminée par l’environnement
culturel. Dans nos cultures, nous avons oublié ces cartes, pour
diverses raisons culturelles, religieuses, idéologiques, etc. Mais
libre à nous d’en créer de nouvelles.
En Amazonie, ce ne sera pas la même carte qu’au Mexique ou
en Sibérie : pour chaque peuple c’est différent, et pour chaque
chamane c’est différent. On pourrait presque dire qu’il y a sept
milliards de chamanes sur Terre, parce qu’il y a sept milliards
d’individus avec des conceptions différentes. Mais, ce qu’il y a
derrière la carte, c’est-à-dire l’autre monde, dans son essence,
c’est la même chose pour tous.
Donc les chamanes voyagent dans l’autre monde, mais leur
perception en est différente, et c’est pour cela qu’il est important
de ne pas entrer dans des comparaisons superficielles et de dire
que telle culture est meilleure « chamaniquement parlant » qu’une
autre. C’est simplement une question de cartographie de l’autre monde. Dans certaines cultures, les cartes sont clairement définies
par les anciens chamanes qui les transmettent aux novices, alors
que dans d’autres cultures, comme dans nos cultures modernes,
il est important de laisser chacun créer sa propre carte. Mais les
techniques chamaniques et l’autre monde sont les mêmes pour
tout le monde. Sauf que j’ai mes croyances, j’ai mes esprits et j’ai
ma manière de travailler qui ne sont pas forcément ceux d’un
autre chamane.
Olivier : C’est très intéressant parce que ce dialogue retombe
sur le principe de la psychothérapie, qui ne cherche pas à imposer
un système théorique au patient, mais cherche plutôt à lui faire
découvrir sa propre vérité. Le psychothérapeute cherche à lui
faire découvrir sa propre cartographie et son monde intérieur et
la manière dont il fonctionne. Ça, c’est également quelque chose
d’important pour les thérapeutes occidentaux. Je crois qu’il est
fondamental que les formations inspirées par le chamanisme en
Occident respectent pleinement l’individualité et la créativité des
« étudiants chamanes », et les laissent découvrir par eux-mêmes
leur propre cosmologie et leurs propres instruments de travail
avec l’invisible.
Si l’on vous demande si vous avez une tête,
vous répondez : « Évidemment. Je la vois
dans le miroir, je la touche de ma main, je
vois celle des autres. » Pourtant, c’est à
cette exploration qu’invite le philosophe
anglais Douglas Harding.
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