Alors qu’il vivait en ermite depuis plusieurs mois dans la solitude sibérienne, Sylvain Tesson a été le témoin stupéfait de la rencontre entre deux mondes…
Nature
Thomas Goisque
« Un jour, l’homme pénètre dans les bois. Les dieux se retirent. » L’écrivain et géographe Sylvain Tesson vient de nous offrir un de ses livres les plus intimes, les plus poétiques, et les plus sincères. Dans les forêts de Sibérie raconte en effet l’isolement volontaire de l’auteur, six mois durant, dans une petite cabane perdue sur les bords du lac Baïkal.
Pourquoi ? Pourquoi partir ? La solitude est un sujet cher à ce voyageur intrigant qui cite Walt Whitman : « Je n’ai rien à voir avec ce système, pas même assez pour m’y opposer. » Alors il s’isole. Trouve un abri sibérien, s’y fait déposer en plein hiver avec de quoi survivre plusieurs mois, et s’installe en marge de notre temps. « Entre l’envie et le regret, il y a un point qui s’appelle le présent. »
Son livre, salué par un prix Médicis ô combien mérité, est déstabilisant. Parce qu’il touche au cœur le furieux désir nomade tapi en chacun de nous – fuir ce monde en train de devenir fou. Mais lorsque l’on est seul, on reste accompagné de soi-même, et la crainte est là, au fil des mots déposés par l’auteur – le risque dit-il – « de croiser sa conscience faisant les cent pas sur la grève ».
C’est un matin de début mars que le mystère fait violemment irruption dans l’univers habilement sous contrôle de l’écrivain. Aujourd’hui encore, il confie être certain d’avoir fait une « rencontre » parfaitement réelle, sans y trouver encore la moindre explication rationnelle : « Comme tous les matins, lorsque le poêle chauffe, je vais au trou d’eau creusé à trente mètres du rivage. Pendant la nuit, la couche de glace se reforme et je dois la casser pour puiser. Je reste un moment là, debout, à regarder la taïga. Soudain une main blanche (ces eaux ont avalé tant de noyés) jaillit par le trou pour m’agripper la cheville. L’hallucination est fulgurante, j’ai un mouvement de recul et lâche le pic à glace. Mon cœur cogne. Les eaux dormantes sont maléfiques. Les lacs exhalent une atmosphère mélancolique parce que les esprits y maraudent en vase clos, ruminant leur chagrin. Les lacs sont caveaux. La vase y diffuse une odeur délétère, la végétation y plaque de sombres reflets. En mer, le ressac, les ultraviolets et le sel dissolvent tout mystère et la clarté l’emporte. Que s’est-il passé dans cette baie ? Y a-t-il eu un naufrage, un règlement de comptes ? Je n’ai pas l’intention de cohabiter six mois avec une âme en peine. J’ai assez de la mienne. Je rentre dans la chaleur de la cabane, avec mes deux seaux à la main. Par la fenêtre, le trou à glace fait une tâche noire sur la nappe livide : un chas dangereux qui fait communiquer les mondes ».
À
propos
auteur
Stéphane Allix
Journaliste et écrivain
Écrivain et réalisateur, Stéphane Allix est devenu journaliste en rejoignant clandestinement, à 19 ans, en 1988, les résistants afghans en lutte contre l’occupant soviétique. Durant les années 90, il a voyagé à travers le monde, couvert plusieurs guerres, réalisé des films, et écrit plusieurs livres.
Depuis 2003, il est engagé dans l’étude et la recherche sur les conséquences de la révolution scientifique en cours, avec une approche comparée de disciplines telles que la psychiatrie, la physique ...
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