Figure aujourd’hui louée pour son sens du compromis et son leadership politique, Catherine de Médicis n’en reste pas moins associée à moult épisodes étranges, qui ont émaillé sa présence au sommet du régime. Son goût pour la magie et l’occultisme est en tout cas largement avéré.
Les historiens ont longtemps dépeint Catherine de Médicis comme une intrigante despotique, voire machiavélique. Ce n’est que dans la seconde moitié du XXe siècle qu’elle fut réhabilitée comme ayant apporté beaucoup à la France, son pays d’adoption, sur le plan politique mais aussi artistique et culturel. Sa responsabilité dans le massacre de la Saint-Barthélemy continue à ternir son image, et on sait aussi qu’elle s’entoura de nombreux devins et astrologues, dont les fameux Nostradamus et Côme Ruggieri.
Reine de France destinée à procréer
Née à Florence en 1519, elle se retrouve orpheline quelques jours après sa naissance. Prise en charge par sa grand-mère, elle devient l’héritière de la fortune des Médicis et bénéficie de la protection de deux papes, Léon X, son oncle, puis Clément VII, son cousin. Elle est pourtant prise en otage à l’âge de dix ans par les républicains florentins, qui se révoltent contre les Médicis et menacent de la violer et de la tuer. Elle sera éduquée au Vatican près de Clément VII et quittera l’Italie à l’âge de quatorze ans pour être mariée au fils
cadet de François Ier, Henri, duc d’Orléans, qui a le même âge qu’elle et n’est pas destiné à régner. Même une fois le mariage consommé, Henri lui préfère sa maîtresse de vingt ans plus âgée, Diane de Poitiers. Mais Henri devient l’héritier du trône quand son frère le dauphin François meurt prématurément, en 1536. Catherine craint d’être répudiée, car les époux ne parviennent pas à avoir de descendance. Son premier enfant François naît cependant après dix ans d’union. Il sera suivi par neuf autres enfants, dont trois mourront en bas âge ou à la naissance. Henri d’Orléans monte sur le trône sous le nom d’Henri II le 31 mars 1547, à la mort de son père, et Catherine est sacrée reine de France le 10 juin 1549, avec pour rôle de procréer… Dix ans plus tard, à l’occasion de festivités organisées pour les noces de sa fille Élisabeth (avec Philippe II d’Espagne), Henri II est victime d’un accident lors d’un tournoi de joute et meurt après dix jours d’agonie. On dit que cet accident fut prédit par Nostradamus, mais à l’époque, le quatrain abscons de l’astrologue n’est pas rapproché de l’événement. En revanche, l’astrologue italien Luca Gaurico (Gauric) aurait prédit ce destin funeste au couple royal dès 1552.
Un étrange coffret
Catherine se serait fait confirmer la prédiction par deux autres astrologues, Jérôme Cardan et Gabriel Simeoni. Gauric aurait fait une autre prédiction célèbre à propos de la mort de la reine. Une quinzaine d’années avant ce décès en 1589, il lui fut prédit qu’elle mourrait « près de Saint-Germain ». Elle se tenait donc systématiquement éloignée de tout lieu portant ce nom et fit également interrompre la construction du Palais des Tuileries qui dépendait de la paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois pour s’installer en 1572 dans l’hôtel de la Reine, qui deviendra l’hôtel de Soissons (situé dans le quartier des Halles à Paris, puis détruit au XVIIIe siècle). Mais lorsque sur son lit de mort elle demanda le nom de son confesseur, celui-ci lui répondit s’appeler Julien de Saint-Germain ! D’autres anecdotes entourent sa mort puisqu’on raconte qu’elle légua à Henri Ier de Mesmes un coffret avec l’étrange consigne de ne jamais l’ouvrir. Ses héritiers n’ont rompu la promesse que 107 ans plus tard, pour y découvrir un médaillon ovale gravé de signes ésotériques. Selon des recherches effectuées par Jacques Mandorla, il s’agissait en fait d’un talisman qui représentait notamment la reine faisant offrande au démon. Dans un ouvrage ancien d’un dénommé Henri Estienne, on lit :
« Cette Princesse portait toujours sur elle ce talisman. Il était de la façon et de la fabrique du sieur Régnier, fameux mathématicien qui passait pour magicien et en qui elle avait beaucoup de confiance. On prétend que la vertu de cet objet était pour gouverner souverainement et connaître l’avenir, et qu’il était composé de sang humain, de sang de bouc et de plusieurs sortes de métaux fondus ensemble sous quelques constellations particulières, qui avaient rapport à la nativité de cette Princesse. »
Toutes les Cours entretenaient vers cette époque quelques cabalistes, alchimistes ou géomanciens.
Quand parle le miroir magique
Sur ce talisman, on voit la reine consulter un miroir magique, une pratique connue depuis l’Antiquité pour lire l’avenir ou communiquer avec les morts. Dans une scène se déroulant au château de Chaumont-sur-Loire, Catherine de Médicis aurait consulté Côme Ruggieri, qui lui aurait prédit la fin de la dynastie des Valois au profit des Bourbons. Il aurait fait apparaître dans un miroir les visages des trois fils de la reine qui seraient appelés à régner, chaque visage effectuant autant de rotations que d’années de règne. Le fils aîné François II ne fit qu’un tour et disparut (il régna en effet de juillet 1559 à décembre 1560) ; le second fils, Charles IX fit treize tours (il devint roi en 1560 à l’âge de 10 ans et régna jusqu’à sa mort en mai 1574) ; puis Henri III apparaît et effectue quinze rotations (il hérita du trône en 1574 et mourut assassiné en août 1589 ; le trône reviendra à Henri de Bourbon). Belle légende ou prédiction extraordinairement précise ? Les historiens penchent bien sûr pour la première version. Toujours est-il que l’astrologue disposait bien d’une chambre à son nom à Chaumont. On trouve un compte rendu de cette session dans un document historique de 1928 qui fait une synthèse de « l’occultisme de Catherine de Médicis ». Il est dû à un auteur de la Société d’émulation de l’Ain, fondée en 1755 et première ancêtre des « sociétés savantes ». Le récit s’appuie sur les travaux antérieurs d’historiens qui ont largement été relativisés depuis, car suspectés d’avoir tendance à « noircir le tableau ». On peut cependant supposer un penchant inverse chez les historiens contemporains qui ont souhaité redorer le blason de la reine, car la légende noire contient certainement une part de vérité. (...)