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Une
vision
universelle

Fascinée par l’art aborigène d’Australie, la peintre Virginie Gosselin-Février s’en inspire, peignant des toiles aux mille points. Ressemblance avec les cellules du corps ou les planètes, ou encore l’hermétisme. Et si les toiles connectaient l’artiste à une connaissance de l’univers ?
Une vision universelle
Inspirations
Après un début de parcours professionnel dans la presse, Virginie Gosselin-Février ressent l’appel de l’art, qui lui « intime » de s’exprimer. Cette passion n’est pas nouvelle, car elle a suivi un cursus universitaire en histoire de l’art, arts plastiques et communication, dans le but de faire du journalisme. « Étudier les oeuvres m’a sauvé la vie. À l’adolescence, quand j’ai découvert les artistes et le monde de la création, je me suis sentie beaucoup moins seule dans mes univers intérieurs. L’art a donc toujours été là, mais je ne me sentais pas moi-même artiste », raconte-t-elle. Après un premier voyage en Australie, elle se découvre fascinée par la culture aborigène. Des années plus tard, au retour d’un énième séjour, l’appel se fait plus pressant. « En 2012, j’ai eu envie d’avoir une toile aborigène chez moi, mais comme je n’en avais pas les moyens, j’ai décidé de la faire moi-même sur des supports en carton en faisant des petits points… Bien sûr, c’était assez médiocre, mais j’étais fière de me lancer et c’est très vite devenu dévorant. J’ai quitté Paris pour avoir un atelier et je me suis demandé si je voulais vraiment devenir peintre. Pourquoi pas ? »


Conception vibratoire et holistique du monde


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Oeuvre : ©Virginie Gosselin-Février / Photographie : ©Lionel Pesqué

L’origine du « pointillisme » de la peinture aborigène est surprenante. Les experts expliquent qu’il vient des débuts du mouvement, contemporain des années 1970. Les peuples du désert ont été parqués pendant une vingtaine d’années dans un « camp de sédentarisation ». Privés de leur territoire et surtout de leurs lieux sacrés, les Aborigènes ont accepté, à la demande de quelques Occidentaux bienveillants, de tracer leurs motifs sacrés et secrets sur des matériaux pérennes et transportables. Mais comme ces représentations allaient leur échapper, les premiers peintres ont « noyé » leurs motifs dans les points pour les rendre moins perceptibles. En apprenant à ne montrer que la partie profane de leur dreaming, ils furent progressivement plus à l’aise et gardèrent le pointillisme, dont l’aspect hypnotique leur plaisait. En effet, il correspondait à leur conception vibratoire et holistique du monde.

« Bien sûr, il n’était pas question pour moi de vouloir faire de l’art aborigène, précise Virginie. Je suis autodidacte et en plus, c’est un art sacré fait par des initiés. Mais j’étais irrésistiblement attirée par cette forme et, à force de travailler dessus pendant plusieurs années, je me suis améliorée. Quand j’ai franchi le pas et me suis déclarée comme professionnelle, je suis entrée dans une espèce d’injonction qui a un peu cassé mon innocence du départ. »


Spontanéité et naïveté


Il est bien connu que les peintres s’expriment par leurs oeuvres et rechignent à donner des « explications », à intellectualiser leur art. Mais cette innocence, cette spontanéité, Virginie la retrouvait dans les dessins d’enfants. « Il y a parfois une perfection dans les dessins d’enfants, observe-t-elle. J’ai même retrouvé un de mes dessins, fait vers l’âge de quatre ans, et il y avait quelque chose de fort dans les formes, dans les choix de couleurs, une espèce de savoir intuitif des équilibres, des couleurs complémentaires… J’ai essayé de retrouver cette forme d’inspiration naturelle, mais c’était quasi impossible. » Elle décide alors de se nourrir d’un état de réceptivité, sans volonté. « Mon cadre, c’est juste la toile, la structure et les couleurs. À l’intérieur de ce cadre, tout peut arriver et j’ai toujours été surprise par ce que je faisais. »

La spontanéité et la « naïveté » des dessins d’enfants, comme de l’art des peuples racines, proviennent vraisemblablement d’une connexion naturelle à l’inconscient, à la fois individuel et collectif. La raison est mise de côté et la conscientisation s’effectue a posteriori. « Au cours d’une période où j’étais constamment dans la peinture, où j’en rêvais la nuit, je me suis rendu compte de tout ce qui venait à moi en rêve, en particulier des titres de toiles. Tout ce qui me traversait finissait par prendre du sens au moment de la création, mais pour ainsi dire à mon insu. Parfois, je comprends la toile longtemps après. Parfois, c’est un regard extérieur qui me dévoile une signification qui m’avait échappé. »


En quête de transmutation


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Oeuvre : ©Virginie Gosselin-Février / Photographie : ©Lionel Pesqué

Quand elle a commencé à peindre, Virginie Gosselin- Février était obsédée par le mot « transmutation ». Elle retrouvera le concept dans des textes hermétiques comme le Kybalion. Par exemple dans cet extrait : « Le principe de vibration implique la vérité que le mouvement se manifeste partout dans l’univers, que rien n’est à l’état de repos, que tout remue, vibre et tourne en rond. Les différences existantes entre les diverses manifestations de la matière, l’énergie, l’âme et même l’esprit, sont la conséquence d’une proportion inégale de vibrations. » Elle précise alors : « La peinture est devenue l’outil, le médium, me permettant non seulement de transmuter les ombres et les tempêtes qui me traversaient, ainsi que ce sentiment d’impuissance face à un monde qui me désolait, de retrouver ma souveraineté intérieure et, surtout, de cultiver et prendre soin de cette parcelle d’innocence qui selon moi détient en elle la force vitale, le mouvement créateur, donc agissant au sens noble du terme. »

L’artiste n’est-il pas aussi juste que lorsqu’il se laisse traverser par cette force vitale ? Car alors des choses étranges se passent. En travaillant sur une toile dont la base était un collage de journaux trouvés dans la rue, Virginie peint par-dessus, ajoute des couches, puis passe la toile sous la douche (!), mais elle reste « un peu trop jolie » et «il ne se passe rien ». Alors elle gratte pour « amener l’accident » ; elle « agresse » la toile pour que quelque chose se révèle. L’accident finit par amener quelque chose de vivant, mais la toile reste inachevée, retournée dans l’atelier. Quand elle la reprend deux mois plus tard et la termine, elle découvre qu’une partie frottée, grattée, a révélé les lettres d’imprimerie du journal qui se trouve dessous, laissant apparaître le mot « Angélite ». Elle apprend qu’il s’agit du nom d’un minéral dont la symbolique correspond parfaitement non seulement à la toile terminée, mais aussi à la période qu’elle est en train de vivre.


Des structures microbiologiques ?


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Photographie : ©Lionel Pesqué

Autre exemple de la dimension « magique » de l’inspiration : en travaillant sur des petits galets qu’elle orne de motifs circulaires, pointillés et colorés, Virginie y voit un monde de cellules, un monde organique qui va de l’infiniment petit au gigantisme des planètes. Le même type de motifs constitue certaines de ses toiles. Anecdotique ? Pourtant, lors d’une exposition, une biologiste vient à sa rencontre et lui dit reconnaître des structures cellulaires, microbiologiques. Valérie Mils est en effet spécialiste de physiologie digestive et enseignante à l’université Jean Jaurès de Toulouse, également passionnée d’art. « Ces motifs m’ont immédiatement fait penser à des structures cellulaires et certaines en particulier m’ont évoqué des phages (ou bactériophages, virus de bactéries) , explique-t-elle. Ils ressemblent à une espèce de vaisseau Spoutnik avec une capsule très géométrique, un pied et une base comme une pince à sucre. D’autres structures de la peinture de Virginie m’évoquent des cellules eucaryotes (avec noyau), avec une membrane fluide et plein de petits points qui sont la façon dont on représente la tête des phospholipides de la membrane. On peut aussi voir dans ses toiles des motifs qui évoquent les organes intracellulaires comme les mitochondries, avec leurs replis intérieurs. »

Comme un écho direct à ces observations, une exposition itinérante en Australie a récemment montré l’étroite parenté qui existe entre l’art aborigène et des structures biologiques observées au microscope : structures cristallines, cellulaires, vaisseaux, fibres de collagène…
Ces ressemblances sont-elles étonnantes ? L’art aborigène, mais pas seulement lui, est un art visionnaire. « De tout temps, les artistes ont peint des visions ou des sentiments, quelque chose de transcendant. C’est pour cela qu’on les appelle des visionnaires », souligne Virginie Gosselin-Février. L’artiste vit des choses encore plus étranges. Non seulement des informations viennent dans ses rêves et constituent le point de départ d’une toile, mais il arrive que l’inspiration joue avec le temps. « Un jour, je reprends une toile que j’avais laissée de côté et je peins en écoutant une conférence sur la philosophie hermétique. Or, je m’aperçois que ce que j’ai peint un an avant correspond exactement à ce que je viens d’entendre et que c’est précisément cela qui donne le sens global à ma toile ! »

Appropriation culturelle
L’art aborigène n’est pas la seule source d’inspiration de Virginie Gosselin-Février, qui représente également des personnages évoquant l’art religieux chrétien orthodoxe. Aussi, lorsqu’on l’a accusée sur les réseaux sociaux « d’appropriation culturelle » parce que ses oeuvres reprennent des motifs circulaires et pointillistes, elle est tombée des nues. « J’ai reçu des menaces, des insultes, et même des sorts, de la part de gens qui sont des militants et ne sont pas forcément aborigènes eux-mêmes, explique-t-elle. Mon travail n’est pas de l’art aborigène, mais une forme d’hommage et surtout d’interprétation ; c’est un détournement assumé. L’art aborigène lui-même est sacré ; c’est leur Bible, l’histoire de la genèse de leur peuple et du monde. J’ai essayé de me justifier, mais j’ai compris rapidement que cette réaction venait de la grande souffrance attachée à l’histoire de ce peuple, avec un passé de pillages et de vol, y compris d’enfants. »


À
propos

auteur

  • Jocelin Morisson

    Journaliste, auteur et conférencier
    Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur, passionné par les liens entre science et spiritualité. Il collabore à l’Inrees et au magazine Inexploré, et a signé plusieurs ouvrages dont trois dans la collection Enquêtes Extraordinaires dirigée par Stéphane Allix aux éditions de La Martinière : Intuition et 6e sens ; La Voyance ; L’expérience de mort imminente. Il est également l’auteur d’un essai, L’Ultime Convergence, co-auteur avec Philippe Guillemant de La Physique de ...
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Et si nous étions tous des êtres inspirés ?
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