« Une personne pacifiée est un citoyen pacifiant ; un être humain ayant trouvé son élan de vie propre se met invariablement au service des autres », pose d’emblée Thomas D’Ansembourg. Pionnier en développement personnel, cet ancien avocat devenu psychothérapeute et formateur certifié en communication non-violente (CNV), développe la notion d’intériorité citoyenne, selon laquelle en apprenant à nous connaître en profondeur, nous pourrions devenir des citoyens créateurs et solidaires. Son credo : faire le lien de l’individuel au collectif, c’est-à-dire passer du développement personnel au développement social durable. Selon lui, faute de trouver à l’intérieur de nous un sens à notre existence, nous avons créé une société où tout le monde court « hors de soi ». Pour y remédier, Thomas d’Ansembourg propose de réconcilier ces deux notions, souvent antagonistes, l’intériorité, soit la sphère de l’intime, et l’engagement citoyen. Sa conviction qu’une intériorité apaisée féconderait un « mieux vivre ensemble », solidaire et créatif, s’appuie sur les neurosciences.
« De nombreuses études ont permis d’établir que l’enfant est naturellement empathique ; c’est le non-respect de notre nature qui peut générer de la frustration, et tôt ou tard de la violence. » Ainsi nous aurions un goût profond pour la convivialité, le partage, les rencontres ; la vraie jubilation est dans « l’être ensemble ». D’où l’importance de mieux connaître notre nature, de la fréquenter :
« Alors nous pouvons vivre selon ses lois et devenir contagieux », ajoute notre expert.
Toutefois, comment passer à l’action ? La notion d’apprentissage est au cœur du message de Thomas D’Ansembourg. Tout comme les maths, la conduite, ou le patinage artistique, l’intériorité citoyenne s’apprend. C’est une discipline qui demande de l’engagement au quotidien, en développant une écoute bienveillante, une communication non-violente et des valeurs de partage, auprès de son environnement immédiat, à savoir ses proches, sa voisine de palier, la caissière du supermarché… Alors le monde peut changer ! Comme nous invitait déjà Christiane Singer à nous considérer
« comme un point d’acupuncture, qui activé, contribuerait à guérir le corps entier ».
Agir avec courage et persévérance
Une infirmière australienne, nommée Bonnie Ware a interrogé des personnes en fin de vie sur leurs principaux regrets. Arrive en tête de liste le suivant :
« J’aurais aimé avoir le courage de vivre la vie que je voulais vraiment, pas celle que les autres attendaient de moi. » Un constat qui n’étonne pas le psychologue clinicien Denis Doucet :
« Dotés d’une fabuleuse capacité à nous adapter, nous avons tendance à nous sur-adapter », et à passer à côté de notre vie. Et c’est là que la notion de courage prend tous son sens !
« Nous en avons besoin pour relever le défi et vivre en cohérence avec qui nous sommes, tout comme d’audace et de persévérance pour braver les risques, résister à la pression, dépasser les doutes » relève Pierre Portevin, formateur et conférencier, qui accompagne les mutations de société. D’après lui, nous sous-estimons l’impact déterminant des états d’esprit que nous adoptons.
« Mettre l’accent sur la joie, le plaisir à se lancer dans l’aventure est primordial. C’est l’état d’esprit qui va nous donner la persévérance, c’est-à-dire le courage de poursuivre. »
Dotés d’une fabuleuse capacité à nous adapter, nous avons tendance à nous sur-adapter
Pour y parvenir, nous devons clarifier les motivations qui soutiennent ou freinent nos intentions, pour nos projets. Le conférencier fait une distinction, entre la motivation « intérieure », qui nous stimule par le plaisir qu’elle procure. Tandis qu’une motivation « extérieure » nous aiguillonne à atteindre un résultat, sous une pression externe de performance. Si les résultats escomptés ne se produisent pas, la motivation disparaît, et le découragement prend le dessus. Pour nous aider à ancrer de nouveaux comportements, Pierre Portevin suggère de changer notre regard sur la notion d’échec :
« Prendre le risque de se lancer c’est accepter les probables échecs de nos tentatives ». C’est une certitude, nous rencontrerons des obstacles, tout comme ceux que nous avons éprouvés pour parler, faire du vélo, devenir un musicien émérite… Pour mieux dépasser ces difficultés, notre expert préconise de
« récompenser les comportements que vous souhaitez répéter de manière régulière ». Des études montrent que notre cerveau humain nous conduit plus spontanément à rechercher des récompenses. Bien souvent, une nouvelle habitude ne porte ses fruits que dans l’avenir, alors choisissez de vous offrir souvent de petites gratifications.
Se réinventer grâce à l’intelligence collective
« La cohérence du groupe dans le milieu professionnel est liée à celle intérieure de chacun de nous », nous expose Laure Le Douarec, praticienne en intelligence collective et auteur du
Guide pratique de l’Intelligence Collective (Éd. Le Souffle d’or). Sa démarche auprès des grandes entreprises, pour accompagner les mutations, repose sur une première étape :
« Interagir avec aisance et efficacité, en partant de son intériorité est possible, et recommandé ! » C’est même la condition essentielle pour apporter sa pierre à l’édifice de l’ensemble. Alors que la pression croissante nous pousse bon gré, mal gré à nous sur-adapter, un puissant désir de travailler autrement émerge. Un double mouvement que nous explique notre spécialiste :
« Nous vivons actuellement dans une telle course contre le temps, que les dérapages et le manque de congruence avec nos valeurs sont inévitables ». Avec les problématiques en hausse aujourd’hui, souffrance au travail, burn out, perte de sens.
Comment s’émanciper des codes en vigueur ? Sa vision repose d’une part sur la mécanique quantique appliquée à l’humain :
« Comment en me changeant moi de façon même subtile, à l’intérieur, j’impacte autour de moi. » Concrètement, prendre des pauses régulières pour identifier et réactualiser ses besoins, son intention, est plus que nécessaire. Par ailleurs, nous devons explorer de nouvelles manières d’être au bureau, de nous réunir et de travailler, avec des cadres innovants pour explorer ensemble des espaces créatifs, et libérer un enthousiasme pérenne. Pour Laure Le Douarec,
En apprenant à nous connaître en profondeur, nous pourrions devenir des citoyens créateurs et solidaires.
« l’intelligence collective est au cœur du processus de changement ! Cette notion prend sa source dans l’intuition que tout est relié, appelé le principe d’interreliance ». En clair : aucun individu isolé n’a la réponse au problème du travail ; toute personne concernée a sa pierre à apporter. Ça repose sur la confiance d’un tout qui est supérieure à la somme des individualités. Enfin, la posture mentale est fondamentale.
« Se concentrer sur le positif est un puissant levier de changement », pointe notre experte. Ce n’est un secret pour personne, dans le milieu professionnel, nous sommes souvent concentrés sur ce qui bloque, tous ces aspects irritants qui ont pour effet incontournable de nourrir notre ressentiment. Sa proposition : en nous focalisant sur ce qui est bon, ce que nous apprécions, nous pouvons avancer avec plus de certitude vers notre potentiel maximum, et cela renforce notre plaisir et notre engagement.
Vers un comportement éco-responsable
La conviction des écopsychologues est que pour répondre en profondeur aux défis actuels, et œuvrer au changement de cap, une nouvelle alliance est nécessaire,
« cette fois entre l’écologie, dont le champ d’investigation s’étend à la terre, et la psychologie, qui s’attache à la connaissance de soi, et de son intériorité » assure le sociologue, éco-théologien Michel Maxime Egger dans son ouvrage
Écopsychologie (Éd. Jouvence). Un avis partagé par le sociologue et écrivain américain, Théodore Roszak, pour qui
« l’être humain et la planète sont inséparables ; de la bonne santé de l’un dépend celle de l’autre ». En d’autres termes, la résolution des problèmes environnementaux résiderait aussi en grande partie dans un questionnement intérieur de notre rapport à la nature ; une condition essentielle pour poser de nouvelles bases d’une société, à nouveau profondément « reliée » à l’environnement. En effet, force est de constater, face à l’échec de l’avancée d’une conscience écologique,
« qu’il est difficile d’inciter efficacement chacun à adopter des conduites plus responsables, et à sortir du consumérisme, sans s’interroger sur son identité, ses désirs, ses angoisses, et les moteurs souvent inconscients qui se cachent derrière nos comportements et nos impulsions d’achat », nous font remarquer le psychologue Tim Kasser, et Tom Crompton de l’association WWF britannique.
« C’est bien dans les cœurs et les esprits des êtres humains que se trouvent les causes, tout comme les remèdes à l’éco-catastrophe », signale Ralph Metzner, psychothérapeute. Pour nous reconnecter à la terre, Gaïa, comme l’appellent les anciens, et à notre identité écologique, la pratique des éco-rituels ouvre une voie expérientielle, efficiente.
« Issues des traditions spirituelles, de la systémique et de l’écopsychologie, ces pratiques, réalisées en groupe, ont pour principal objectif
de guérir notre séparation illusoire, mais fatidique du corps vivant de la terre, avec l’isolement et la perversion que cette
aliénation entraîne », nous rappelle l’éco-philosophe Joanna Macy.
« Une meilleure compréhension de l’intelligence du vivant
peut nous donner les moyens de relever ce défi, et d’affirmer notre engagement pour la planète » conclut-elle.