Nous avons plus que jamais besoin de la sagesse de la dakini. C’est l’appel lancé par
Lama Tsultrim Allione dans son dernier ouvrage Les pouvoirs du féminin sacré. Pour
cette voix du bouddhisme tibétain, il est urgent d’activer en nous cette énergie féminine,
essentielle à notre équilibre et à celui de l’Univers.
« Nous avons la Sainte Vierge, une femme paisible et inoffensive, mais rares sont les reflets
d’une divinité féminine active, féroce, libre et indomptée ». La dakini représente ce féminin
puissant et farouche, apprend-on dans le dernier ouvrage de Lama Tsultrim Allione Les
pouvoirs du féminin sacré paru aux Editions Le Jour. Farouche dans le sens d’une bête
sauvage qui défend ses petits, une férocité dénuée de haine et d’agressivité, une source
créative d’énergie brute d’une force considérable.
« En allant à la rencontre de notre grande
énergie féminine, nous évoluons non pas en voulant imiter les hommes ou en tant qu’êtres
asexués, mais en tant que femmes. Nous sommes différentes, et tant que cette différence ne
sera pas assumée, nous ne concrétiserons ni notre véritable pouvoir, ni notre aptitude à
rééquilibrer le monde dans lequel nous vivons. Le féminin puissant et farouche fait partie
intégrante de notre psychisme mais nous le réprimons. Quand nous ne reconnaissons pas son
existence parce qu’il nous effraie, il opte pour la subversion et la vengeance. Mais bien
accueilli et respecté, il est une incroyable source de pouvoir ».
Première américaine nommée moniale bouddhiste selon la tradition tibétaine, Lama Tsultrim
Allione illustre l’impact de la dakini avec la Marche des femmes qui s’est déroulée au
lendemain de l’investiture de Donald Trump et rassemblant des millions de femmes et
d’hommes dans le monde.
« Les femmes se sont nourries de leur férocité au nom de la
protection de leurs droits, des droits humains et des droits de la Terre. […] Ce mouvement
solidaire est exemplaire de ce que serait la planète si les femmes étaient au pouvoir. Nous
devons trouver une façon de développer cette énergie, une pratique intérieure qui puisse la
soutenir, l’amener au-delà de la simple protestation à sa pleine incarnation. Nous devons
exploiter l’énergie intense et indomptée et pourtant sage des dakinis. »
Surmonter les épreuves avec les dakinis
La dakini est mystérieuse et difficile à définir puisque sa nature se situe par définition au-delà
des mots. Etymologiquement, le terme sanskrit dakini, en tibétain khandro, signifie
« femme
qui vole, qui marche ou qui danse dans les cieux ». Dans le bouddhisme tibétain, la dakini est
une entité féminine éclairée, la plus importante manifestation du féminin. Elle peut prendre
une forme humaine, être une divinité d’élection pendant la méditation, une incarnation de la
sagesse ou la protectrice de la lignée. Il existe en tout quatorze formes de dakinis.
La découverte de cette essence féminine par Lama Tsultrim Allione relève d’un parcours très
personnel. Dans son livre, elle raconte comment à l’accouchement de son premier enfant, elle
a été témoin de la force déchaînée de la dakini au sommet de sa puissance. C’était moins d’un
an après avoir quitté la vie monastique.
« J’avais choisi l’accouchement naturel à la maison,
raconte-t-elle. Ce jour-là, les contractions ont commencé le matin et ont tout de suite été très
intenses […]. Le bébé était mal positionné. Aussitôt, je me suis dit : « Il faut que j’accouche !
Personne d’autre que moi ne peut s’en charger. Que faut-il que je fasse ? » Je me suis mise
en phase avec mon corps, je suis sortie du lit et je me suis accroupie par terre. Après avoir demandé au médecin de sortir, je me suis mise à onduler et à secouer d’avant en arrière et de
haut en bas. Mon mari s’est approché en m’enjoignant de me calmer et de respirer
doucement, mais j’ai ordonné à tout le monde de me laisser seule. Je n’étais ni douce, ni
calme, mais dure et claire. On aurait dit une bête primitive en sueur, tremblante et
gémissante, qui se balançait sauvagement. » Peu après, Lama Tsultrim tenait sa fille dans ses
bras. Elle affirme que si elle ne s’était pas emparée de la situation en prenant conseil sur son
moi intérieur, son bébé ne se serait pas retourné et elle aurait probablement été transportée par
avion à l’hôpital le plus proche.
Messagères, guides ou protectrices, les dakinis pourraient ainsi nous aider à nous recentrer, à
prendre des décisions, à surmonter les blocages et les obstacles qui surviennent dans toutes les
épreuves de notre vie. Quand nous sommes dans une impasse, elles se manifestent afin de
nous montrer la voie à suivre et nous inciter à aller de l’avant.
« La dakini fait croître en nous
le pouvoir ineffable, le pouvoir sauvage, sage, instinctif, sexuel, féroce » indique-t-elle. Ainsi,
partir à la rencontre de nos dakinis intérieures nous assurerait d’accéder à la lucidité et à la
force.
Le mandala de la dakini, un outil de transformation
En communiquant avec la dakini et en lui rendant hommage nous pourrions commencer à
guérir notre monde intérieur et extérieur.
« Nous devons activer en nous ce féminin et
l’appliquer sur les plans émotionnel, spirituel, intellectuel ou politique. En faisant cela, nous
nous dotons d’une ressource intérieure, nous révélons son énergie et explorons sa puissance
d’éveil » assure Lama Tsultrim Allione qui chemine depuis un demi-siècle vers la dakini.
Pour y parvenir, l’auteure expose dans son livre divers outils et pratiques (lire encadré),
notamment la méditation sur le mandala des cinq dakinis.
« Quand j’ai commencé à méditer
[ce] mandala, j’ai senti naître en moi une force que je ne m’étais jamais permis de ressentir.
C’était quelque chose de nouveau et d’une grande portée, décrit-elle. Le fait de chercher les
souveraines dakinis, de plonger dans leur mandala pour en faire le point d’ancrage de votre
vie vous procurera une source d’inspiration et de stabilité ». Concrètement, ce travail
permettrait de transformer nos schémas obscurs ou poisons que sont la colère, l’orgueil,
l’ignorance, le désir, la jalousie en cinq énergies de sagesses (sagesse-miroir, sagesse de
l’équanimité, transcendante, discernante et tout-accomplissante).
« Quand nos émotions se
muent en sagesse et que la lumineuse présence des dakinis se substitue à notre corps, une
métamorphose a lieu, qui préside ensuite à notre transformation extérieure ». L’expérience
de la dakini est personnelle et transcende le genre. Les hommes tout autant que les femmes
sont appelés à accomplir ce travail.
« Quand nous pouvons l’accueillir et nous abandonner à
elle, à cette sagesse innée, à cet instrument de l’Eveil qui veut nous dégager de l’emprise de
l’ego, elle devient notre plus grande alliée » souligne la fondatrice de Tara Mandala, un
centre de retraite dans le Colorado aux Etats-Unis où elle encadre des Dakini Retreats.
La dakini au secours de la planète Terre
« La dakini est une force de la vérité, elle fauche ce à quoi l’on s’agrippe, elle révèle ce que
l’on croit cacher » signale Lama Tsultrim Allione. Dans son livre, elle dresse un constat
tragique.
« La perte des vertus féminines est douloureuse pour notre vie affective et
désastreuse pour la protection de la vie sur Terre. » En effet, les femmes et la nature ont
toujours suivi des chemins parallèles. Négliger notre féminin intérieur revient à trahir la Terre
Mère et nous amène à vivre le chaos actuel. Pour elle, le dénigrement du féminin sacré et la
domination du patriarcat dans une grande majorité de la communauté internationale et dans
toutes les grandes religions influencent en profondeur les transformations de plus en plus
dévastatrices de la planète.
« L’ombre de la dakini provoque des inondations, des ouragans,
des tremblements de terre et des sécheresses d’une intensité encore jamais vue. […] Il faut
cesser de tourner le dos aux déversements de déchets toxiques, ne plus fermer les yeux sur les
émissions de carbone […] ; il faut être conscients du fait que nous empoisonnons nos rivières,
l’air que nous respirons et notre nourriture, et que c’est pour cela que les dakinis sont
malades ». Pour Lama Tsultrim Allione, le moment est plus que jamais venu de restaurer
l’équilibre en valorisant l’extraordinaire magie du féminin sacré incarné par la dakini et en
prêtant l’oreille à ce que tente de nous dire la planète.
Des vêtements aux couleurs des dakinis de sagesse
Chaque dakini de sagesse appartient à une famille de bouddha (Bouddha, Vajra, Ratna,
Padma et Karma) et incarne les particularités de cette famille (symboles, saisons, couleurs…).
Quand vous travaillez sur une famille en particulier, efforcez-vous de porter une pièce de
vêtement de sa couleur. A chaque fois qu’elle croise votre regard, celle-ci influe sur votre
cerveau. D’ailleurs, les Brésiliens fêtent le Nouvel An en enfilant des dessous ou des bikinis
qui s’accordent à l’énergie qu’ils veulent invoquer.