Loin d’être accessoire, le vêtement est un révélateur. L’approche S’Habiller Vrai, créée par Youmna Tarazi, va plus loin. Elle habille le corps, éclaire l’être et dénude l’âme. Cet alignement tisse une résonance subtile entre visible et invisible. Notre singularité pare alors le monde de ses couleurs. Voyage au fil de Soi...
L’industrie de la mode file un mauvais coton... Au diapason de la marche folle du monde, elle s’est engouffrée dans les dérives de l’hyperconsommation. Cette mode-là va vite, elle se jette, elle maltraite : ceux qui la confectionnent et la planète. En contrepoint et en écho à l’éveil de conscience, on voit fleurir les marques de mode éthiques et écoresponsables (voir encadré « L’éthique, c’est chic »). S’habiller devient alors un acte engagé. Un choix avisé. Responsable. Durable.
Peau d’âme
Mais au-delà de cette lame de fond éthico-écologique, qui gagne même les grands noms de la mode, le vêtement peut-il s’adresser à l’âme, dans un corps-accord sensible ? La « dénuder » pour mieux la révéler et la manifester au monde ? C’est le pari de Youmna Tarazi, conceptrice de l’approche S’Habiller Vrai, créée en 2013. Cette méthode holistique s’adresse aux différentes dimensions de l’être (physique, émotionnelle, mentale, spirituelle), en résonance avec les divers aspects du vêtement (couleurs, matières, coupe), le tout en harmonie avec éléments, saisons et cycles du vivant (notamment via la sagesse sensible de la roue de médecine amérindienne). «
Si le vêtement se pose sur un corps déconnecté de son âme, il habille cette personne de tous les diktats, pensées, projets qui ne lui appartiennent pas. J’ai observé que lorsque les vêtements sont choisis en connexion avec la cohérence du corps et de l’essence de chaque personne, alors ils portent et déploient la destinée», souligne Youmna Tarazi.
En ce matin frisquet de décembre, c’est cette émanation de l’être – vivante, authentique et alignée – qui réchauffe la basilique de Pontmain. De futures ambassadrices de S’Habiller Vrai y sont réunies pour la dernière ligne droite de leur certification professionnelle. Ce proche aboutissement se perçoit... Loin des ambiances ternes de la rue, où le noir règne en maître, les couleurs ont ici droit de cité ! Et les participantes dégagent une « belle » assurance, assumant les pépites de leurs différences. «
À travers S’Habiller Vrai, j’accompagne, en présentiel et en ligne, des femmes (et quelques hommes), afin qu’ils puissent découvrir le langage secret de leur corps et de leur âme, pour l’exprimer au plus juste par le bon choix de vêtements. Mais la finalité est de renforcer l’ancrage, le socle qui donne davantage confiance en soi. Au fil des accompagnements, j’ai eu envie de transmettre cette approche et j’ai créé, en 2018, une formation professionnelle », confie Youmna Tarazi.
Pour l’heure, les participantes manipulent des tissus, drapent les autres de couleurs, de textures, de formes. L’effet est bluffant : si le choix est juste, l’être s’éclaire (voir encadré « Mode de vie »). Le corps s’incarne pleinement. Le vêtement devient une extension de soi... du Soi. «
C’est une révélation personnelle de ne faire qu’un avec ce que l’on porte, de se regarder à nouveau et de se découvrir habillée, vivante et rayonnante, sensible à notre vraie nature », partage Sophie, une photographe qui a suivi le programme S’Habiller Vrai.
Être canon
La démarche de Youmna Tarazi s’enracine dans son parcours de vie, dans les profondeurs de son être. Dans ses lignes de faille où elle a réussi à faire pousser des fleurs... Ainsi, c’est en grandissant sous les bombes qu’« être canon » est devenu son graal. «
Je suis née à Beyrouth, en pleine guerre, dans un cocon d’amour. Rien de plus naturel dans mon paysage d’enfant qu’une enfilade de canons, le bruit des infos qui recensent les morts et les fusillades qui rythment mes exercices de maths. » De ce peuple libanais, qui tel le phénix renaît sans cesse de ses cendres, Youmna a la force de caractère, la résilience chevillée au corps, le sens de la beauté aussi. C’est cet esprit de beauté qui lui a permis de garder la flamme en éveil, avant d’avoir envie de l’allumer chez les autres. «
Pendant la guerre, nous vivions confinés. J’ai passé pratiquement les douze premières années de ma vie à l’intérieur. Nous vivions entourés de beaux objets. Mon père, poète depuis toujours, était collectionneur de tapis et de tableaux d’artistes libanais, avant d’entamer lui-même une carrière d’artiste peintre... » Dans cet environnement, les conversations tournent autour de l’art de transmuter les souffrances à travers la création. «
J’ai grandi avec les couleurs comme faisant partie de la famille. C’est ce qui m’a permis de tenir, de créer un monde intérieur nourri d’émotion, de beauté que j’ai eu à cœur de projeter sur l’extérieur », explique Youmna qui a d’abord étudié les arts appliqués et été graphiste, avant de s’accomplir dans cette voie de S’Habiller Vrai.
L’éthique, c’est chic !
Sensibilisée mais non spécialisée en mode éthique, Youmna Tarazi aime tisser des liens pour prolonger sa philosophie et nous dévoile les sources qui l’inspirent. Côté sites Internet, elle pointe SloWeAre, label de confiance de la mode écoresponsable, et WeDressFair, qui sélectionne des vêtements éthiques. Côté livres, elle conseille Mon dressing heureux, le guide complet pour une mode éthique et bienveillante, de Céline Séris (auteure du blog Iznowgood), paru chez Hachette (2021, 17,95 €) et Guide de la mode écoresponsable, les clés pour mieux la comprendre et mieux la consommer, d’Alice Lehoux et Natacha Ruiz, chez Mango (2020, 14,95 €).