Vous voulez « changer le monde » ? Vous pensez être trop peu nombreux à vouloir le faire ? Une étude sociologique révèle pourtant qu’au moins 20 millions de Français ont adopté les valeurs d’un « nouveau paradigme ».
Art de vivre
Julien EichingerL
Léa, à 17 ans, décide, au grand étonnement de ses proches, de manger bio et végétarien, de recycler au maximum, d’acheter seulement ce dont elle a réellement besoin et de se déplacer à vélo. Quelques années plus tard, elle fonde avec des amis une association afin d’organiser des événements autour « des solutions de demain et du développement personnel », précise-t-elle. Odette, une libraire de 63 ans, aime dire qu’il lui reste de « bonnes habitudes soixante-huitardes ». Au-delà d’une nourriture et d’une hygiène bio, elle se soigne « alternatif », pratique la méditation et fait au moins une retraite par an « car c’est la dimension spirituelle en nous qui fait toute la différence », assure-t-elle. Devant la menace de la vente de livres par Internet, elle fait de la livraison à domicile. « J’ai découvert que mon quartier est rempli de gens absolument géniaux ! Nous organisons maintenant des pique-niques littéraires et envoyons des livres dans des écoles du Burkina Faso », rapporte-t-elle. Ces deux femmes ne le savent pas, mais elles font partie d’un nouveau groupe social en plein essor, désigné par le terme de « créatifs culturels ». « C’est très étonnant, la plupart d’entre eux n’ont pas conscience qu’ils le sont. Ils peuvent même se sentir isolés car ils ne sont pas agrégés ni par un parti politique, une institution, une religion, ni même par une philosophie prédéfinie. Nous faisons donc face à un nouveau mouvement social qui, bien qu’il ait des racines historiques, prend l’allure d’un éveil de conscience spontané », rapporte Yves Michel, éditeur et coordinateur de Les Créatifs culturels en France.
Des créateurs de culture
En l’an 2000, le sociologue Paul Ray et la psychologue Sherry Anderson publient une étude surprenante : 24 % de la population américaine serait « à l’origine d’une profonde transformation culturelle et sociale », écrivent-ils dans L’Émergence des créatifs culturels. En 2007, l’Association pour la biodiversité culturelle révèle que la France compte 17 % de créatifs culturels et 21 % d’« altercréatifs » – un nouveau profil apparu dans l’étude chapeautée par le sociologue Jean-Pierre Worms. La différence entre les deux ? Les altercréatifs se soucient moins de spiritualité mais tout autant d’écologie, d’amélioration sociale et de solutions alternatives au capitalisme. Ainsi, 38 % de « défricheurs » et d’« acteurs de changement » œuvrent dans l’Hexagone. Cela fait qu’au bas mot, 20 millions de Français incarnent « un nouvel habitus en rupture avec le paradigme de la société dite “moderne”, indique Ariane Vitalis dans Les Créatifs culturels, L’Émergence d’une nouvelle conscience. C’est beaucoup. Bruno Marion, spécialiste des mutations sociétales, signale que cette population augmente tous les ans. Elle pourrait rapidement atteindre une masse critique majoritaire face aux autres profils – les « traditionalistes » et les « modernes ».
Les idées communes à tous sont de lutter contre les dégradations environnementales, de consommer moins, d’émettre des propositons sociales et économiques, de mettre l’humain au cœur du débat et du sens dans leur vie. Les analystes notent qu’en toile de fond ces personnes réhabilitent les valeurs féminines et valorisent une pensée systémique : elles comprennent que, tout étant connecté, il faut agir à tous les niveaux.
« Que je le veuille ou non, je dois me considérer comme étant l’un des gérants de la planète, et comme étant, à ce titre, coresponsable de son avenir », indique la philosophe Laurence Hansen-Love. Il ne s’agit donc pas tant d’une « contre-culture » que d’une « culture alternative » qui valorise les actes créatifs, constructifs et souvent joyeux.
« De plus en plus de citoyens “ordinaires” mettent en place des initiatives locales dans des secteurs aussi variés que le travail, l’argent, l’habitat, la santé ou l’environnement », précise Ariane Vitalis. Et ce que montre le documentaire
Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent – qui a attiré 1 million de spectateurs en six mois – est que les germes poussent bien. Ces initiatives sont maintenant relayées par des mairies, voire des gouvernements. Les créatifs culturels semblent être en train d’élaborer le paradigme de demain, bien que mal représentés dans les médias.
« Il y a peu d’écoute des signaux faibles dans la presse qui, tenue par de grands groupes industriels, tend à servir l’idéologie dominante », souligne Yves Michel.
Une nouvelle conscience ?
Le noyau dur de ce mouvement va plus loin que les altercréatifs. Pratiques de développement personnel et engagement spirituel servent aux créatifs culturels à favoriser un bien-être individuel et un changement de conscience collectif.
« Ce n’est pas de plus de connaissance, ce n’est pas de plus de technologie, ce n’est pas de plus de science dont nous avons besoin. C’est d’un supplément d’âme », appuyait Nicolas Hulot lors du Sommet des consciences pour le climat en 2015. Sommes-nous à l’aube d’un changement sociétal majeur poussé par l’émergence de ce nouveau profil social ? Les créatifs culturels pourraient être les pionniers du monde de demain.
À
propos
auteur
Miriam Gablier
Auteure et journaliste
Titulaire d'un Master de philosophie, de diplômes de thérapie psycho-corporelle et d'homéopathie (Grande-Bretagne), Miriam Gablier s'intéresse particulièrement au potentiel humain et à l'intelligence du vivant.
Ses enquêtes sur les thérapies, la psychologie, la philosophie, la spiritualité et les sciences du vivant, lui permettent notamment de traquer les données se rapportant à la notion de conscience et à la relation corps-esprit.
Miriam Gablier est auteure de Les mystères de la conscience ...
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