Le terme « karma » signifie « résultat », mais n’est pas à prendre au sens d’une punition ou d’une récompense. Considéré traditionnellement comme neutre, il peut cependant contribuer à produire l’équilibre et l’harmonie nécessaires à la vie. Les actions vertueuses accomplies par l’individu vont l’aider à se libérer d’un karma que l’on pourrait qualifier de « négatif » en détruisant les résidus des actes passés réalisés sans conscience, et par là même contribuer à l’inscrire dans un karma « positif ». « L’absence de conscience ou l’ignorance, c’est ce qui nous empêche de voir les choses telles qu’elles sont », explique Philippe Cornu, ethnologue et spécialiste du bouddhisme. Il s’agit notamment de prendre pour éternel ce qui est impermanent, percevoir comme réel ce qui est illusoire, trouver du plaisir dans ce qui nous nuit, etc. Et ce manque de discernement engendre de multiples souffrances, entraînant l’individu dans la spirale d’un karma « négatif ». De la voie de la compréhension découle ainsi la voie de l’action !

Le devenir de l’être n’est pas tant conditionné par l’action visible que par l’intention mentale qui précède l’acte ou la parole. Car c’est avant tout avec nos pensées que le processus karmique prend forme. « Tout vient de l’esprit, confirme Philippe Cornu. Le karma intervient comme une restitution de l’énergie psychique que nous avons produite. Ce qui est très rationnel. En accumulant, par exemple, des actes liés à la colère, à la haine, au désir-attachement, à la spoliation, etc., on crée une énergie résiduelle dans notre esprit qui va engendrer un équivalent de même nature dans le monde matériel, à travers nos actions et nos paroles. C’est ce qu’on appelle la rétribution du karma. » En somme, on récolte ce que l’on a semé. « Un acte apparemment positif peut en vérité se révéler être un karma négatif si sa motivation est malveillante, et vice versa », ajoute-t-il. C’est la raison pour laquelle ce qui doit prédominer dans nos pensées, nos paroles et nos actions, ce sont la clarté et l’amour.

Les « dix recommandations »

Ce ne sont pas les « dix commandements » de la religion chrétienne, et pourtant, elles leur ressemblent. Basées sur les cinq préceptes de Bouddha, les dix recommandations que nous énonce Philippe Cornu, pour faire évoluer son karma positivement, pourraient se diviser en trois grandes catégories tout en restant mêlées, puisque la pensée est toujours le préalable à la parole et à l’action : celles qui concernent le corps (le meurtre, le vol et la luxure), la parole (le mensonge, la calomnie, les injures) et l’esprit (la convoitise, la méchanceté et les vues fausses). Même s’il est difficile de respecter complètement ces recommandations, il s’agit de s’y efforcer. « Elles représentent une perspective d’entraînement. On observe, on corrige et on s’améliore… », encourage le spécialiste du bouddhisme qui précise que dans la notion de karma traditionnel, dans laquelle on trouve le cycle des renaissances ou réincarnations, il n’existe pas d’évolution systématique de vie en vie. La régression vers une forme de vie inférieure est toujours possible, selon les actes commis. « Dans les Upanishads, c’est le Soi qui soit se réincarne soit se libère, selon qu’il se laisse entraîner par le désir du corps et des sens et crée ainsi du karma sous le pouvoir de l’illusion ou qu’il s’en détache. Tant que l’être humain poursuit ses désirs, il crée du karma et en récolte les fruits dans ses incarnations successives », précise Philippe Cornu. Entretenir des pensées bienveillantes mène naturellement à accomplir des actions désintéressées. Les traditions orientales prônent, par exemple, la pratique spirituelle du seva, ou service désintéressé, pour créer un karma positif. Il consiste à effectuer des actions pour autrui avec enthousiasme, amour et discernement, sans recherche de gain personnel. Ce qui peut passer par exemple par une mission humanitaire, via un travail ou un don, afin d’aider des populations dans le désarroi. Au quotidien, des attitudes comme être poli et courtois, entretenir des gestes et des paroles bienveillantes, ne pas colporter de ragots participent à la paix des cœurs. « On ne réalise pas l’importance que peuvent avoir nos actes sur autrui. Un simple petit geste comme tenir une porte à quelqu’un ou lui adresser un sourire peut alléger sa souffrance intérieure », souligne pour sa part Laurent Deshayes, historien, également spécialiste du bouddhisme.

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