Il est dit qu’aucun chef militaire n’a jamais pris de décision sans interroger l’inconnu, la voyance, l’oracle, le ciel... Il est sûr que des choix engageant la vie de centaines, parfois de milliers d’hommes peuvent en effet s’avérer terrifiants, et grande est la tentation de s’assurer la victoire par le biais d’un quelconque moyen divinatoire. Napoléon n’aurait pas fait figure d’exception en la matière... Sa méthode ? Elle serait tirée du Book of Fate (le livre du destin), un texte extrait d’un manuscrit qu’il aurait rapporté de sa campagne en Égypte. À l’origine, c’est un certain Charles-Nicolas-Sigisbert Sonnini de Manoncourt, archéologue, qui aurait découvert un papyrus glissé dans les bandelettes d’une momie, mise au jour en 1801. Ébloui par la beauté de la momie admirablement conservée et par la délicatesse des hiéroglyphes du parchemin, Sonnini l’aurait apporté à Napoléon qui l’aurait aussitôt fait traduire par un érudit copte rencontré « miraculeusement ». C’est cette version qui fut d’abord écrite en allemand, pour en réduire le partage, ensuite en anglais et depuis peu, en français.

Le tirage est simple, en revanche il est nécessaire d’avoir le livre pour déchiffrer les réponses. L’origine égyptienne est cependant controversée aujourd’hui, car le XIX^e siècle est connu pour être une période au cours de laquelle l’Europe, et particulièrement la France, s’est passionnée pour l’Égypte et lui a attribué tous les mystères. L’oracle de Napoléon comprend des « hiéroglyphes », mais aussi des « signes du zodiaque » et des tirages à réponses très « européens ». Cependant, le manuscrit allemand était préservé par Bonaparte. « Le général ayant consulté cette version originale l’utilisa pour des questions personnelles et fut ébloui par la justesse des réponses obtenues. Il rangea le manuscrit allemand dans son cabinet privé pour le garder en sécurité et pour qu’il l’accompagne en permanence », raconte le spécialiste en science hermétique Marc Neu, qui a remis au goût du jour l’ancien manuscrit. Mais la légende attribue aussi à Napoléon l’histoire de l’homme rouge, un autre système de divination : l’onomancie, dont l’origine est tout autant improuvable.

Comment fonctionne le livre du destin ? Le manuscrit relate une méthode assez compliquée de tirage dans un cadre rituélique, que le livre de Marc Neu simplifie. Au final, il suffit de dessiner cinq lignes de traits et d’en tirer un total pair ou impair. Une « constellation » en ressort. Ensuite, il faut choisir dans une liste de questions appelées « clés de lecture » sa question et regarder à quel chiffre correspond la constellation. Enfin, le chiffre se rapporte à un « hiéroglyphe » qui donne la réponse. Il en existe 32. « C’est un oracle fermé, auquel on ne peut pas ajouter de figures, on ne peut plus faire évoluer sa structure, en revanche il existe plusieurs manières d’obtenir les cinq lignes », explique Marc Neu. Fait intéressant, le livre est resté ancien et les réponses aussi. C’est un véritable voyage spirituel que de l’adapter soi-même en interprétant les réponses. Réalité ou légende, l’auteur s’en sert depuis plus de vingt-cinq ans, et les réponses sont toujours aussi pertinentes et efficaces. Elles sont d’ailleurs très directes, n’hésitant pas à dire oui ou clairement non et à prodiguer des conseils très précis.