Déclencher la pluie dans des régions très sèches de la planète, détourner des nuages de mousson en Asie : ce sont les exemples les plus médiatisés de ce qu’on appelle… la géo-ingénierie. Souvent perçue comme un délire technoscientiste, elle est présentée aussi comme une solution au réchauffement climatique par ses défenseurs.
Sciences
Getty / Andrey Onufrienko
« Faire la pluie et le beau temps » : l’expression est significative. Elle renvoie à l’idée d’être le maître des séquences météo qui rythment nos existences, et par là même, de devenir maître du temps qu’il fait. L’être humain peut-il remplir ce rôle ? Est-ce réellement souhaitable ? Face à la condamnation par la chaleur et le manque d’eau, certains pays plaident pour la géo-ingénierie – qui désigne des techniques de manipulation du climat visant à apporter des modifications artificielles à l’environnement – comme un acte de survie, voire de résilience.
Confusion et géo-ingénierie
Les 14 et 15 avril 2024, des régions entières de la péninsule arabique ont été touchées par des précipitations extrêmes, à la grande surprise de leurs habitants. Médiatisées par des influenceurs résidant à Dubaï, certaines parties de la péninsule ont reçu l’équivalent de 18 mois de précipitations. Très vite, le doute s’installe dans la population : ces orages hors norme auraient-ils été causés par l’ensemencement des nuages, une spécialité des Émirats arabes unis ?
En effet, chaque année, durant des centaines d’heures, des avions sillonnent le ciel pour disperser des particules d’argent qui transforment l’humidité des nuages en gouttes de pluie. Cette méthode repose sur l’introduction de particules infimes dans un nuage, offrant à l’humidité un support auquel s’agréger pour générer des gouttelettes. Peu à peu, celles-ci s’unissent, gagnent en poids et finissent par retomber en pluie. Le 14 avril, face à l’ampleur du phénomène, les explications se multiplient et la confusion augmente. Dans un pays qui joue avec la météo, démêler le vrai du faux devient complexe pour le commun des mortels. Finalement, selon Richard Washington, professeur de sciences du climat à l’université d’Oxford, ces inondations sont un événement climatique extrême qui n’aurait aucun rapport avec les raids d’ensemencement. Il explique dans un article publié sur le média The Conversation : « Ce qui est intéressant toutefois, c’est que les humains ont encore du mal à accepter le fait que 2 400 milliards de tonnes de carbone (le total de nos émissions depuis l’ère préindustrielle) puissent avoir une incidence sur le climat. Et qu’en même temps, ils puissent accepter si facilement l’idée que quelques tirs de sels hygroscopiques puissent faire tomber en un jour l’équivalent de 18 mois de pluie. » S’il y avait une morale à apporter à cette histoire, c’est que l’humanité entre dans une phase inédite de son histoire météorologique et que la géo-ingénierie accroît cette sensation de déboussolement.
Des origines militaires
Durant la dernière décennie, les techniques de géo-ingénierie se sont discrètement intégrées aux politiques de lutte contre le réchauffement climatique préconisées par le GIEC. Pourtant, leurs origines ne sont pas aussi vertueuses. La volonté de modifier les phénomènes climatiques au moyen de la technologie remonte aux années 1930, dans le cadre de la recherche militaire. Dans les années 1950, elle se développe parallèlement à la course au contrôle de l’espace par les grandes puissances. Les forces armées poursuivent ainsi leurs expérimentations, notamment en Asie du Sud-Est : pendant la guerre d’Indochine, l’armée tente d’agir sur
la mousson. Plus tard, durant la guerre du Vietnam, les États-Unis mettent en œuvre l’opération Popeye, visant à augmenter les précipitations pour ralentir les mouvements ennemis.
Si les opérations françaises sont restées relativement peu connues, les opérations américaines ont, quant à elles, suscité de fortes contestations dans l’opinion publique. Ces origines montrent que la géo-ingénierie est née dans un cadre marqué par des valeurs guerrières et des ambitions militaires.
Céline Chadelat est journaliste spécialisée dans les religions, la spiritualité, la santé et le bien-être.
Elle est autrice de trois livres dont le best-seller "Le Mois d'Or" et créatrice du compte instagram @lemoisdor.
Elle pratique la méditation depuis l'âge de 20 ans.
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