Dans la forêt de Fontainebleau, au sud de Paris, rôde un spectre dont les apparitions glacent d’effroi, bien qu’il se révèle plutôt pacifique. La première manifestation officielle de celui qu’on a appelé « le Grand Veneur » (terme signifiant « chasseur ») date de 1598, mais il serait également apparu à Napoléon la veille de son abdication en 1814, ou encore à Louis XVI, peu avant son exécution. Si ces légendes ont le moindre fondement, il faut s’attacher, estiment les chercheurs, aux sources contemporaines des premiers témoignages, car la tendance est forte d’en rajouter ensuite constamment, sur le mode de la légende urbaine ou, en l’occurrence, sylvestre.

Qui va à la chasse… voit un spectre

Plusieurs versions de l’épisode initial existent. Selon la première, le 8 septembre 1598, lors d’une chasse royale en forêt de Fontainebleau, près du château dont il fit sa résidence privilégiée, le roi Henri IV entend tout à coup les jappements d’une meute de chiens et le son d’un cor de chasse. Il ordonne au comte de Soissons d’aller en éclaireur à la rencontre des importuns qui osent chasser sur son territoire. Celui-ci s’en va avec crainte, car il pressent quelque événement à caractère surnaturel, puis il revient et déclare : « Sire, je n’ai rien pu voir, mais j’entends comme vous la voix des chiens et le son du cor. » « Ce n’est donc qu’une illusion », conclut le roi. À cet instant, le chasseur noir apparaît sur son cheval au milieu des arbres et lance : « Vous vouliez me voir, me voici ! »

Une autre version attribue l’événement à François I^er qui, au cours de son règne (de 1515 à 1547) fit réaliser de grands travaux à Fontainebleau – une reconstruction quasi complète – pour y installer son lieu de résidence favori. Chassant lui aussi dans la forêt proche, il poursuivait un cerf qui lui échappait depuis un moment. Il s’écria alors « Diable ! », en éperonnant vigoureusement sa monture. Aussitôt, sa suite et lui se trouvèrent entourés d’une brume épaisse. Soudain apparut le chasseur, tout de noir vêtu, qui tua le cerf convoité et lança à la cantonade : (...)