Nous sommes tous amenés
à traverser des souffrances
et des expériences
douloureuses au
cours de nos vies.
Passé la réaction de refus,
et si nous transformions cela
en chemin d’évolution,
l’occasion de se redécouvrir ?
N’ayant jamais été habitués à nourrir les profondeurs
de notre être, nous ne savons plus qui
nous sommes. Notre bienséance, notre peur de
l’autorité, notre désir de plaire et d’être aimé,
notre quête de sécurité ont fini par étouffer
notre unicité et notre créativité pour nous
conformer au
« moule » de la société. Coupés de
notre intériorité, nous voilà engagés dans un chemin
tout tracé qui n’est souvent pas le nôtre. Dans un
monde de plus en plus divisé, superficiel et individualiste,
nous compensons et nous nous adaptons,
mais nos fausses personnalités se révèlent tôt ou
tard être des châteaux de cartes que les tumultes
de l’existence viennent menacer d’effondrement.
Accidents, ruptures, maladies, deuils ou schémas
douloureux nous percutent, tel un cri de détresse
de notre être profond appelant par tous les moyens
notre reconnaissance et notre attention. Mais qui
est-il cet
« être » méconnu qui sommeille au fond de nous ? Comment le
« découvrir » et lui laisser
place ?
« Le courage d’être soi ne s’acquiert pas par
les gènes, pas plus qu’il nous est offert à la naissance
par quelques bonnes fées penchées sur notre berceau,
écrit Jacques Salomé. Il se découvre et se développe
à partir d’une confrontation et d’un dépassement
de soi-même. » Quand donc entendrons-nous son
appel ? Combien d’épreuves nous faut-il traverser
avant d’opérer ce qu’Annick de Souzenelle appelle
un
« retournement radical »,
« cette mutation intérieure
profonde qui nous fait mourir à nous-mêmes,
revêtir d’autres yeux et d’autres oreilles et nous ouvrir
à tous les registres du réel » ? Tous les protagonistes et
scénarios du grand jeu de rôle de notre vie semblent
nous inviter à cette rencontre avec Soi. Qu’elle soit
brutale ou progressive, exaltante ou terrifiante, ne
mérite-t-elle pas d’être vécue, nous offrant la possibilité
de sublimer nos limitations et nos identifications
et de révéler, enfin, notre authenticité et
notre infinité ?
Mutations profondes
Dans notre entretien d’Inexploré n°34, la Princesse
Constance de Polignac nous confiait :
« J’ai vécu
l’abus, trois accidents, le coma, la maladie, la mort
de mon fils puis celle de mon mari. Toutes ces difficultés
furent des initiations, des “épreuves” qui m’étaient
offertes pour “faire mes preuves”, me dépasser et me
révéler. » Il en est souvent ainsi : les écueils de l’existence,
qui nous ont fait vaciller et que nous aurions
tant aimé éviter, se révèlent avec le recul être de précieuses
occasions de grandir et de nous découvrir.
Il apparaît même parfois qu’une mystérieuse intelligence
semble, à travers eux, frapper à la porte de
notre conscience. À quoi nous appelle-t-elle donc si
ce n’est à cesser de tourner notre regard vers l’extérieur
et à oser plonger à l’intérieur de nous-mêmes ?
Morgane témoigne ainsi :
« Pendant toute ma traversée
du cancer du sein, j’étais en lutte. Et quand il
est revenu se loger dans mes poumons, j’ai capitulé en
réalisant qu’il venait de l’intérieur de moi, que c’est mon
corps qui me parlait et que j’avais quelque chose d’essentiel
à comprendre. » Ainsi, les chocs et les crises que
nous traversons viennent-ils ébranler les carapaces
que nous nous étions forgées et creuser le sillon de
notre ouverture. Et plus notre conscience s’ouvre,
plus nous accueillons nos épreuves, nos réactions et
nos symptômes non plus comme des ennemis mais
comme des messagers.
Une fois
ce chemin
vers Soi frayé,
il s’agit
de garder
le contact.
Susurrant ou hurlant à notre
oreille, ils nous exhortent à lever le couvercle sur
toutes les parts blessées ou délaissées de notre être et
à les étreindre toutes autant qu’elles sont. Se pourrait-
il donc que ce que nous prenons habituellement
pour un coup dur, une injustice voire une atrocité
de la vie soit en fait un appel à l’Amour ?
C’est souvent au plus aigu de la souffrance qu’arrive
le moment, le basculement, où nous cessons de résister.
Au fil des épreuves, nous perdons la santé, notre
compagnon ou notre métier, et avec eux, toutes nos
certitudes. Nos croyances ébranlées, notre identité
malmenée, nous tombons dans le vide duquel nous
pourrons enfin renaître.
« À l’âge de 23 ans, j’ai réalisé
que je m’étais fourvoyé dans une voie qui n’était
pas la mienne. Les années d’errance et de chômage qui
ont suivi se sont transformées en véritable crise existentielle.
J’étais en dépression et avais perdu dix kilos.
Je ne pouvais plus exister à travers mon métier, mes
possessions, mon physique. Mais à un moment donné,
j’ai réalisé qu’au-delà de tout cela, j’existais toujours.
Je n’avais rien besoin de faire pour être. Ça m’a
libéré de beaucoup de peurs et m’a donné
une immense permission de vivre », nous
partage Laurent Gounelle, auteur de
L’homme qui voulait être heureux et
autres best-sellers. Comme lui,
Morgane raconte à quel point la
traversée du cancer l’a
« dépouillée
» et lui a permis de s’émanciper
de tant de poids hérités de l’éducation
ou de la société qui l’encombraient
et ne lui correspondaient pas.
« Qui est-on réellement quand on se libère
des préjugés, des étiquettes, du regard et des attentes
des autres ? se questionne-t-elle. Ma féminité était
abîmée, je n’avais plus de règles, j’avais perdu un sein,
mes cheveux et mon statut social, j’étais en difficultés
financières. Mais au final, je me suis libérée de toutes
ces fausses identités. Et une joie profonde m’a immergée.
Une force, une lumière, se sont imposées alors que tout
le reste disparaissait. »(...)