Comment déchiffrer l’horloge généalogique à l’origine de symptômes ? De quelle manière déjouer l’écueil de la fusion à travers les générations, pouvant impacter jusqu’à l’ADN ? Élisabeth Horowitz, spécialiste de la psychogénéalogie et du transgénérationnel, auteure de Mon corps généalogique (éditions Guy Trédaniel), montre la voie.
Âme du monde
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La temporalité est au cœur des problématiques transgénérationnelles. Quelle est cette fameuse « horloge généalogique » dont vous parlez ?
C’est une logique mathématique. Pourquoi ? Parce que la psyché réagit aux nombres : l’inconscient va associer spontanément le traumatisme à l’âge où il se produit, et cela se transmet dans l’inconscient familial. Il peut donc y avoir un rebond du trauma, sous une forme ou une autre, au même carrefour temporel chez un descendant. J’ai accueilli une femme à qui l’on a diagnostiqué un cancer. Son fils a douze ans, l’âge qu’elle avait lorsque ses propres parents ont divorcé. Elle l’a vécu comme un drame, car elle n’a plus vu son père, maintenu à distance par la mère. Ce bouleversement est venu se réactualiser à la génération suivante. C’est là tout l’enjeu du transgénérationnel. En tant qu’accompagnant, la clé est la prise de conscience du raccordement du symptôme à la temporalité généalogique – ce que bien des personnes ne font pas naturellement.
Si l’on n’est pas spécialiste du transgénérationnel, comment déchiffrer le tempo de cette horloge généalogique ?
Il s’agit d’identifier les mécanismes à l’œuvre. En consultation, il est important de demander à la personne l’âge qu’elle a (ça a pu être un âge critique pour les parents), l’âge qu’avaient ses (grands-)parents au moment d’une hospitalisation ou d’un décès… On peut aussi demander l’âge qu’ont ses enfants : est-ce que ça la renvoie, en miroir, à ce qu’elle a vécu, et peut-être refoulé ? Ce qui est refoulé ressort, mais pas n’importe quand : à des âges précis pour soi ou pour la généalogie.
La révolution « épigénétique » montre que nos gènes sont définis à la naissance, mais pas leur fonctionnement. L’expression de nos gènes, qui va décider de la division et de la fonction des cellules, peut être activée ou inactivée par l’expérience ou l’environnement… et, à la lumière de mes recherches, par notre propre configuration généalogique ! Les découvertes en épigénétique sont venues étayer ce que nous observions en transgénérationnel. Après plus de vingt-cinq ans d’accompagnement et d’analyse du fonctionnement de l’arbre généalogique, je peux affirmer – aussi incroyable que cela puisse paraître – qu’un niveau élevé de ressemblances et de répétitions au sein de la parenté induit à la fois des symptômes et des mutations dans la génétique. Plus le taux de ressemblances est important, plus il y a danger : prénoms qui se répètent au fil de la généalogie, même jour de naissance qu’un aïeul, même âge au mariage, répétition du nombre d’enfants… Plus le niveau de ressemblances est significatif, moins il y a de différenciation, et moins les personnes peuvent accéder à leur unicité. Notre conscience intégrale détecte ces répétitions. Or, tout phénomène de répétition est contraire à l’élan vital.
Peut-on parler de consanguinité « psychique » ?
Exactement, c’est le hit de mes travaux : j’ai observé que ce que l’on craignait pour la consanguinité biologique peut aussi être valable lorsque la psyché détecte un certain niveau de ressemblances préexistant (dates, prénoms…), sans même qu’il y ait une consanguinité réelle. Cela signifie que notre conscience sait tout de la généalogie : dès qu’elle perçoit ce genre de confusion généalogique, elle peut aller jusqu’à produire des mutations, sources de handicaps, de troubles et insuffisances chroniques, d’un raccourcissement de la durée de vie, etc.
Comment déjouer ce piège de la fusion quand on est accompagnant ?
Devenir « soi » est l’enjeu de tout accompagnement, pour que la personne sorte du « magma » du système. Or, comme je l’explique, la configuration généalogique, parfois, s’oppose à cette unicité. Avec de possibles conséquences sur la santé globale qu’il est important d’avoir à l’esprit en tant que thérapeute ou professionnel de santé. Sur le plan pratique, vous pouvez questionner la manière dont l’« architecture » généalogique du patient s’est construite, en analysant les ressemblances dans l’arbre : prénoms qui se répètent ou se ressemblent, alliances entre des patronymes proches (syllabe d’appel ou de terminaison, voire l’initiale), dates de naissance, mariage, décès, communes… Dans le choix du conjoint, l’individu va souvent inconsciemment essayer de retrouver des éléments existant déjà dans la famille, ce qui va renforcer ce cumul de caractères identiques. Là est le piège… Ce conseil est surtout valable en prévention. On peut ainsi alerter les patients de ce risque potentiel ; éviter par exemple de se marier avec quelqu’un qui s’appelle comme un membre de la famille, qui porte un patronyme proche, voire qui habite dans la même rue qu’un membre de la famille…
Les professionnels de l'accompagnement ont bien connaissance aujourd’hui des effets potentiels du passif transgénérationnel. Mais vous nous alertez aussi sur le possible impact de ce qui traverse au présent toute la chaîne familiale…
L’expérience m’a en effet montré qu’un trouble peut se déclencher en réaction à ce qui se déroule dans la famille au même moment. C’est ce que je nomme « l’effet parenté » : un événement significatif, tel qu’une naissance, un mariage, un décès, un divorce, voire un déménagement, touche à la forme même de la famille. Les contours du système se remodèlent. Ces remaniements sont donc susceptibles de déclencher une réponse psychosomatique. Dans le livre, je donne des exemples allant de simples actes manqués et contretemps (perte de clés, panne…) à des problèmes de santé ou accidents. C’est d’autant plus vrai quand notre capital affectif est impacté, voire altéré, déclenchant des alertes inconscientes. J’évoque ainsi le cas de Jonathan, 19 ans, qui vient de découvrir que sa mère, divorcée de son père, entretient une relation avec un nouvel homme. Ce matin-là, il a un accident de moto sans gravité, dont la fonction cachée est de mobiliser sa mère, en faisant en sorte qu’elle se recentre sur lui.
Comment déceler qu’un événement qui se joue au présent dans le terreau familial puisse être le déclencheur des troubles de quelqu’un qui consulte ?
Si l’on s’attache à la santé physique et/ou psychique des individus, nous avons une double démarche à faire. D’abord, la recherche de symptômes et d’événements clés dans les générations précédentes, mais aussi dans la fratrie, le cousinage (etc.), à même d’être répliqués par la personne que l’on reçoit en consultation. Dans un deuxième temps, il est important de demander ce qui se passe dans l’environnement familial au même moment. La famille n’a rien de figé : ce n’est pas que du passé, c’est aussi du présent ! Il va donc falloir prêter attention à tout ce qui fait bouger les lignes. Par exemple, si une sœur ou un frère avec qui le patient a des liens forts part vivre loin, une part de son capital affectif lui est soustraite. C’est là que peuvent se déclencher des symptômes variés : angoisses, insomnies, troubles de la mobilité…
Les prises de conscience peuvent-elles suffire pour aller mieux ?
La conscience se nourrit d’informations : si on a suffisamment d’informations et si la conscience fait des liens, c’est déjà bénéfique en soi.
Que peut-on donc utilement conseiller de faire aux personnes qui consultent ?
L’enquête familiale est centrale. La plupart des personnes qui consultent connaissent mal l’histoire de leur famille. D’autant qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant ce qui est raconté dans le « roman » familial. On peut donc leur conseiller d’aller interroger séparément les membres de la famille. Les confidences qu’ils font ne relèvent pas forcément du secret ; simplement, souvent, personne ne leur avait posé de questions. Or, la répétition (d’un symptôme, d’un drame, d’un échec…) survient parce que la personne ignore que « cela » a déjà eu lieu. Comme on n’en parlait pas dans la famille, ça a été refoulé. La première conséquence des non-dits et secrets de famille, c’est que le même événement risque de se répéter, en général au même âge dans des conditions similaires (pas exactement identiques, puisque le temps aura passé, l’époque ne sera plus la même). C’est le fameux « syndrome anniversaire ».
Pourquoi le scénario se rejoue-t-il ?
Comme rien n’a été dit sur l’événement incriminé, la répétition survient pour que l’on puisse en prendre conscience. D’une certaine manière, on est obligé d’en prendre conscience dans la lignée familiale, pour maintenir l’intégrité de la lignée, pour qu’elle aille de l’avant. Un membre de la famille aura cette fonction, en le vivant lui-même.
Quel conseil donneriez-vous à vos pairs ?
J’insiste sur l’enquête familiale, car nombre de problématiques du corps et de l’esprit s’expliquent par l’histoire familiale sur deux ou trois générations, voire plus. Dès la première séance, vous pouvez monter un arbre généalogique simplifié, sans rentrer dans les détails, en y indiquant les âges, dates clés, maladies, décès dans la généalogie, et les liens que l’on peut faire. Demandez à celui ou celle qui consulte les événements décisifs au niveau des (grands-)parents, et ce qui se passe actuellement dans la famille. À ce stade, vous aurez déjà des pistes. Mon message est que vous pouvez inclure le transgénérationnel dans votre pratique assez facilement.
Après avoir aiguisé son art journalistique en qualité de rédactrice en chef de divers magazines belges, Carine Anselme décide un jour de ne plus tremper sa plume que dans ce qui la touche au plus profond de son être et qu’elle rassemble sous le vocable « écologie humaine ».
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