Le psychiatre Scott Peck nous invite à réviser notre fonctionnement intérieur, entre blocages, croyances et jugements, avec son ouvrage « Au-delà du chemin le moins fréquenté », paru aux éditions J’ai Lu. Dans cet extrait, l’auteur explore la question de la « petite voix » qui nous aide dans les moments clés de notre vie. Pour lui, elle serait d’origine… divine.
Inspirations
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Mon contact le plus récent avec la petite voix de Dieu a eu lieu à l’automne 1995, alors que je venais de terminer le premier jet de mon roman Au ciel comme sur terre, qui avait été retenu pour publication. Le moment des corrections était venu et j’avais un problème. Dans la première version, je m’étais servir de moi-même en tant que personnage principal et j’étais conscient qu’il faudrait changer cela dans la seconde version. Pour la réécriture, j’avais besoin de « sortir de moi-même » - opération pour laquelle je n’ai jamais été particulièrement doué – et d’améliorer encore le personnage. Mais la nature de l’intrigue exigeait que le protagoniste me ressemble : un intellectuel de formation psychiatrique doublé d’un théologien amateur. C’était un problème et je n’avais pas la moindre idée de la manière dont j’allais le résoudre.
J’en étais là, lorsque, un après-midi, alors que je travaillais sur autre chose et que mon problème était relégué dans un coin de mon cerveau, j’ai entendu une petite voix fluette me dire : « Lis le livre de Daniel. » J’ai secoué un peu la tête. Comme presque tout écolier, je savais que Daniel était un prophète dont le livre faisait partie de l’Ancien Testament, qu’il avait, pour une raison ou une autre, été jeté aux lions mais avait réussi à survivre par la grâce de Dieu. N’ayant jamais lu le livre de Daniel ni eu la moindre intention de le faire, je n’en savais pas plus. N’ayant par ailleurs aucune idée de la raison pour laquelle cette voix m’exhortait à le faire, je me suis remis à dicter des lettres. L’après-midi suivant, alors que je cherchais des papiers dans le bureau de ma femme, la petite voix est revenue. « Lis le livre de Daniel », a-t-elle répété. Cette fois, je n’ai pas secoué la tête. Ayant déjà fait l’expérience de la capacité d’insistance du Saint-Esprit, j’ai admis que Dieu essayait peut-être de me faire faire quelque chose, même si lui seul savait quoi et pourquoi. Mais je n’étais pas pressé d’obtempérer pour autant.
Après le déjeuner, le lendemain, alors que je faisais ma promenade quotidienne, la voix est revenue, encore plus insistante :
« Scotty, quand vas-tu enfin lire le livre de Daniel ? »
Comme je n’avais rien de plus urgent à faire, dès que je fus revenu à la maison, j’ai pris une de nos bibles et lu le livre de Daniel. J’y ai appris beaucoup de choses, mais la plus utile pour moi à ce moment-là fut de réaliser qu’il existe des parallèles frappants entre Daniel et moi-même. Quoique bien plus courageux, fidèle et noble que moi, lui aussi était un intellectuel. En tant qu’interprète des rêves, il était une sorte de psychiatre et plus tard, en tant que prophète, une sorte de théologien. Ma vie avait connu la même évolution, et j’ai rapidement compris que j’avais la solution de mon problème : le caractère principal de mon roman serait un Daniel, pas un Scotty. Et tant nos similitudes que nos différences m’ont permis de « sortir de moi-même » de mille façons pour donner de la crédibilité à ce personnage.
Cet exemple de la manière dont Dieu s’occupe de moi est d’autant plus remarquable que je suis un médiocre savant et piètre lecteur de la Bible. Dans le Nouveau Testament, je n’ai jamais été capable de lire la Révélation et j’ai un mal fou avec les épîtres. Quant à l’Ancien, je l’ai à peine effleuré. Cela ne m’a jamais vraiment manqué. Que peut-on dire de ce type de phénomène ? Bien des gens ont écrit sur le thème de la créativité sans mentionner Dieu, démontrant comment la solution d’un problème difficile peut soudain se révéler à eux alors qu’ils n’y pensent pas du tout. Mais, dans ces cas-là, la solution est aussitôt reconnue et acceptée. Elle n’est pas vécue comme venant de l’extérieur. Quant à moi, je n’ai pas reçu la solution mais le don d’un chemin y conduisant. Cela me paraissait incompréhensible, je n’avais pas conscience du rapport avec mon problème. Comme c’était un chemin que je n’aurais pas emprunté habituellement, je ne l’ai pas accueilli favorablement. Il m’était même si étranger que j’ai commencé par le rejeter carrément.
Comme problème, le mien n’était pas énorme. Suis-je entrain de suggérer que Dieu se mettrait en quatre pour m’aider avec quelque chose d’insignifiant ? Oui c’est exactement ce que je pense. Pourquoi Dieu s’intéresse tellement à moi, je ne le sais pas ? Mais des milliers de gens ont vécu des expériences similaires de grâce et de révélations ; pour moi, ce sont non seulement des preuves de l’existence de Dieu, mais aussi du fait qu’il s’occupe de nous à chaque instant.
Faire l’expérience de sa « petite voix blanche » est un drôle de phénomène. Ce n’est pas du tout une voix masculine puissante qui nous tombe du ciel. Comme le dit la Bible, la voix est effectivement « petite » et « blanche », c’est à peine une voix. Elle semble venir de l’intérieur, et bien des gens n’arrivent sans doute pas à la distinguer d’une pensée. Pourtant, ce n’en est pas une. Il n’y a rien d’étonnant à ce que tant de gens ne sachent pas quoi penser d’une telle révélation. La ressemblance de cette « voix » avec une pensée ordinaire impose toutefois une remarque de précaution : on aurait tort d’assigner à la moindre de nos pensées une origine divine, cela pourrait nous rendre rapidement fous. Certaines règles permettent de faire la distinction. D’abord, il est important de prendre le temps (à moins de se trouver dans une situation d’urgence) de « tester avec la réalité » si la voix que l’on entend est celle du Saint-Esprit ou ses propres pensées. On peut d’autant plus prendre son temps que si, par prudence, on n’en tient pas compte au début, elle reviendra presque toujours, comme la voix m’incitant à lire le livre de Daniel. Ensuite, cette voix du Saint-Esprit (ou du réconfort, comme l’appelait Jésus) est toujours constructive, jamais destructrice. Elle peut vous demander de faire une chose paraissant un peu risquée, mais ce ne sera jamais un risque majeur. Si vous entendez une voix qui vous dit de vous tuer, de voler, de tricher, ou de dépenser toutes vos économies pour acheter un bateau, prenez rendez-vous chez un psychiatre.
D’autre part, la voix a l’air généralement un petit peu « folle ». C’est du reste ce qui la distingue de votre propre pensée. Elle a un ton vaguement étranger, comme si elle venait d’ailleurs (ce qui est le cas). C’est inévitable. Le Saint-Esprit n’a pas besoin de nous dire des choses que nous connaissons déjà ou de nous pousser dans une direction que nous avions déjà choisie. Il vient à nous avec quelque chose de nouveau et d’inattendu – pour nous ouvrir et donc, par définition, pour briser avec douceur nos limites et nos barrières. C’est bien pourquoi notre première réaction, lorsque nous entendons la voix pour la première fois, est en général de secouer la tête.
Scott Peck, Au-delà du chemin le moins fréquenté. Réconcilier le cœur et la raison. Éditions J’ai Lu, collection Aventure Secrète, Paris, 2019, p. 296-299.
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