À la fois exorciste, guérisseuse et tarologue, Akiyo Tsurumi s’ancre dans la tradition animiste tout en étant porteuse d’une universalité... Rencontre déroutante avec une autre culture, qui « vit » l’extraordinaire plus qu’elle ne le pense.
C’est depuis Tokyo qu’Akiyo a senti que la maison d’Aurélia était infestée par des présences négatives et qu’elle lui a proposé de venir jusqu’en France pour l’exorciser.
« Vêtue d’un kimono et de getas (sandales de bois), elle est arrivée chez moi, en compagnie d’un fidèle assistant, pour inspecter chaque objet dans chaque pièce. Soudain, son regard s’est arrêté sur une statue en bronze qui ressemblait à Shiva, la même qu’elle avait visualisée depuis le Japon. Elle l’a transportée dans le jardin où elle l’a déposée à terre. C’est alors que mon chat est arrivé. Drôle de coïncidence, elle avait perdu un chat similaire, un chartreux, quelques jours auparavant ! Après avoir entamé une sorte de dialogue avec lui, elle a lancé le signal pour commencer le rituel. Elle s’est mise à genoux et son assistant lui a versé l’équivalent d’une grande bouteille d’eau sur la tête. Après avoir rejeté ses grands cheveux noirs vers l’arrière, elle est partie en courant à travers les différentes pièces de la maison, au rythme du tintement d’une clochette et de la récitation de sutras. Puis, elle est revenue dans le jardin pour s’emparer de la statue et la frapper fortement sur le sol, jusqu’à la tordre. Elle l’a alors entourée d’un tissu épais et posée dans un coin. Revenue dans le salon, elle s’est mise à faire des gestes lents sur la musique de l’Ave Maria de Gounod. Ce qui pouvait ressembler à une danse était en fait un nettoyage », raconte Aurélia qui, après avoir « remercié » la statue, est allée la jeter aux ordures. Le rituel d’exorcisme a duré en tout une demi-heure dans sa maison du sud de la France. Il semblerait qu’elle était infestée par une centaine d’âmes errantes et une présence démoniaque.
Très timidement, grâce à l’aide d’un traducteur japonais, Akiyo Tsurumi raconte descendre d’une lignée familiale de prêtres shinto, du côté de sa mère comme du côté de son père. Le shintoïsme qui repose sur une croyance animiste est la forme la plus ancienne de religion au Japon. Tout être animé ou inanimé qui dégage et reflète l’énergie et la force de la nature est considéré comme un esprit ou un dieu à vénérer. Il peut s’agir d’une montagne, d’un arbre, d’une chute d’eau, d’un animal, de l’empereur ou bien d’ancêtres. La vénération de ces
kami comme on les appelle, a lieu dans des sanctuaires, tenus par des prêtres shinto qui peuvent être autant des hommes que des femmes. Si Akiyo est profondément marquée par la culture animiste, elle semble avoir développé au fil des événements de sa vie une spiritualité bien à elle. Dès son enfance, elle expérimente des phénomènes paranormaux à travers des visions et des ressentis, explique-t-elle :
« Quand j’étais seule, dans ma chambre, je voyais des choses tomber du plafond comme des entrailles. Je voyais aussi des gens inconnus aller et venir. C’était sans doute des morts... » Sans suivre les traces d’un maître, tout naturellement, elle commence à pratiquer le Tarot à l’âge de douze ans. À l'université, elle étudie la philosophie orientale, puis intègre une agence de publicité où elle travaille pendant six ans. C’est en 1996 qu’elle quitte le monde de l’entreprise pour se consacrer à une activité de conseil à travers la lecture du Tarot. Elle dirige également des séances de groupe de guérison et donne des cours de tarologie. Attirées par ses capacités hors du commun, diverses organisations religieuses, sociales ou même politiques la sollicitent pour l’accueillir, souligne-t-elle, mais elle ne s’associe à aucune. Akiyo préfère rester libre et ouverte sur le monde.
Son propre jeu de Tarot
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Car la chamane – à la fois sage, thérapeute, conseillère, guérisseuse, exorciste et médium – entend faire un pont entre les cultures. Elle se veut porteuse d’une « universalité ». En 2011, elle a d’ailleurs créé un jeu de Tarot dans lequel les esprits de diverses civilisations du monde sont convoqués, de l’Archange Michaël (bien connu dans notre culture chrétienne) à Taotie (Chine), de Garuda (Indonésie) aux sirènes (Grèce), de Genbu (Chine) à L’Ange Throne (en référence à la Bible). C’est elle qui a dessiné chaque carte. En 2006, elle est invitée à participer à la convention de l’Association Internationale des Guérisseurs Extraordinaires (International Agency for Outstanding Healers) active en Allemagne, en Suisse et en Russie. Cet organe d’évaluation veille à faire le tri entre vrais et faux guérisseurs et à donner une légitimité aux premiers. Elle fait aussi le pont entre médecine traditionnelle et alternatives pour mieux guérir l’âme. Akiyo reste plusieurs mois en Allemagne où elle pratique, entre autres, l’exorcisme et la guérison. L’occasion de s’enrichir de profonds échanges avec des guérisseurs européens et amérindiens, raconte-t-elle. En 2010, à la demande de l’IAOH, elle crée une filiale japonaise, IAOH JAPAN, association à but non lucratif. Akiyo révèle agir le plus souvent gracieusement, notamment en aidant de jeunes enfants atteints de problèmes mentaux. Elle répond aussi parfois à des demandes de municipalités locales ou d’entreprises privées japonaises comme, par exemple, celle de nettoyer un centre commercial des mauvaises énergies, qu’il s’agisse d’âmes errantes ou de démons !
Pour procéder à la « purification » des lieux mais aussi des personnes, elle explique travailler avec l’énergie des éléments – eau, vent, air et feu – et quand elle souhaite combattre un démon, elle indique faire appel aux quatre divinités qui maîtrisent l’espace : Genbu la Tortue noire et le serpent pour le Nord, Suzaku l’Oiseau de feu rouge pour le Sud, Seiryû le Dragon bleu-vert pour l’Est, Byakko le Tigre blanc pour l’Ouest. Akiyo invoque ces divinités en se plaçant au centre d’un cercle imaginaire qu’elle matérialise exceptionnellement avec des bougies pour mieux expliquer aux participants des Rencontres du Fil d’Or à Biot où elle a été invitée en février dernier.
« Je demande aux quatre divinités de se déplacer très légèrement, ce qui décale un tout petit peu le cercle et crée une sorte d’ouverture au centre, toujours immobile. C’est dans cet espace, ce “trou noir”, que je vais mettre l’énergie négative des démons. Puis, je demande aux divinités de se replacer et de refermer l’ouverture qui s’est créée. C’est très rapide. Cet espace ne se rouvre jamais. Les démons sont définitivement partis. Et les quatre divinités se retirent », explique-t-elle. Dans la maison d’Aurélia, il semblerait que ce soit la statue en bronze qui ait attiré le démon qui lui-même aurait attiré des âmes errantes. Pour renvoyer ces dernières, Akyio décrit un autre rituel, en précisant :
« Quelque chose de bien plus grand que moi agit et accepte de récupérer ces âmes. Je ne fais qu’aider celles qui le souhaitent à partir... Les autres, je les laisse tranquille. » C’est en dansant sur la musique de l’
Ave Maria que la chamane japonaise embrasse les âmes avant de les laisser aller vers le chemin qu’elles doivent prendre...
Pour aller plus loin :
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Les Rencontres du Fil d’Or » ont été créées par Michelle Pelisse, psychothérapeute, et Keïko Courdy, réalisatrice, à Biot. Sur des thèmes alliant l’art, la science et la spiritualité, asiatique et occidentale, elles ont pour but de susciter une réflexion, une transmission et une co-création entre des artistes, des scientifiques, des philosophes et des hommes de foi.
Plus d’informations sur :
www.lesrencontresdufildor.com
L’histoire d’Akiyo Tsurumi est mentionnée dans un livre de la sociologue Muriel Jolivet de l’Université de Sophia à Tokyo sur les chamanes au Japon, à paraître fin 2019.