Frédéric Lenoir s'interroge. Faut-il avoir peur des grands succès littéraires parsemés d’énigmes sacrées, de formules magiques, de phénomènes étranges et de terribles secrets ? Comblent-ils notre goût du mystère et notre fascination pour l’inexpliqué, malgré les avancées scientifiques ?
Inspirations
Harry Potter, Da Vinci code, le Seigneur des Anneaux, l’Alchimiste : les plus grands succès littéraires et cinématographiques de la dernière décennie ont un point commun : ils répondent à notre besoin de merveilleux. Parsemés d’énigmes sacrées, de formules magiques, de phénomènes étranges, de terribles secrets, ils comblent notre goût du mystère, notre fascination pour l’inexpliqué. Car c’est bien là le paradoxe de notre ultramodernité : plus la science progresse et plus nous avons besoin de rêve et de mythe. Plus le monde semble déchiffrable et rationalisable, plus nous cherchons à lui redonner son aura magique. Nous assistons actuellement à une tentative de réenchantement du monde… justement parce que le monde a été désenchanté. Carl Gustav Jung en avait donné l’explication il y a un demi-siècle : l’être humain a autant besoin de raison que d’émotion, de science que de mythe, d’arguments que de symboles. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’est pas qu’un être de raison. Il se relie aussi au monde par son désir, sa sensibilité, son cœur, son imaginaire. Il se nourrit de rêves autant que d’explications logiques, de poésie et de légendes autant que de connaissances objectives. L’erreur du scientisme européen hérité du XIXe siècle (plus que des Lumières) a été de le nier. On a cru pouvoir éradiquer la part irrationnelle de l’homme et tout pouvoir expliquer selon la logique cartésienne. On a méprisé l’imagination et l’intuition. On a relégué le mythe au rang de fable pour enfant. Les églises chrétiennes ont en partie emboîté le pas à la critique rationaliste. Elles ont privilégié un discours dogmatique et normatif – faisant appel à la raison – au détriment de la transmission d’une expérience intérieure – liée au cœur – ou d’une connaissance symbolique qui parle à l’imaginaire.
On assiste donc aujourd’hui à un retour du refoulé. Les lecteurs de Dan Brown sont essentiellement des chrétiens qui vont chercher dans ses polars ésotériques la part de mystère, de mythe et de symboles qu’ils ne trouvent plus dans leurs églises. Les fans du Seigneur des Anneaux, comme les lecteurs assidus de Bernard Werber, sont bien souvent de jeunes adultes qui ont une bonne formation scientifique et technique, mais qui sont aussi en quête d’univers féeriques s’inspirant d’autres mythologies que celles de nos religions avec lesquels ils ont pris de sérieuses distances.
Faut-il s’inquiéter de ce retour du mythe et du merveilleux ? Assurément non, tant qu’il ne constitue pas, à son tour, un refus de la raison et de la science. Les religions, par exemple, devraient attacher plus d’importance à ce besoin d’émotion, de mystère, de symbole, sans renoncer pour autant à la profondeur d’un enseignement moral et théologique. Les lecteurs du Da Vinci code peuvent se laisser émouvoir par la magie romanesque et par celle des grands mythes de l’ésotérisme (le secret des Templiers,…), sans prendre pour argent comptant les thèses de l’auteur et réfuter la connaissance historique au nom d’une théorie du complot totalement fictive. Autrement dit, tout est une question de juste équilibre entre désir et réalité, émotion et raison. L’homme a besoin de merveilleux pour être pleinement humain, mais ne doit pas prendre ses rêves pour la réalité.
Philosophe, sociologue, historien. Chercheur associé à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Directeur de la rédaction du magazine Le Monde des religions. Producteur et animateur sur France Culture de l'émission hebdomadaire Les Racines du ciel. Auteur d’une trentaine d’ouvrages (essais, encyclopédies, romans), traduits dans une vingtaine de langues et vendus à plus de trois millions d'exemplaires, il est également scénariste de bandes dessinées et auteur d’une pièce de thé ...
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