C’est en Orient que depuis des millénaires, différentes traditions ont appris
à maîtriser l’énergie du qi. Cette énergie féconde aujourd’hui l’Occident. Rencontre avec Jing Hong Zhou, maître qi gong.
Santé corps-esprit
Franz Galo
En entrant dans la salle, au fond d’une impasse au
cœur de la capitale, une onde de silence saisit le
visiteur. Face à un homme d’une soixantaine d’années
au teint lumineux revêtu d’un costume blanc, une
trentaine d’élèves sont en train de pratiquer le qi gong de la
Sagesse. La gestuelle lente, profonde, agrémentée de sons
murmurés, se déploie en enchaînements, un pour chaque
organe clé – cœur, poumon, rate… Les yeux fermés, dans
un français fluide parlé avec un fort accent chinois, maître
Zhou guide ses élèves dans l’accomplissement du qi gong
de la Sagesse. L’énergie est sa réalité, il la voit sous forme
de balle brillante, la perçoit autour des êtres vivants –
hommes, animaux, arbres… Cette « énergie originelle »
est devenue son élément.
Dans une Chine en proie aux tourments politiques, il lui
a fallu trente-cinq ans pour renouer avec ce trésor de la
tradition. Jing Hong Zhou naît en 1949, l’année où les
communistes arrivent au pouvoir. À l’époque, sa famille
vit dans le Wuhan, sur les bords du fleuve Yangzi Jiang.
Durant ses jeunes années, « on ne sent pas l’impact de la
révolution ». Sa mère est une fervente bouddhiste qui
l’amène au temple pour les fêtes, tandis que son oncle et
sa tante sont taoïstes. Jing Hong Zhou a trois ans lorsqu’il
rencontre le professeur taoïste de son oncle, un vénérable
ancien, vêtu du costume traditionnel chinois. « Je suis un
grand visiteur, tu es un petit visiteur », dit-il à l’enfant en
confidence. Ces paroles le marquent, tout comme la sérénité
qui émane du vieil homme.
Si les pratiques spirituelles sont encore tolérées, l’époque
est loin d’être paisible. Son père, quincaillier de son état et
féru d’arts martiaux, a été l’élève d’un grand maître, dont il
a épousé la fille, devenue la mère de Jing Hong. Mais dans
le climat de violence et d’insécurité qui prévaut, il ne parle
jamais de ses performances, pour ne pas attirer l’attention.
C’est un ami de la famille qui apprend à Jing Hong que
son père, lorsqu’il avait 18 ans, s’est interposé entre deux
communautés villageoises opposées par un différend qui
menaçait de dégénérer. « Il a réussi à les séparer avec un
simple banc en guise d’arme », relate Jing Hong. Si son père
se refuse à commenter ses exploits, il initie son fils au Ba
Duan Jing, un style martial très populaire en Chine, à base
de postures. Il lui enseigne aussi la philosophie confucianiste. Pour le taoïsme, le bouddhisme et le confucianisme,
les trois piliers de la Chine traditionnelle, le corps est le
prolongement naturel d’une énergie spirituelle.
Enfant à la santé fragile, Jing Hong mène une rude existence.
Tout en étudiant et en apprenant la calligraphie, il
pratique les arts martiaux pendant trois heures chaque soir
après l’école, avec une vingtaine d’autres garçons. La seule fille admise au cours est la fille du maître Xu Ming Shi,
« un bel homme aux cheveux très noirs ». Les arts martiaux
sont pour Jing Hong un plaisir, mais il se destine plutôt
à une carrière de professeur ou d’écrivain.
Éclate alors « la tempête » de la Révolution culturelle.
Tout ce qui était traditionnel et cher au cœur de
l’adolescent est interdit. Les écoles et les usines ferment.
Des centaines de milliers de gens sont emprisonnés ou
envoyés en camps. Les élites sont décimées, les parents
blâmés en public par leurs enfants. « Mon père m’a donné
l’autorisation de lui faire du mal si cela pouvait me protéger,
mais je lui ai dit que je ne ferais jamais une chose pareille. »
Âgé de 17 ans, Jing Hong voit son destin se résumer à une
alternative : l’exil aux con fins de la Chine, à la frontière
russo-mongole, ou l’usine. Il choisit l’usine pour rester
dans sa région natale.
Son calme et son endurance, fruits de sa longue pratique
des arts martiaux et de son éducation, lui permettent
de supporter ce coup du sort. Exit Confucius, le tao, et
les énergies. L’époque est au matérialisme communiste.
« C’était écrit dans le petit livre rouge : qui dirige notre vie,
c’est le communisme, se souvient Jing Hong. Tout ce qui
n’avait pas pour but de célébrer les mérites et les vertus de
Mao Zedong pouvait attirer des problèmes, la prison, voire
la mort. Il n’y avait plus aucune confiance entre les gens, et on
pouvait être accusé sans aucune preuve. » L’une des ses amies
s’attire les pires ennuis parce qu’elle écrit des fantaisies sur
un cahier qui porte en couverture une photo de Mao.
Même la pratique des arts martiaux éveille la suspicion,
et il préfère s’en abstenir.
Pourtant, il renoue discrètement avec le fil de ses
passions. Tout en travaillant à l’usine, il prend des cours
de littérature française à l’université. Il préfère Shakespeare,
mais le seul professeur de littérature étrangère est
un spécialiste de Balzac. Il lit les auteurs français traduits
en chinois et présente une étude du Père Goriot pour son
examen final. Autre source de satisfaction, il se marie en
1976 et a deux petites filles. La vie reste difficile. Son père
meurt en 1979, sa mère deux ans plus tard. À l’usine où il
accède à des responsabilités, il fait des jaloux. Ce sont des
histoires à n’en plus finir. Il trouve un poste plus tranquille
dans une mairie de Wuhan.
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