Révolutions
du
secteur
funéraire
:
quelles
morts
pour
demain
?

Après un millénaire marqué par la dépendance du funéraire au religieux, et plusieurs décennies de relégation de la mort à l’hôpital, l’hommage aux morts prend un nouveau visage. Il se décline aussi bien écologiquement que numériquement, et la vie singulière du défunt y est mise à l’honneur.
Révolutions du secteur funéraire : quelles morts pour demain ?
Fin de vie
« Les historiens ne semblent pas avoir pris toute la mesure de la mutation actuelle, anthropologique pourrait-on dire, que connaissent les sociétés occidentales dans leur rapport à la mort et aux morts. »(1) De quoi est faite cette mutation ? La déchristianisation progressive, la montée en puissance de l’écologie et la révolution numérique sont venues bouleverser un système bien ancré depuis la fin de l’Antiquité, où la religion régissait les rites. À partir du XIXe siècle, la médecine a pris le pas sur la religion, et s’est occupée des morts, à l’hôpital, loin des vivants.

Mais aujourd’hui, de nouveaux rituels funéraires émergent, empreints d’une sensibilité écologique accrue, plus centrés sur la vie du défunt, et parfois même derrière les écrans. Alors, à quoi ressemblent ces révolutions dans le secteur funéraire ?


Révolution écologique


Adieu le caveau bétonné, la pierre tombale, les soins au formol et la concession perpétuelle. Cette idée qu’il faudrait laisser le corps du mort intact pour l’honorer convenablement perd du terrain, au profit du défunt en tant que matière naturelle faisant partie d’un cycle de vie. Alors que l’inhumation et la crémation s’étaient imposées à l’échelle de l’histoire, le compostage du défunt représente désormais une troisième voie. Cette révélation de l’« humusation » ou de la « terramation » (selon les acteurs), Pierre Berneur, président de l’association Humo Sapiens, l’a eue lors d’un tour du monde : « J’ai découvert la crémation au bord du Gange, en Inde, et les inhumations célestes au Tibet (le défunt est placé sur une pierre dans une prairie et les vautours viennent le manger). Aujourd’hui, nous vivons une révolution socioculturelle majeure : dans un contexte de crise climatique et de biodiversité, les citoyens des sociétés occidentales aspirent de plus en plus à affirmer leur appartenance à la communauté du vivant. La terramation permet à l’humain de perpétuer la vie à sa mort en transformant son corps en un humus sain et fertile sous l’action de micro-organismes présents dans le sol. » Selon un sondage Ifop de septembre 2023(2), « 44 % des Français considèrent le critère environnemental important dans le choix entre crémation et inhumation ». Et un sondage de 2022(3) montre que 46 % des Français seraient prêts à recourir au compostage. Si cette pratique n’est pas autorisée en France, il est déjà possible de se transformer en compost fertile dans six États des États-Unis.

Deux autres modes de sépulture écologiques ont récemment été inventés. L’aquamation (la crémation par l’eau, à l’aide d’une solution alcaline qui dissout et décompose les tissus du corps humain), légalisée dans plusieurs États des États-Unis et du Canada, en Australie et aux Pays-Bas. Et la promession, conçue en Suède, qui consiste à plonger le corps humain dans de l’azote liquide avant de le réduire en petits morceaux sur une table vibrante.


Révolution du rituel


En parallèle, une autre révolution a lieu autour du cercueil, lors des hommages aux défunts. La crise du Covid-19, avec son lot de deuils traumatisants, a accru le besoin de donner du sens à la mort et nous a contraints à faire preuve d’imagination. La rabbine Delphine Horvilleur, autrice de Vivre avec nos morts (Grasset, 2021), raconte : « Nous avons vécu des deuils qu’on n’aurait jamais imaginés. J’ai vu des écrans interposés, des endeuillés sans main tendue, sans bras dans lesquels se glisser. J’ai officié un enterrement par téléphone pour la première fois de ma vie. »

Alors que la crémation a pris un véritable essor ces dernières décennies (elle est passée de 1 % en 1980 à presque 40 % aujourd’hui en France), la cérémonie laïque séduit aussi de plus en plus (environ un tiers à l’échelle nationale). Des changements à nuancer : si les croyances « religieuses » (paradis, enfer et résurrection) s’effritent, « cela n’implique pas un reflux de toutes les croyances », indique l’étude Ifop précitée, comme la croyance en la réincarnation, passée de 22 % à 32 % depuis 2004. (...)

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  • Sarah Boucault

    Journaliste
    Journaliste spécialisée dans la mort : euthanasie/soins palliatifs/funéraire/deuil/cimetières ...
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