Si, lorsque nous rêvons, nous n’avons pas conscience d’être endormis, ne sommes-nous pas en train de rêver lorsque nous sommes éveillés ? Le rêve fait totalement chavirer la notion que nous avons du monde et de nous-mêmes. Où se situe le réel ?
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Tchouang-tseu, un sage taoïste chinois du IVe siècle av. J.-C., rêva qu’il était un papillon qui voltigeait, heureux de lui-même. Il se réveilla, mais il ne sut plus s’il était Tchouang-tseu qui avait rêvé qu’il était un papillon, ou s’il était un papillon qui rêvait qu’il était Tchouang-tseu. Qui était-il au final ? Platon et Aristote avaient déjà utilisé la parabole du rêve pour questionner la validité de la réalité sensible. Si cette réalité éprouvée est instable, comme nous le montrent les changements de perceptions en journée, mais surtout leurs fluctuations en rêve, comment connaître l’essence véritable des choses ? Et tout au long de l’histoire, d’innombrables penseurs, dont évidemment Descartes et son célèbre argument du rêve, reviendront sur ce vertige : quelle est la nature de la « vraie » réalité et comment la connaître ? Est-ce celle de l’état de veille, celle du rêve, ou se situe-t-elle encore à un autre niveau ? Y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
« L’expérience du rêve est une initiation magnifique parce qu’elle nous place au cœur de nos rouages mentaux. Elle nous permet de mieux voir comment la structure égotique du moi apparaît, fonctionne et crée toutes nos expériences. Cependant, pour de nombreuses traditions spirituelles, toute expérience mentale reste fluctuante et illusoire. L’Advaïta Védanta invite à ramener l’attention vers le continuum de présence, essentiel et non divisible, qui gît en arrière-plan de la perception », indique Jean-Marc Mantel, psychiatre, auteur de Dans la lumière du non-manifesté et spécialiste de l’Advaïta Védanta, une tradition hindoue.
Le rêve plus réel que l’éveil ?
« Il n’y a point d’indices concluants, ni de marques assez certaines par où l’on puisse distinguer nettement la veille d’avec le sommeil », écrit Descartes dans ses Méditations métaphysiques. La quête ouverte par le rêve nous demande d’entrée de jeu de lâcher l’idée que la réalité est constituée par ce que nos sens perçoivent habituellement. Nos capacités perceptives et nos interprétations psychiques seraient bien trop subjectives et relatives pour percevoir la nature profonde des choses sans la déformer. Devons-nous alors prendre le contre-pied et considérer que nos perceptions constituent la seule réalité à laquelle nous pouvons avoir accès ?
Le débat ne sera jamais clos, car certaines philosophies idéalistes pensent, effectivement, qu’il est vain de chercher quoi que ce soit en dehors de notre vécu subjectif. Cependant, à bien y regarder, ces voies tombent rapidement dans le délicat problème du solipsisme, maintes fois démonté par ailleurs. Il serait difficilement soutenable de penser qu’il n’y a rien de vrai en dehors de nos perceptions, car ce serait comme dire que nous sommes totalement seuls et qu’il n’y a aucun monde autour de nous. Ainsi, mis à part certains idéalistes, les philosophes s’accordent à dire qu’il existe une dimension qui ne dépend pas de nous. Le grand mystère est de savoir quelle est cette « réalité ».
« Dans une perspective jungienne, il est considéré que le rêve (ses images et ses scénarios) permet de révéler l’existence d’un inconscient collectif qui s’exprime au travers d’archétypes – des potentiels psychiques universels que nous trouvons également reflétés dans les mythes et les contes », indique Patrick Bertoliatti, psychopraticien d’orientation jungienne et spécialiste de l’analyse des rêves. Cette posture rejoint notamment les pensées chamaniques (shipibo en Amazonie, senoï en Asie, aborigènes en Australie, etc.) qui avancent que le rêve et les états modifiés de conscience sont des fenêtres donnant accès aux forces et structures sous-jacentes à notre réalité quotidienne. Ici, l’expérience sensible et psychique est maintenue comme un outil valide, mais tout se joue dans le fait de la purifier et de l’affiner. En nous nettoyant des conditionnements individuels et en élargissant notre capacité perceptive, nous pourrions accéder à une dimension plus vibrante, riche et pourquoi pas, plus réelle que celle éprouvée à l’état de veille. La réalité du rêve pourrait ainsi être plus primordiale et plus essentielle.
« Couche par couche, l’analyse des rêves nous rapproche des principes qui seraient fondateurs de la psyché, jusqu’à l’archétype central du Soi – l’archétype de l’entièreté psychique – qui nous attire vers notre processus d’individuation », poursuit Patrick Bertoliatti. Certains chamanes n’hésitent pas à dire que tout est inversé : que la réalité se situe dans le monde des rêves et que c’est notre état éveillé qui est un songe. Notre moi éveillé ne serait alors qu’un état de conscience réduit et localisé, alors que notre psyché profonde pourrait en partie échapper à ses coordonnées spatio-temporelles et accéder à un champ informationnel quasiment illimité. (...)
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Titulaire d'un Master de philosophie, de diplômes de thérapie psycho-corporelle et d'homéopathie (Grande-Bretagne), Miriam Gablier s'intéresse particulièrement au potentiel humain et à l'intelligence du vivant.
Ses enquêtes sur les thérapies, la psychologie, la philosophie, la spiritualité et les sciences du vivant, lui permettent notamment de traquer les données se rapportant à la notion de conscience et à la relation corps-esprit.
Miriam Gablier est auteure de Les mystères de la conscience ...
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