Rappelons déjà quelques faits. La situation actuelle, désignée sous le terme d’« épidémie » mérite davantage le qualificatif de « syndémie » selon l’expression de Richard Horton, le rédacteur en chef de la revue scientifique internationale
The Lancet. C’est-à-dire «
la rencontre entre une maladie virale provoquée par le Sars-Cov-2 et un ensemble de pathologies chroniques, telles que l’hypertension, l’obésité, le diabète, les troubles cardiovasculaires, le cancer… »
(1). Selon cette définition, cette maladie est d’abord mortelle pour la catégorie des plus de 60 ans. Si les mesures politiques s’emballent depuis l’été 2021, selon des statistiques établies par l’Insee entre le 1
er juin et le 8 novembre 2021, période traversée par «
deux vagues épidémiques d’ampleur », il n’y a pas eu de surmortalité chez les 50-64 ans. Les personnes âgées de moins de 25 ans ont même connu une sous-mortalité en 2020 et 2021…
Aujourd’hui, alors qu’une nouvelle vague épidémique sévit partout dans le monde, les chercheurs qui ont par ailleurs établi l’efficacité du vaccin face aux formes graves de la maladie se questionnent. Ce traitement est-il efficace dans la durée ? Protège-t-il de la transmission ? Dès lors, pourquoi imposer le pass vaccinal ?
Une population ou des citoyens ?
L’instauration d’un pass vaccinal présenté comme un outil de protection est une mesure lourde et historique, car elle conditionne directement l’accès à la citoyenneté. Alors pourquoi et comment un tel glissement ? Comment sommes-nous passés d’une conception de la médecine qui prenait en charge des « patients » à une population potentiellement malade ou dangereuse qu’il faudrait absolument protéger d’elle-même au moyen d’un pass vaccinal ?
«
Nos gouvernants ne parlent plus de Français mais d’une population qu’il faut gérer », prévient Mathieu Slama, essayiste, analyste politique et enseignant au Celsa, dont le livre
Adieu la liberté, Essai sur la société disciplinaire (Presses de la Cité) sort le 20 janvier 2022. «
La mise en place d’un pass sanitaire donne des droits à certains que d’autres n’ont pas. On a oublié que les Français ne sont pas une population, mais des citoyens qui ont des droits inaliénables. C’est le grand génie de la République française. La liberté n’est pas quelque chose que le pouvoir accorde en fonction, mais que le citoyen détient par nature. Nous vivons une révolution politique dont nous ne mesurons pas la portée… » Or, un tel moyen de coercition confisque le débat public d’une société qui devra, à terme, affronter de nombreuses crises : écologiques, sociales, économiques. Dans ce prolongement, le recours à un pass marque le rétrécissement de nos choix à décider de notre avenir commun. Qui sait combien de temps durera l’état d’urgence sanitaire, déjà en place depuis presque deux ans, et sur quelles nouvelles lois il débouchera ? Rappelons que la loi sur les séparatismes visant à renforcer les fondements de la République face à un péril religieux, suite aux attentats et à l’état d’urgence terroriste, a eu pour conséquence d’interdire l’Instruction en famille.
La médecine est soumise à un code déontologique qui permet d’adapter les décisions médicales en fonction de l’état de chaque patient et de préserver le secret médical.
La médecine et le bon sens
Menée tambour battant par nos gouvernants, cette politique, qui dit vouloir éviter tout nouveau confinement et protéger les hôpitaux, est malgré elle une négation des particularités physiologiques qui nous constituent (terrains inflammatoires, maladies auto-immunes…), alors que la vaccination comporte un bénéfice/risque très variable, selon les situations ou les classes d’âge. Pourquoi ne pas favoriser la responsabilité et la confiance, voire la conscience des médecins généralistes et de chacun ? Et en cela, préserver la relation intime entre médecin et patient ? Car normalement, la médecine est soumise à un code déontologique qui permet d’adapter les décisions médicales en fonction de l’état de chaque patient et de préserver le secret médical. Selon le Code de la santé publique, «
le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux, concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de ces documents. Il en va de même des informations médicales dont il peut être le détenteur. » (Art. R.4127-73). D’autres textes excluent toute expérience médicale, scientifique ou politique et visent au consentement éclairé du patient, comme le Code de déontologie médicale, le Code de Nuremberg, la Déclaration de Genève pour les médecins, la Déclaration d’Helsinki, la Convention d’Oviedo, la loi Kouchner... Or, ils sont aujourd’hui tous bafoués dans leur principe même, surtout quand on sait que de nombreuses personnes ne se vaccinent plus pour des raisons de santé mais pour conserver leurs libertés.
Les raisons de ces textes relèvent pourtant du bon sens : éviter toutes dérives pouvant nuire aux particularités de chaque patient. Alors qu’un premier vaccin, l’AstraZeneca a été retiré du marché en raison des effets secondaires graves qu’il provoquait, les produits proposés actuellement peuvent générer aussi des effets indésirables : fièvre, réactions cutanées, difficultés respiratoires jusqu’aux effets graves comme les tachycardies, l’insuffisance cardiaque, les thromboses, les paralysies faciales, des troubles menstruels et même des décès
(2)... La Haute Autorité de Santé a déconseillé l’administration du vaccin Moderna pour les personnes âgées de moins de 30 ans à cause des risques de myocardite et de péricardite. Le risque de contracter une inflammation cardiaque avait en effet déjà été souligné par les rapports de pharmacovigilance de l’ANSM (l’Agence nationale de sécurité du médicament). Toujours selon cette même agence, en France, au moins 121 486 personnes ont été touchées par des effets secondaires depuis le début des campagnes de vaccination en date du 21/12/2021, dont plus de 17 748 effets indésirables graves et 1 167 décès
(3). Sachant aussi qu’il faut généralement considérer, selon l’association Laissons les médecins prescrire, que les signalements représentent seulement entre 1 % et 10 % de la réalité.
Qu’est-ce qu’un effet indésirable grave ? «
Un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité importante ou durable, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale », selon Santé publique France. Des chiffres qui, rapportés à l’échelle collective, semblent réduits, mais qui, à l’échelle individuelle, montrent que cette politique sanitaire n’est pas sans dommages. Parmi les 1 167 décès, certaines personnes ne couraient aucun risque de mourir de la Covid-19 en raison de leur jeune âge.
Alors que les vaccins sont encore en phase de test et que l’ensemble des essais cliniques ne sont pas terminés, peut-on vraiment dire que nos gouvernements appliquent un principe de protection, du bon sens et de la précaution pour tous les citoyens ? Les études cliniques ne représentent-elles pas l’opportunité d’investiguer ces nombreux cas ?
Plus d’autoritarisme, ou plus de démocratie ?
Au fil des mois, cet engrenage de mesures prises par les politiques amène davantage de menaces, de répressions, de contraventions et de discriminations, voire une nouvelle forme de ségrégation, qui tend à faire disparaître la spontanéité, l’ouverture de cœur et d’esprit… Mathieu Slama explique également sur son fil Twitter que «
l’une des causes de la catastrophe actuelle est que le politique a décidé que les enjeux démocratiques étaient secondaires et que la fin justifiait tous les moyens. Il a donc choisi une approche totalement dépolitisée, managériale, scientiste et anti-démocratique ». Dépolitiser, c’est ôter le pouvoir inhérent à chaque acte, chaque geste du quotidien qui bâtit et donne sens à nos existences. Renoncerons-nous à la mémoire, à l’histoire, à la réflexion, au débat, à la nuance et à la complexité au profit d’une société où primeront la consommation et une pensée uniforme ou binaire ? Rappelons qu’une pensée binaire, avec son cortège de pros et d’antis, de bons et de mauvais citoyens, facilite la logique d’autorisation et de confiscation sous-tendue par un outil comme le pass vaccinal. Sous prétexte d’urgence sanitaire, laisserons-nous quelques personnes décider de manière autoritaire et partisane des détails les plus intimes de nos vies ? En 1984, «
Quand la vie privée n’est plus la vie privée, la personnalité humaine s’évapore », affirmait déjà l’écrivain Milan Kundera. Car si cette crise se présente comme dépolitisée et sans idéologie, l’est-elle vraiment ? Est-on certain qu’elle ne répond pas à certains lobbies, ou à certaines logiques, comme celle de la peur qui tétanise, annihile la réflexion et soumet ? Selon la psychologue clinicienne Marie-Estelle Dupont, «
la soumission à une autorité qui ne veut que votre bien, vient nourrir le déni face au deuil, à la colère, l’impuissance ou l’injustice ».
Ne transformons pas cette crise sanitaire en dystopie !
Quête de protection ou de libération ?
En tant que citoyens et en tant qu’humains, sommes-nous encore assez impliqués pour développer notre grandeur, notre discernement et notre libre arbitre, afin d’être responsables ensemble ? Que souhaitons-nous vraiment transmettre à nos enfants ? Que dit de nous ce climat de peur ? À ce jour, les enfants de six ans débutent l’école primaire en portant un masque huit heures par jour sous peine de punition ou d’exclusion. Depuis quelques mois, ils sont désignés comme les propagateurs du virus et sont à leur tour soumis à la pression vaccinale. De nombreux psychologues alertent ainsi sur les effets délétères de cette crise sur leur santé mentale… Sommes-nous en train de sacrifier les jeunes générations ?
Sébastien Lilli, cocréateur et président de l’INREES, également auteur engagé avec la série-documentaire
Du Chaos à l’Harmonie, réclame ainsi l’ouverture d’un débat souverain sur les choix qui concernent la santé de chaque citoyen et la vie de notre pays : «
Des penseurs comme Teilhard de Chardin parlent d’une montée en conscience de l’humanité, qui nous mènerait vers une sorte d’amourisation du monde. C’est tout ce que nous pouvons nous souhaiter, mais pour cela, le monde de demain devra impérativement accepter ce que le prêtre jésuite et chercheur au CNRS appelait un double impératif : offrir une profonde liberté à chacun, et ancrer la participation des individus dans des grandes causes communes. Cet objectif nous demande un profond respect des lois de la nature et de la psychologie humaine, et en cela nous avons besoin d’une démocratie participative où les conflits d’intérêts sont démasqués, où la richesse des débats éclaire nos choix, où la conscience et la cohérence peuvent être privilégiées à chaque étage de la société… Ni les grandes sociétés ni les états ne peuvent être garants du sort de l’humanité. C’est une impasse déjà vécue. Nous devons créer une multitude de systèmes responsables, au sein des associations, des familles ou des entreprises, capables de répondre aux enjeux en fonction des contextes, certes avec l’aide des institutions, mais sans démarches unilatérales de leur part, surtout en matière de santé. La complexité est la clé d’une démarche de responsabilité et de conscience. Et l’art de gouverner, c’est de simplifier cette complexité sans la détruire ou la réduire à néant… Ne transformons pas cette crise sanitaire en dystopie ! »
De nouvelles manières de voir la vie et de la vivre, riches de sens, essaiment : mettre au monde plus naturellement, accompagner nos enfants avec bienveillance et créativité, écouter davantage notre corps, et en prendre soin, s’autoriser une quête spirituelle inaugurant l’émergence de valeurs morales vraiment ancrées, avec le souci d’un monde plus engagé, créer des liens plus respectueux, ralentir le rythme de nos existences pour tisser un lien pacifique avec la nature... C’est ce cadre démocratique, certes fragile et imparfait, qui a vu naître et grandir ces nouvelles inspirations. Pouvons-nous nous accommoder, grandir et évoluer dans une société de contrôle dont le pouvoir s’immisce dans chaque parcelle de nos existences ?
Le risque est indispensable à la vie
Pourtant, pour les grandes traditions spirituelles et religieuses, le risque est inhérent à la vie. C’est la force de l’épopée humaine. L’histoire de Siddhartha Gautama Bouddha en est l’illustration : quand il abandonna le luxe du palais paternel, son confort et ses plaisirs, il découvrit alors la maladie, la misère, la vieillesse et un
sadhu (un moine). Cela enclencha son chemin de conscience. «
Le risque est un besoin essentiel de l’âme », nous rappelait aussi la philosophe Simone Weil, poursuivant : «
la protection des hommes contre la peur et la terreur n’implique pas la suppression du risque ; elle implique au contraire la présence permanente d’une certaine quantité de risque dans tous les aspects de la vie sociale ; car l’absence de risque affaiblit le courage au point de laisser l’âme, le cas échéant, sans la moindre protection intérieure contre la peur. Il faut seulement que le risque se présente dans des conditions telles qu’il ne se transforme pas en sentiment de fatalité. » Peut-être pouvons-nous ouvrir la porte vers l’acceptation, l’humilité et la vulnérabilité envers le risque ? Et modifier la perception de ce qui se joue actuellement ?
(1)
France Culture « La santé au prisme de la syndémie de Covid-19 ».
(2)
Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer.
(3)
Rapports de pharmacovigilance de l’ANSM.