« La plus forte impression de notre prime jeunesse [...] fut l’émotion que provoqua, en notre âme d’enfant, la vue d’une cathédrale gothique. Nous en fûmes, sur-le-champ, transporté, extasié, frappé d’admiration, incapable de nous arracher à l’attrait du merveilleux, à la magie du splendide, de l’immense, du vertigineux que dégageait cette œuvre plus divine qu’humaine », écrit l’alchimiste Fulcanelli en ouverture du Mystère des cathédrales. Comment expliquer l’effet que provoquent en nous certains lieux ? Édifiés sur des sites naturels porteurs eux-mêmes d’une énergie particulière, ils ont pour vocation de l’amplifier et de l’harmoniser. « De tout temps, dans toutes les cultures, des peintures rupestres aux cathédrales, l’homme a souhaité créer un lien entre le haut et le bas, la terre et le ciel, et le marquer d’une manière ou d’une autre », rapporte l’architecte Françoise Dautel. L’usage des symboles exprime cette connexion. Ensemble, ils constituent un langage qui concrétise une relation directe au sacré, parle directement à l’âme et transmet un savoir, dans un élan universel d’élévation spirituelle.

S’ouvrir à la lumière

Rendez-vous sur le parvis de la cathédrale de Chartres. « Sa façade représente les trois états de la matière : solide, liquide et gazeux », indique l’alchimiste Patrick Burensteinas. La rosace qu’on y aperçoit s’inscrit dans un carré, symbole de la terre. Sa forme ronde renvoie à l’eau. Au-dessus, apparaît un triangle, signe du feu. À sa pointe, un ange armé d’une croix confirme « la présence de l’Esprit ». Les flèches de la cathédrale, elles, symbolisent « les deux polarités du monde, féminine et masculine », poursuit l’alchimiste. L’une est d’architecture romane, simple et discrète, porteuse d’une énergie de recueillement, d’introspection, de paix intérieure. Une girouette en forme de lune la surplombe. L’autre est de style gothique, flamboyante d’une énergie de lumière, de rayonnement et d’élévation. La girouette qui l’orne est un soleil.

Utilisés par les alchimistes pour transcrire les secrets du Grand Oeuvre, les symboles sont aussi « opérants par eux-mêmes, au service d’une alchimie Personnelle », souligne Françoise Dautel. Les églises, rappelle-t-elle, « ont été sciemment créées pour déployer et transformer des énergies, au gré d’un cheminement particulier ». Il ne suffit pas de s’y asseoir et de prier ! « Dès l’entrée, on passe un seuil », puis on traverse trois géométries : d’abord une partie rectangulaire, « qui représente le monde physique et la Matière ». Un carré, ensuite, « la pointe orientée dans l’axe de l’église », symbole du mental. Et enfin le choeur, « dont l’abside arrondie est la partie de l’âme et de l’esprit en lien avec le cosmos et le divin, souligne l’architecte. Plus on s’en approche, plus on accède à cette force vibratoire ».
(...)