Qu’est-ce que vous retenez de votre vie ?

Aujourd’hui, à plus de 70 ans, je peux dire que j’ai appris le lâcher-prise. En effet, je peux à tout instant être saisie de tremblements parfois violents, qui peuvent durer ou pas et dont je ne sais jamais quand ils vont se produire. Où que je sois, quoi que je fasse, cela peut arriver, je suis obligée de l’accepter. C’est comme si je m’étais assenée à moi-même ces symptômes qui ne me donnent pas d’autres choix que de lâcher prise… J’ai appris aussi la bienveillance. Envers moi-même d’abord, car il faut être bienveillant avec soi-même pour pouvoir l’être avec les autres. Et j’ai appris la joie, qui est pour moi un critère de réussite pour une vie. Quand on regarde derrière soi, il est frappant de constater que les expériences qui ont été les plus dures à vivre ont aussi été les plus riches d’enseignement, sont celles qui nous ont fait le plus grandir, qui nous alignent sur notre moi intérieur, c’est-à-dire la meilleure version de nous-même.

Vous parlez rarement de votre maladie…

Je vis avec ces crises occasionnelles de tremblote, mais je suis en bonne santé, je ne suis pas malade. J’évite le mot « maladie », et encore plus les noms de maladies parce que ces appellations figent les choses, alors qu’on a besoin qu’elles restent fluides. La médecine conventionnelle parle de « maladie neuro-dégénérative ». Point de vue très particulier, selon lequel les choses ne peuvent qu’empirer. Ce qui m’intéresse au contraire, face à ces symptômes, c’est de trouver le positionnement intérieur propice à la régénération, à une guérison « spontanée ».

Vous avez eu une vie très riche, à l’avant-garde. Quels en ont été les axes majeurs ?

Ce qui a fait qui je suis, c’est surtout une attitude. J’ai toujours été curieuse, j’ai toujours aimé défricher, ouvrir des voies, j’ai un fort goût de la liberté, ce qui a donné lieu à toutes sortes d’aventures. Je vois ma vie comme une coupe géologique, avec des couches distinctes. Il y a d’abord eu les années voiliers, les voyages et la vie sur l’eau, durant lesquelles j’ai découvert une liberté fantastique. Une existence très simple, ce qui permet de subvenir soi-même à ses propres besoins et nous met en contact avec notre pouvoir personnel. Puis il y a eu la cabane en forêt, au Canada, avec mon compagnon de l’époque. C’est là que nos deux fils ont passé leurs premières années. Encore le plaisir de mener une vie simple, en liberté. (...)