Au fil de notre chemin d’éveil, parmi les nombreuses « parties de soi » remontant à notre conscience, nous sommes de plus en plus nombreux à recontacter nos mémoires d’initiés. Quelles sont les traces qu’ont laissées en nous les initiations spirituelles reçues dans les civilisations anciennes ? Comment intégrer au mieux leurs ombres comme leurs lumières pour déployer enfin notre véritable grandeur ?
Se référant à ce que nous avons pu vivre au sein de temples, d’écoles de mystère ou sur certains sites sacrés de la Terre, des « souvenirs » peuvent générer en nous de grandes ouvertures et reconnexions bénéfiques, mais aussi des peurs venues d’ailleurs et impactant notre présent... De tout temps et en tout lieu, les initiations spirituelles ont marqué l’histoire de notre humanité. Particulièrement répandues en Grèce antique, elles sont loin de n’avoir concerné qu’une minorité. À leur apogée, les mystères d’Éleusis, consacrés à la déesse Déméter, pouvaient accueillir jusqu’à 3 000 initiés en même temps. Pour certains historiens comme Hérodote, ces rites auraient des origines égyptiennes et se rapprocheraient de près de ceux dédiés à la déesse Isis.
Dès le IV
e millénaire avant notre ère, à Sumer, les initiations occupaient déjà une place centrale, permettant la transmission des connaissances les plus sacrées – non seulement en ésotérisme, mais aussi en architecture, écriture, astronomie, artisanat et médecine – depuis les « dieux » vers les prêtres et prêtresses qui dirigeaient le pays. Dans toutes ces cultures, mais aussi chez les Celtes, ces initiations secrètes soumettaient les jeunes « mystes »
(1) à un processus alchimique intérieur afin qu’ils puissent s’élever au plus près des forces célestes que l’on tenait pour les vraies maîtresses de notre destinée. À travers diverses étapes parfois effroyables, comprenant généralement une mort symbolique et une renaissance dans la grâce divine, les initiés passaient d’un état humano-animal à une dimension supérieure de l’existence. À l’issue de cette métamorphose, les « deux fois nés »
(2) se voyaient dotés des plus hautes fonctions et responsabilités : celles de veiller sur le respect du Ciel, la fécondité de la Terre et l’harmonie du monde. Comme l’écrit Mircea Eliade, «
l’initiation nous montre que le vrai homme – l’homme spirituel – n’est pas donné. Il n’est pas le résultat d’un processus naturel mais est “fait” par les vieux maîtres, selon les modèles révélés par les Êtres divins et conservés dans les mythes. »
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Des sauts dans le temps
De par leur but élevé, leur intensité et leur mystère, il est certain que les initiations antiques ont marqué notre inconscient collectif. Au fond de nos âmes, elles résonnent comme ces âges d’or d’où émerge la connaissance profonde de notre nature d’êtres entiers, déployés dans toutes nos dimensions et nos plus belles capacités. À un moment donné de notre chemin d’évolution, il n’est pas rare que ces souvenirs longtemps refoulés émergent, appelant à être réintégrés, mais aussi réactualisés. Ces remontées mémorielles peuvent advenir lors de méditations profondes, dans des voyages en état expansé de conscience ou au contact de certains lieux ou traditions. Loin de se présenter toujours sous forme de visions fulgurantes et détaillées, il s’agit souvent simplement de bribes, de sensations, d’images, de symboles ou encore de parfums. «
C’est une expérience très intime qui vient nous toucher dans notre intériorité quand on ne s’y attend pas. Ces mémoires remontent à travers l’âme, mais aussi par le corps. Dans une simple sensation, je peux reconnaître une fréquence qui m’est familière et précieuse. Le cœur s’ouvre et les retrouvailles opèrent », explique Nanouk. C’est lors d’un voyage en Égypte sur le site sacré du temple d’Isis à Philæ que cette praticienne chamanique a vécu une fois de plus l’une de ces expériences marquantes. Alors qu’elle s’est écartée de son groupe, elle croise un Égyptien à qui elle demande si elle peut avancer plus loin, ce à quoi il lui répond :
«
Yes. Go to the blue lotus and come back. » (Oui, allez jusqu’au lotus bleu et revenez.) Tout en se demandant de quoi il parle, elle sent qu’elle est de retour sur un lieu connu. Plus loin, elle tombe sur un bassin au-dessus duquel flottent des lotus bleus. «
Je fus comme “envoûtée” par cette fleur, des flashs de souvenirs déjà vécus avec elle me revinrent, je retombai immédiatement en amour pour elle, nous confie-t-elle.
En redescendant, l’Égyptien n’était plus là. Aurais-je basculé un instant dans une autre réalité ? Je crois qu’il y a de cela dans la récupération de nos trésors d’initiés. En un instant, dans une étincelle d’éternité, le temps et l’espace se contractent. Un passage s’ouvre entre ce qui a été, ce qui est et ce qui sera. »
La remontée de nos mémoires d’initiés peut nous placer dans une impression de toute-puissance, d’être élus ou missionnés, dont il faut se méfier...
Des mémoires traumatiques