Nous sommes une demi-douzaine d’étudiants attentifs, face à deux formateurs au style décontracté. Ils commentent les pages qui s’affichent sur un écran géant. Scène banale d’un institut de formation. Il y a pourtant ici quelque chose d’unique : la technique enseignée n’est autre que le Controlled Remote Viewing, en abrégé CRV, ou Vision à distance contrôlée ; elle consiste à voir à distance une cible (lieu, événement, personne, situation) éloignée et inconnue de nous ; il s’agit ni plus ni moins d’obtenir de l’information sans indice sensoriel. De manière plus générale, le but de ce stage est de mieux comprendre les fonctionnements qui sont à la base de l’intuition.

« La différence avec un cours quelconque, c’est que cet apprentissage est de nature à bouleverser notre vision du monde », me lance David, un éditeur, trentenaire. Il poursuit en m’expliquant avoir toujours eu de fortes intuitions, mais être incapable de leur faire confiance, raison pour laquelle il suit cette formation. Car ces capacités intuitives, nous les posséderions tous.

Une possibilité de l’esprit

« Quelques rares personnes ne sont pas allées au bout de ce stage, car ce qu’elles ont expérimenté les a troublées », m’explique Alexis Champion, fondateur d’IRIS Intuition Consulting et formateur. Les plus surpris sont ceux qui ont tendance à mélanger perceptions extrasensorielles et croyances spirituelles. Ici, nul besoin de guide ou d’intervention divine. On nous explique au contraire que les perceptions extrasensorielles sont une simple capacité de l’esprit. L’exposé introductif est relativement bref, mais consistant : qu’est-ce qu’une intuition ? C’est avoir accès à une information inaccessible à nos modes de raisonnement conventionnels – vision, déduction, souvenirs, etc. Le Controlled Remote Viewing consiste à collecter, puis à décoder ce type d’information intuitive. Les formateurs nous expliquent que notre conscience est « par nature non locale, c’est-à-dire hors de l’espace et hors du temps ». Voici posées les grandes lignes d’un cadre théorique surprenant !

L’exercice doit nous apprendre à identifier le niveau de réception de l’information, avant que le mental n'intervienne : ne plus réfléchir, ne pas chercher à déduire, mais à l’inverse être attentif à nos sensations physiques, sensations ténues, presque imperceptibles, en amont de l’interprétation. Il s’agit d’abord de retrouver ces sensations premières ; ce sont elles qui vont nous informer sur le lieu dont nous tentons de décrire les caractéristiques. En effet, pour le premier exercice, nous sommes censés expérimenter cette capacité de la conscience à percevoir un lieu distant, sans avoir aucune information sur la nature de l’endroit en question. Pour ce faire, la photo d’un lieu a été cachée dans une enveloppe posée sur la table à côté de nous. On sait juste que c’est la photo d’un endroit, quelque part sur la Terre : un désert, l’intérieur d’une cuisine, un parc d’attractions... Il y a évidemment des centaines de possibilités, suffisamment contrastées pour que l’on sache si l’on a perçu quelque chose ou si on est complètement à côté de la plaque. Le protocole que nous utilisons a été mis au point conjointement par des civils – dans le domaine de l’archéologie notamment – et par l’armée américaine (voir encadré en fin d’article). Le travail se fait en binôme. Il y a le viewer, celui qui cherche à voir, et le moniteur, celui qui place la photo – la cible – dans l’enveloppe, et qui sera par la suite chargé de guider le viewer. Le moniteur ne donne aucun détail sur la nature du lieu ; il pose simplement des questions génériques : « Que vois-tu ? Que sens-tu ? As-tu essayé de goûter la cible ? De la toucher ? » Ses attitudes, sa voix, tout en lui doit être le plus neutre possible.

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