Et si les arbres pouvaient « sauver » l’agriculture, nos sols et leur fertilité ? Associer des arbres aux cultures et à l’élevage est une initiative encore mal connue, alors qu’elle pourrait représenter une réponse passionnante et une alternative à l’agriculture intensive, que ce soit sur le plan écologique, économique ou social.
Nature
Shutterstock/Saverio Blasi
Avant d’être une option innovante, l’agroforesterie est d’abord ancestrale. « En réalité, l’agroforesterie est un mot créé pour conceptualiser une approche qui est née avec l’agriculture, dès la fin du Néolithique », pose d’emblée Emmanuel Torquebiau(1), chercheur émérite du Cirad à Montpellier. Les premiers agriculteurs pratiquaient une agriculture sur brûlis, méthode consistant à brûler la forêt pour la défricher et, du même coup, fertiliser le sol. « Ils utilisaient la fertilité de la forêt préexistante, puis laissaient la parcelle se régénérer, avant d’y revenir quelques années plus tard après une phase de jachère », explique notre spécialiste. Cette agriculture itinérante est une des premières formes d’agroforesterie qui associe arbres, cultures et élevage. Autrefois, le bétail était élevé dans un environnement arboré, que ce soient des forêts ou des savanes boisées ! « Tout comme nous, les animaux préfèrent un environnement boisé », commente Emmanuel Torquebiau, prenant le risque de proférer une banalité, à une époque où le bon sens semble avoir déserté nombre d’institutions.
Ainsi, dès l’origine de l’agriculture ou de l’élevage, il apparaît que la présence des arbres est le dénominateur commun. Et ce, jusqu’à la naissance puis l’avènement de l’agriculture industrielle, qui coïnciderait avec l’adoption du plan Marshall en avril 1948, pour la reconstruction de l’Europe avec ses monocultures et ses champs à perte de vue. L’agroforesterie a été redécouverte sous les tropiques dans les années 1970, et va connaître dans les zones tempérées un engouement croissant. Pour Fabien Balaguer, directeur de l’Association française d’agroforesterie, « sur le terrain, cet intérêt est consécutif aux problèmes que rencontrent les agriculteurs face à la sécheresse et l’appauvrissement des sols ». En réalité, nous sommes tous concernés, y compris en tant que consommateurs ! D’après Emmanuel Torquebiau, « l’urgence climatique actuelle, couplée à une quête de sens accrue, relance l’intérêt pour cette approche d’une agriculture en lien avec les arbres et d’une alimentation saine ».
La question des paysages
Que se cache-t-il exactement derrière ce terme d’agroforesterie ? « Une erreur fréquente serait d’imaginer des forêts collées à des cultures », commente Geneviève Michon, ethnobotaniste et directrice de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement). En réalité, les combinaisons entre agriculture, arbres, forêts et élevages sont multiples et présentent nombre de paramètres variables, comme en témoignent ses découvertes lors de ses voyages :
« En Thaïlande, par exemple, ouvrir un champ dans l’épaisseur de la forêt pour planter du riz est indispensable à la survie du village. À Sumatra (Indonésie), il n’est pas rare de trouver des agriculteurs qui introduisent des plants de damar (ou méranti), un arbre recherché par les industries forestières, dans les jardins de café et de poivre. » L’ethnobotaniste évoque également les jardins d’arbres au Sahara, ou encore les bosquets forestiers, l’apêtê des Indiens Kayapo, en Amazonie. C’est en Afrique, pour sa part, qu’Emmanuel Torquebiau a trouvé des modèles inspirants : « La régénération naturelle assistée des arbres est courante en agriculture ; dans les champs, ils sont omniprésents. »
En Europe, récemment, de nombreux chercheurs ont voulu donner une forme plus rigoureuse à cette approche en classifiant les méthodes, comme les cultures sous couvert boisé, en disposition linéaire, séquentielle, ou en agroforêts. Pour mieux saisir l’essence de l’agroforesterie, Fabien Balaguer nous invite à découvrir nos régions : « En France, les formes sont variées, comme les bocages en Bretagne, en Normandie. Toutefois, les plus courantes sont la plantation d’arbres alignés ou encore les haies. » L’agroforestation fait son chemin et de nombreuses expérimentations sont en cours, dans les vignes également. Les éleveurs s’y mettent aussi ; ils conduisent les troupeaux dans les espaces arborés, surtout en été, où les arbres leur procurent du fourrage et les abritent des fortes chaleurs.
L’urgence climatique actuelle, couplée à une quête de sens accrue, relance l’intérêt pour cette approche d’une agriculture en lien avec les arbres.
Directrice de la collection l’Éveil du féminin et créatrice du blog uneaura4étoiles dédié à ce mouvement, elle suit des enseignements chamaniques et participe à des cercles de femmes depuis une quinzaine d’années. Catherine contribue au magazine Inexploré depuis plusieurs années en tant que journaliste. ...
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