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Retrouver
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Permettre aux personnes âgées de retrouver certains automatismes en faisant appel à la mémoire ancienne, c'est possible avec la méthode Montessori. À travers différentes activités et la stimulation des différents sens, les résidents des maisons de retraites médicalisées retrouvent peu à peu la satisfaction de pouvoir accomplir eux-mêmes quelques gestes du quotidien.
Retrouver la mémoire des gestes
Santé corps-esprit
« Un jour, j'ai sorti la palette, Micheline a pris le pinceau, et les gestes sont revenus », raconte Nathalie Lemaistre, aide médico-psychologique (AMP) aux Jardins de Séréna, Ehpad (établissement pour personnes âgées dépendantes, maison de retraite médicalisée) du groupe Medica situé à Champcueil (Essonne). Agée de 84 ans, la vieille dame n'avait pas peint depuis environ quinze ans. Sa fille pensait qu'elle n'y arriverait plus. Nathalie Lemaistre applique les principes de la méthode Montessori, utilisée depuis mai 2010 dans cet Ehpad, qui compte 94 résidents, dont 26 personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Fondée en 1896 par Maria Montessori (1870-1952), première femme médecin en Italie, cette pédagogie, conçue à l'origine pour des enfants, repose sur leur observation, sur leur éducation sensorielle et leur épanouissement par l'activité qu'ils accomplissent eux-mêmes. Il y a une dizaine d'années, le neuropsychologue américain Cameron Camp, père d'un enfant handicapé, a eu l'idée d'adapter cette méthode aux personnes âgées désorientées. « Notre modèle d'établissement pour personnes âgées est celui d'un village où vos voisins prennent soin de vous, plutôt qu'un modèle comme un hôpital ou un hôtel », explique Cameron Camp.

Bien souvent, s'occuper de personnes dépendantes, qui, pour certaines, ne parlent plus, se limite à faire leur toilette et à leur donner à manger. Cela peut conduire, pour les soignants, à un sentiment d'épuisement et d'impuissance.

En choisissant la méthode Montessori, les Jardins de Serena ont voulu motiver leurs employés et agir pour le bien-être des résidents. Le personnel, une cinquantaine de personnes, a été formé. L'homme d'entretien Maurice Dubois a souhaité participer aussi. Quelque 80 établissements du groupe Medica ont opté pour cette démarche, le déploiement devant concerner à terme la totalité des Ephad du groupe.

Des automatismes qui font appel à la mémoire ancienne


Le but : recueillir un maximum d'informations concernant les habitudes du patient, son passé, notamment auprès des familles. Le postulat : « Ces personnes ont des compétences, elles peuvent encore faire des choses, utiliser des sens qu'on ne met par forcément en valeur quotidiennement », souligne le docteur Didier Armaingaud, directeur médical de Medica France.

L'idée est de réactiver des automatismes qui font appel à la mémoire ancienne, afin de ne plus mettre en échec la personne, affaiblie par les troubles cognitifs qui pèsent sur les gestes du quotidien. Ce matin-là, un homme a pu faire sa toilette lui-même. « Pendant le repas, on lance le geste et souvent, ils mangent tout seul, constate Jessica Marquis, AMP, on réveille cette mémoire des gestes qui, elle, est préservée. » « On recherche le langage gestuel, en étant dans le ressenti, dans les échanges humains », explique le docteur Christophe Dekindt, médecin coordonateur aux Jardins de Serena.

Quand Jean-Luc est arrivé en juin 2010, il pleurait tout le temps et répétait, inlassablement, « c'est foutu ». Il était en demande d'affection, se souviennent les aides médico-psychologiques. Cet ancien professeur d'université de 76 ans, que sa femme dénigrait sans cesse, a retrouvé les contacts humains qui lui manquaient tant. « Il va vers les autres. Il rayonne », relate Nathalie Lemaistre.

À Champcueil, ballons, coussins en mousse, etc., sont posés çà et là pour que les résidents puissent les manipuler. Pour certains, désorientés, des photos personnelles sont sur la porte de leur chambre. L'un a choisi une photo de son chien, qui vient parfois lui « rendre visite ».

Certains déambulent, veulent bouger des meubles et « c'est souvent en les observant que l'on trouve des solutions », constate Patricia Garnier, directrice des Jardins de Serena. Tout est de plain-pied. Un vaste jardin permet de sortir, des chemins y ont été dessinés. Les résidents ramassent les fruits, les plantes aromatiques et un potager est à l'étude.

La sphère sensible s'exprime d'autant plus que les fonctions cognitives sont affectées. Du coup, un travail est fait sur les odeurs, en fonction des endroits et des moments de la journée. Telle aile du bâtiment est parfumée à la lavande, l'autre au romarin. « On envisage de propager des odeurs de café et de pain grillé le matin, et de nourriture au moment du déjeuner », explique Jessica Marquis.

Amélioration de l'estime de soi


Cette approche Montessori permet aussi d'instaurer une autre forme de communication avec les familles, pour lesquelles cette maladie est souvent un traumatisme. « Ce n'est plus la même personne », « on a perdu nos proches » sont des phrases qu'on entend fréquemment, explique Aurélia Rochedreux, psychologue aux Jardins de Serena.

Pour l'instant, il n'y a pas d'évaluation scientifique de cette méthode. Mais on constate moins d'agressivité de la part des patients. « Le turnover des soignants est passé de 75 % à 25 % au Canada grâce à cette méthode », selon Cameron Camp. Sans avoir de données chiffrées, les établissements qui l'appliquent ont réduit de manière significative le niveau des médicaments.

« Nous devons trouver des moyens pour arrêter d'avoir autant de contention chimique, qui consiste à réduire la mobilité du patient en lui administrant des médicaments de type sédatif (tranquillisant, antipsychotique, antidépresseur). D'autant que certains médicaments ferment la sphère émotionnelle », souligne le docteur Dekindt.

La méthode Montessori « est un apport supplémentaire, une sorte de reconnaissance », constate l'équipe de Champcueil. Cela permet de changer la vision sur le métier. Car « le regard extérieur sur les maisons de retraite n'est pas très positif », estime le docteur Armaingaud. Cette méthode n'est peut-être qu'une parenthèse enchantée, mais elle renforce l'estime de soi des résidents. C'est déjà beaucoup.

Lire l'article sur Le Monde.fr
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